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Immunité de groupe
Daniel Speiser: «Faire pression sur les non-vaccinés est inutile»

Environ 12% de la population suisse ne veut pas se faire vacciner. A quel point est-ce problématique? Daniel Speiser, immunologue à l'Université de Lausanne et membre de la Task force Covid-19, éclaire Blick sur ce sujet.
Publié: 09.06.2021 à 07:53 heures
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Dernière mise à jour: 09.06.2021 à 08:18 heures
Sven Ziegler

Il s'agit d'un terme qui existait en filigrane des discussions autour du Covid depuis le début de la pandémie, mais dont l'utilisation s'impose au débat public au fur et à mesure que la campagne de vaccination augmente. Les objectifs à atteindre concernant l'immunité de groupe sont pourtant victimes d'un certain malentendu.

Si celle-ci reste la priorité, le virus ne va pas pour autant magiquement disparaître dès que 70% des personnes seront immunisées — ou même 80%. Comme la population ne forme pas un groupe fermé, mais que les gens se déplacent et échangent des informations, le virus continuera à se propager.

«Un acte civique», selon Guy Parmelin

La pression sur les personnes non vaccinées en Suisse ne semble pas vouloir diminuer. Les politiciens suisses ont également mis le pied sur l'accélérateur. Même Guy Parmelin, à contre-courant de son parti, s'oppose au refus de la vaccination et considère la vaccination comme une sorte «d'acte civique». Toute personne qui refuse la vaccination doit en assumer les conséquences, dit le président de la Confédération.

Pourtant, la proportion de personnes qui refusent absolument de se faire vacciner a fortement diminué ces derniers mois. Seuls 12 % environ sont encore clairement opposés à la vaccination. Le camp de ceux qui désirent se faire vacciner, en revanche, a fortement augmenté. Alors qu'en décembre, seule 35% de la population en faisait partie, ce chiffre est passé à 75% en mai, selon une enquête menée par la Haute école spécialisée de Lucerne.

Ne pas rajouter plus de pression

En conséquence, le nombre de vaccins administrés est en constante augmentation. L'OFSP a annoncé mardi lors d'une conférence de presse qu'un adulte sur deux a déjà reçu au moins une dose de vaccin. Environ un quart de la population adulte a déjà été entièrement vacciné.

L'immunologiste Daniel Speiser, de l'Université de Lausanne et membre de la Task force Covid-19, estime pourtant qu'il est insensé de mettre de plus en plus de pression sur les personnes qui ne veulent pas se faire vacciner. «Tout le monde ne peut pas se faire vacciner, et certains ne le veulent pas. Rajouter de la pression risque plus de les faire se braquer qu'autre chose.»

L'important, dit-il, est que toutes les personnes désireuses de se faire vacciner puissent le faire et se protéger ainsi contre une évolution grave de la maladie. Daniel Speiser met aussi en garde les gens contre le fait de renoncer à la vaccination par confort. «Les personnes qui ne se font pas vacciner prennent d'autres risques, comme le Covid long».

«Le virus va continuer à circuler»

Selon Daniel Speiser, il est peu probable que l'objectif de l'immunité collective, dont on parle tant, soit atteint. «Le virus va continuer à circuler. Nous devons donc nous concentrer sur la prévention des cas graves et apprendre à vivre avec le virus.»

L'immunologiste est très satisfait de l'évolution actuelle de la campagne de vaccination en Suisse: «Nous constatons une progression de semaine en semaine. Nous pouvons remercier en partie nos politiciens, mais surtout le personnel de santé. On les oublie à nouveau un peu, mais ces personnes méritent beaucoup d'éloges».

Il est urgent d'agir à l'international

Au niveau international, cependant, il est urgent d'agir, a-t-il déclaré. «Au niveau mondial, la situation reste alarmante. Les pays occidentaux sont maintenant très avancés en matière de vaccination, mais au niveau international, ils en font encore beaucoup trop peu.»

Il plaide pour un soutien aux pays les plus pauvres, que ce soit sous forme de financement, de don de vaccins ou de soutien en personnel médical. Les responsables politiques ont reconnu la gravité de la situation, mais il faut maintenant passer à l'action, estime Daniel Speiser. «Nous allons voir si la communauté internationale est capable de trouver une solution ensemble. Il s'agit d'un problème urgent auquel nous devons nous attaquer immédiatement.»

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