Voilà une idée qui pourrait bien se retourner contre son auteur. C'est dans les colonnes du journal alémanique «Tages Anzeiger» qu'un jeune homme cisgenre (dont l'identité de genre est identique au sexe assigné à la naissance) a ouvertement raconté avoir changé de sexe à l'état civil pour devenir une femme, dans le but d'éviter le service militaire.
Ce changement est possible en Suisse depuis 2022 de manière facilitée, après quelques démarches administratives. Bien que le changement de sexe soit en fait réservé entre autres aux personnes transgenres, le jeune homme a bel et bien réussi à en profiter.
«Rendre la règle absurde»
Pour ce membre de l'UDC, le but de la démarche était également de protester contre la nouvelle loi qui autorise un changement de sexe sans aucune preuve médicale ou psychologique. «Je voulais pousser cette nouvelle réglementation jusqu'à l'absurde», a-t-il déclaré au «Tages Anzeiger».
Mais le jeune homme de 23 ans devra désormais s'inquiéter des suites judiciaires de cette affaire. Selon l'Office fédéral de la justice, une telle procédure est illégale – si elle s'est effectivement déroulée de cette manière et que son identité est révélée. «Les déclarations de changement de sexe abusives ou irréfléchies ne sont pas tolérées et sont condamnées», a indiqué à Blick une porte-parole de l'institution.
Du point de vue du droit pénal, un tel comportement peut être considéré comme l'obtention frauduleuse d'un faux acte de notoriété. Selon le code pénal, cela peut entraîner une peine de prison allant jusqu'à cinq ans ou une amende.
C'est aux tribunaux qu'il revient de juger, finalement, s'il s'agit d'une déclaration abusive ou imprudente, a confirmé la même porte-parole.
Aucun cas d'abus connu
Dans toute la Suisse, 1171 personnes ont fait changer l'indication de leur sexe en 2022. Le nombre de fraudes n'est pas connu. Les autorités de l'état civil sont toutefois tenues de signaler tout soupçon, indique-t-on à l'Office fédéral de la justice.
L'Université de Fribourg est actuellement chargée d'analyser la nouvelle disposition légale, notamment en ce qui concerne les cas d'abus.
Un cas inimaginable pour Karin Keller-Sutter
Lors du débat politique, la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter avait déclaré il y a trois ans au Parlement qu'elle ne s'attendait pas à ce que la nouvelle réglementation soit un jour exploitée avec autant d'audace: «Je ne peux pas m'imaginer qu'un jeune homme se fasse inscrire comme femme dans le registre d'état civil simplement parce qu'il est astreint au service militaire.»
Elle avait alors déclaré que ces inquiétudes étaient totalement fantaisistes: «Ces personnes changent tout, toute leur identité. Elles bouleversent leur vie. Personne ne fait ça sur un coup de tête.»
Pour le jeune homme, le plan n'a de toute façon pas fonctionné. Quelques mois après son changement de sexe sur le papier, il a tout de même reçu l'ordre de marche. Sa transition administrative en tant que femme n'a eu lieu qu'après le recrutement – l'armée l'a donc enregistré en tant que femme inscrite sur base volontaire. Mais il n'avait tout simplement pas envie de faire l'école de recrues et s'est fait déclarer inapte à l'aide d'un psychiatre.