«Il n'y a pas de quoi être fier!», assène Monika Roth, avocate et spécialiste de la place financière. La femme de loi fait référence aux récents méfaits du multimillionnaire et ex-patron de Novartis Daniel Vasella.
Et beaucoup de Suisses sont d'accord avec elle. Les indignations pleuvent depuis que la «SonntagsZeitung» a mis en lumière les pratiques fiscales plus que douteuses de l'homme d'affaires. Le journal dominical a révélé ce week-end que le médecin et ancien cadre avait voulu «optimiser» ses impôts en Suisse en 2013 – comme par hasard, l'année de son départ de Novartis. Il aurait fait transférer son domicile de Risch, dans le canton de Zoug, tout droit à Monaco, qui est, bien sûr, un paradis fiscal.
Mais le fisc zougois n'a pas avalé la pilule. Selon un jugement dont Blick a également pris connaissance, les autorités ont minutieusement prouvé point par point à l'ex-manager que ses papiers de domicile ne pouvaient pas être en règle.
Les autorités fiscales regardent de près
Comment ont-ils démontré leurs allégations? Dans le jugement désormais public du Tribunal administratif de Zoug, on peut lire que les enquêteurs ont fait une comparaison de la consommation d'eau et d'électricité de Daniel Vasella à Risch et dans l'appartement de cinq pièces qu'il louait à Monaco. De plus, ils ont vérifié les entrées du calendrier et les ont comparées aux relevés de carte de crédit. Enfin, ils ont tenté de mettre la main sur les données de localisation de l'ancien CEO et de sa femme. Mais celui-ci a refusé d'obtempérer. Sa compagne a, quant à elle, assuré qu'elle n'utilisait pas son téléphone portable à Monaco. Verdict: c'est très «difficilement imaginable», tranche le tribunal.
Les autorités fiscales ont bel et bien scruté les faits et gestes du couple. Mais cette procédure n'aurait rien d'inhabituel. «Ces examens réalisés par les autorités fiscales se produisent de temps à autre pour les classes de revenus élevées», explique Monica Roth, qui a également été juge fiscal dans le canton de Bâle-Campagne de 1993 à 2011.
Accepter de s'être fait pincer
Comme tant d'autres, l'experte ne peut pas comprendre cette tentative d'optimisation fiscale. «A mes yeux, Daniel Vasella se ridiculise complètement!», charge Monica Roth. L'avocate ajoute que si elle peut bien comprendre qu'on essaie de tricher, elle ne peut pas admettre qu'on persiste.
«Si l'autorité fiscale regarde de très près les conditions de vie et qu'il est évident, faits et justificatifs à l'appui, qu'on a voulu contourner le système, pourquoi refuser d'accepter la décision légale?» Et, de surcroit, remettre en question cette même décision devant le Tribunal administratif, comme l'a fait Vasella, assène-t-elle.
Pour beaucoup de Suisses et Suissesses, il est difficile d'accepter que l'on ne parle que d'«astuces fiscales» lorsqu'on évoque le cas Vasella. Mais c'est pourtant la terminologie consacrée: l'ex-patron de Novartis est trop malin pour se faire pincer pour des faits plus graves. Il ne s'est rendu coupable dans les actes ni de fraude fiscale, ni d'évasion fiscale. Raison pour laquelle il ne devra régler que les frais de procédure en tant que recourant. Et, bien sûr, payer les impôts dus de plein droit à son canton de domicile.
La loi suisse demande plusieurs conditions
Se soustraire au fisc implique de donner des fausses informations sur son revenu et sa fortune. La fraude fiscale est considérée comme une contravention et est punie d'une amende. Dans les cas particulièrement graves, ce montant peut atteindre le triple de l'impôt soustrait.
La condamnation pour fraude fiscale demande de remplir de nombreuses conditions supplémentaires. Par exemple, il faut absolument qu'il y ait eu falsification de documents, c'est-à-dire manipulation de certificats de salaire, de bilans ou de livres de comptes. Mais les fraudeurs fiscaux, s'ils sont pris la main dans le sac, risquent gros: ils s'exposent à une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans.