Crise énergétique, guerre en Ukraine, inflation: les perspectives ne semblent pas réjouissantes. En 2023, l’économie suisse ne devrait plus croître que de 0,7%, anticipent les prévisionnistes du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’EPF de Zurich. Et pourtant: l’économie suisse ne se porte pas si mal que ça. Le pays devrait être épargné par une contraction de l’économie. «Notre préparation fait en sorte que nous verrons un semestre d’hiver faible, mais que nous ne tomberons pas forcément en récession», précise Jan-Egbert Sturm, directeur du KOF. Les entreprises cherchent depuis des mois des solutions pour économiser de l’électricité ou pour pouvoir produire de manière plus efficace sur le plan énergétique.
Croissance modérée
Si l’on ajoute à cela le fait que l’économie suisse est toujours en train de rattraper son effondrement post-pandémie, «son état est encore étonnamment bon. Les carnets de commandes sont remplis. Mais les perspectives se sont très fortement assombries ces dernières semaines», analyse Rudolf Minsch, économiste en chef de l’association faîtière Economiesuisse.
Ses prévisions sur l’avenir sont un peu plus pessimistes que celles du KOF: l’économie suisse ne devrait croître que de 0,5% l’année prochaine, selon lui. Rudolf Minsch parle d’une «guerre sur plusieurs fronts» que les entreprises doivent actuellement mener. Non seulement les coûts faramineux de l’énergie donnent du fil à retordre à de nombreux patrons. Mais les goulets d’étranglement persistants dans les livraisons ou le manque de main-d’œuvre qualifiée ont pour conséquence que les commandes ne peuvent pas être exécutées aussi rapidement que souhaité.
La Suisse s’en sort bien
Résoudre des problèmes fait partie des compétences clés de l’économie suisse. Ce n’est pas seulement depuis la crise de la dette de l’euro qu’elle a dû se réinventer, développer de nouveaux modèles commerciaux ou trouver des créneaux lucratifs.
La Banque nationale suisse (BNS) s’en est plutôt bien sortie. Certes, elle n’a pas pu s’opposer durablement au renforcement du franc, mais la BNS a toujours permis à l’économie de s’adapter, notamment avec le taux plancher ou les interventions sur les devises. De plus, le franc fort protège de l’inflation: l’augmentation du prix de l’énergie, par exemple, ne se répercute pas de manière aussi dramatique qu’ailleurs.
Sans électricité ni gaz, rien ne va plus
Une monnaie forte, moins d’inflation, des taux d’intérêt plus bas, tout cela renforce un pilier important de la conjoncture: la consommation. Les Suisses peuvent s’offrir plus que leurs voisins. Ils dépensent sans (trop) compter l’argent qui a été mis de côté après le Covid-19. Ce qui profite, par exemple, aux secteurs de la restauration et du tourisme.
La Suisse est un site attractif pour les employés, elle attire des personnes formées du monde entier. Qui, avec leurs revenus, renforcent encore l'économie. Même le cercle vicieux de la hausse des prix et des salaires tourne beaucoup moins vite chez nous qu'aux Etats-Unis par exemple. La retenue helvétique y est aussi pour quelque chose: «Au final, les négociations salariales aboutiront à un bon compromis, de sorte que nous pourrons éviter une véritable spirale prix-salaires», espère Jan-Egbert Sturm. Même en cas de fort ralentissement de l'économie suisse, le chômage ne devrait augmenter que légèrement.
Toutefois, malgré tous les atouts de l’économie suisse, le pays ne peut pas se passer d’électricité et de gaz. Si ces deux sources d’énergie viennent à manquer lors d’un hiver froid et rigoureux, la Suisse pourrait être plongée dans le noir pendant des jours. Si les machines doivent s’arrêter pendant plus longtemps, alors l’économie suisse risque d’en souffrir. Une récession serait alors inévitable l’année à venir.