Jacqueline Badran sur les caisses de prévoyance
«Nous financerions sans problème une 13e rente AVS»

Avec son initiative pour une 13e rente AVS, le PS veut donner un coup de pouce aux retraités. Selon la conseillère nationale Jacqueline Badran, l'argent nécessaire serait facile à trouver: il suffirait de le transférer du deuxième pilier.
Publié: 04.12.2022 à 18:08 heures
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Le PS et les syndicats demandent une 13e rente AVS.
Photo: keystone-sda.ch
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Danny Schlumpf

Il y a 50 ans hier, le peuple suisse a dit oui aux trois piliers que sont l'AVS, la prévoyance professionnelle et la prévoyance privée. Une raison de se réjouir?
Au contraire, c'est une tragédie. Le principe des trois piliers n'est pas bête, mais il est mal conçu. Les assurances sociales ont été créées pour fournir un maximum de pouvoir d'achat en dehors du processus de travail - à la retraite, en cas de chômage, d'invalidité ou d'accident.

C'est précisément à cela que servent les trois piliers.
Cette promesse constitutionnelle n'est pas tenue. La rente AVS moyenne est de 1800 francs. Ce n'est pas suffisant pour vivre. Et la rente moyenne de la caisse de pension est de 1700 francs. Cela ne garantit pas le niveau de vie habituel. A cela s'ajoute le fait qu'une grande partie des milliards que nous injectons dans la prévoyance vieillesse finissent dans les mains des revenus supérieurs et des bénéfices des assureurs privés.

Mais dans l'AVS, les revenus supérieurs financent ceux qui gagnent moins bien leur vie.
C'est vrai. Seuls 8% des gens sont des contributeurs nets et 92% reçoivent plus qu'ils n'ont jamais cotisé.

Et vous trouvez cela normal?
Bien sûr que oui. Pour les personnes disposant d'un revenu normal, il est absolument décisif de recevoir quelque chose en plus pour chaque franc versé. Pas seulement pour eux en tant qu'individus: en maintenant leur pouvoir d'achat, nous renforçons toute l'économie nationale. En revanche, leurs cotisations de 8,7% n'ont tout simplement aucun effet sur le bien-être et le pouvoir d'achat des hauts salaires.

Votre calcul ne tient pas si les retraités vivent de plus en plus longtemps.
Si, car l'AVS dépend moins du nombre de cotisants que de la masse salariale. Comme la productivité augmente, moins de personnes réalisent ensemble une masse salariale toujours plus importante.

Une augmentation permanente de la productivité n'est pas garantie. Pourtant, vous voulez aussi une 13e rente AVS. N'est-ce pas aller trop loin?
Nous y parviendrions sans problème avec un transfert minimal des cotisations du deuxième pilier vers le premier. Si nous prenions 1% de salaire du deuxième pilier, nous ne le ressentirions presque pas. Ces quelques francs de rente en moins par mois n'auraient aucune importance. Mais si nous transférions ce pourcent dans le premier pilier, nous pourrions financer une 13e rente AVS. Et avec un autre pourcent, même une 14e rente AVS!

Cela peut aussi affaiblir le deuxième pilier.
Nous versons désormais 66 milliards de francs de cotisations salariales par an dans la prévoyance et seulement la moitié dans l'AVS. Mais la rente moyenne de la prévoyance professionnelle est inférieure à celle de l'AVS. Il s'agit clairement d'une erreur de planification!

Qu'est-ce qui ne va pas?
L'un des problèmes centraux est le mélange du régime obligatoire et du régime surobligatoire. C'est une absurdité en termes d'ordre public, tant dans le deuxième pilier que dans les caisses maladie. Actuellement, nous avons une assurance de base avec des prestations et des prix administrés à 100%. Il y a en outre une interdiction de faire des bénéfices. Mais les fournisseurs sont les mêmes que ceux qui proposent les assurances complémentaires. Il n'y a pas de délimitation claire. Il en résulte par exemple des subventions croisées et des bénéfices dans l'assurance de base.

Et dans le deuxième pilier?
Là, c'est encore pire. Des frais d'administration et de gestion de fortune s'écoulent. S'y ajoutent des bénéfices garantis par la loi pouvant aller jusqu'à 10%. Sous forme de primes uniques, 22 milliards sont versés dans le deuxième pilier. Ce sont des cotisations salariales optimisées pour les personnes les mieux payées, sur lesquelles on ne paie ni impôts ni cotisations AVS. Tout cela signifie que les énormes sommes d'argent que nous versons dans le deuxième pilier vont surtout aux hauts revenus.

La révision prévue de la LPP contient toutefois une série d'améliorations pour les travailleurs à temps partiel et les bas revenus.
Cette promesse n'est pas tenue. Les caisses de prévoyance individuelles continueront à être remplies de manière extrêmement inégale. Si une personne travaillant à temps partiel et percevant un bas salaire reçoit à l'avenir des rentes de caisse de pension d'environ 100 francs de plus par mois, mais qu'elle paie en contrepartie des cotisations nettement plus élevées, cela ne l'aide pas. Et à la fin, elle recevra précisément ces 100 francs de moins de prestations complémentaires. La révision rafistole un système sclérosé.

Quelle serait l'alternative?
Nous devons séparer le régime obligatoire du régime surobligatoire. Le régime obligatoire serait géré par une institution publique, sur le modèle de l'AVS ou de la Suva, et donc sans la bureaucratie excessive existante. Les salaires jusqu'à 80'000 francs par exemple seraient assurés, avec un taux unique de 8%, sans discrimination d'âge. Dans ce domaine, l'industrie financière n'aurait ainsi aucune possibilité de gagner de l'argent avec la fortune des assurés de manière aussi insolente. Et des milliards de cotisations salariales LPP actuelles, supportées par l'économie, seraient libérés pour être utilisés plus intelligemment.

Et le régime surobligatoire?
Les établissements financiers pourraient continuer de proposer leurs produits aux entreprises et aux particuliers.

(Adaptation par Lliana Doudot)

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