Interdire les armes autonomes
Reto Wollenmann, responsable au DFAE: «La Suisse ne veut pas de robots tueurs!»

La Suisse veut interdire expressément les armes autonomes qui ne remplissent pas les exigences du droit international humanitaire. Reto Wollenmann, responsable du contrôle de l'armement au DFAE, explique pourquoi un accord international est encore loin d'être conclu.
Publié: 15.01.2023 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 15.01.2023 à 08:30 heures
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Reto Wollenmann est chef de section adjoint pour le contrôle de l'armement au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Marguerite Meyer, Ariane Lüthi

Monsieur Wollenmann, vous êtes responsable du contrôle de l’armement, du désarmement et de la cybersécurité au sein du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Quelle est la position de la Suisse sur les armes autonomes?
Reto Wollenmann:
La Suisse ne veut pas de robots tueurs! Elle se positionne donc clairement contre le développement d’armes entièrement autonomes. L’intelligence artificielle est aujourd’hui une réalité et n’est pas mauvaise en soi. Nous l’utilisons partout dans la vie quotidienne. Mais pour les systèmes d’armement, il faut des limites juridiques et éthiques claires à l’autonomie.

Comment la Suisse entend-elle régler cette question au niveau international?
La Suisse s’engage en faveur d’une réglementation internationale. Elle veut interdire expressément les armes autonomes qui ne pourraient pas satisfaire aux exigences du droit international humanitaire. De telles armes constitueraient une violation du droit international humanitaire et seraient extrêmement préoccupantes d’un point de vue éthique. En outre, la Suisse veut que l’utilisation de toutes les autres armes autonomes soit contrôlée et réglementée au niveau international. Il faut fixer des limites claires à l’autonomie. Cela implique que l’être humain garde le contrôle et assume la responsabilité. La décision de vie ou de mort d’un être humain ne doit pas être laissée à un algorithme. La Suisse soutient les négociations de Genève, qui veulent inscrire ces principes dans un protocole.

Où en sont les négociations?
Les travaux du groupe d’experts à Genève sont en cours depuis 2014. Nous avons déjà réalisé d’importants progrès conceptuels. Ainsi, en 2019, les États se sont mis d’accord sur onze principes directeurs. Le respect du droit international humanitaire est la priorité absolue. Malheureusement, les négociations se sont enlisées avec la guerre d’agression russe contre l’Ukraine. Toutefois, les gouvernements se sont tout de même mis d’accord pour poursuivre les discussions l’année prochaine.

Quelle est la probabilité qu'un accord international visant à réglementer ces systèmes d'armes voit le jour?
Un accord soutenu par les grandes puissances et les États les plus avancés sur le plan technologique n’est malheureusement pas encore à portée de main. Et un accord sans ces Etats n’aurait qu’un caractère symbolique.

D'où vient le problème?
De nombreuses questions restent en suspens. À commencer par la définition de ce que sont les armes autonomes, ce qui doit être autorisé et ce qui ne l’est pas. Et la question se pose de savoir comment le respect des règles pourrait être contrôlé.

Quels sont les États qui s’opposent concrètement?
La Russie a toujours été sceptique, et depuis février, les questions de contrôle des armements sont devenues encore plus difficiles. Comme le groupe d’experts doit prendre des décisions par consensus, un seul pays peut les bloquer. Mais tous les autres Etats semblent en principe vouloir un résultat. Il n’y a pas encore d’accord sur la portée d’une réglementation et sur le fait de savoir si celle-ci prendra la forme d’un traité international ou plutôt d’une déclaration.

Que fera la Suisse si les efforts déployés jusqu’ici pour une réglementation internationale échouent?
Le nombre d’États qui s’engagent en faveur d’une réglementation internationale efficace ne cesse d’augmenter. En mars dernier, la Suisse et 23 autres pays ont déposé une proposition à Genève. Celle-ci a été élargie à une déclaration de 70 Etats à l’Organisation des Nations Unies à New York. Les choses avancent donc, même si c’est lentement. Les efforts s’inscrivent dans la durée.


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