La voix de Diana Chloridou se brise au téléphone. «Cela fait un mois qu'on se bat pour qu’ils ne tuent pas Freddy Junior.» La Genevoise est en conflit avec le vétérinaire cantonal, qui voici six semaines a placé en quarantaine un petit chiot qu’un membre de sa famille a rapporté de Moldavie – un pinscher allemand.
Le chiot devait être une surprise pour sa mère, qui était en Suisse à l’occasion de la naissance de son petit-fils. Elle serait ensuite repartie avec Freddy Junior dans les bagages. «C’était pour qu’elle aille mieux. Elle a beaucoup souffert de la mort de notre ancien chien, Freddy», déclare Diana.
Freddy, un pinscher allemand également, est mort à 13 ans durant un épisode de vie difficile pour sa mère. Mais un des cousins de Diana a trouvé le moyen de remonter le moral de sa tante: en Moldavie, un de ses amis possédait une chienne de la même race que Freddy qui venait de mettre bas.
Sauf qu’il a fallu faire vite avant que la matriarche ne rentre en Grèce. Pucé, le chiot de deux mois a donc été amené en voiture à Genève par un ami de la famille. Il a passé les contrôles sans problème, muni d’un passeport moldave, et le cousin a surpris tout le monde en amenant ce chien, croyant bien faire.
Une unité d’intervention se saisit du chien
C’est à Genève que les problèmes ont commencé. Car Freddy Junior n’est pas vacciné contre la rage, puisqu’on ne vaccine pas les chiots avant trois mois. Diana Chloridou pensait le faire à Genève et s'est donc rendue chez un vétérinaire.
Durant le processus administratif préalable à la vaccination, le cas est remonté aux oreilles du vétérinaire cantonal. Puis une unité d’intervention du Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAVA) est venue et s’est saisie du chien au domicile genevois de Diana Chloridou.
La vaccination contre la rage est effectivement l'une des conditions de l'importation légale d’un chien, comme l’explique le SCAV à Blick: «Pour importer un chien en Suisse, l’animal doit avoir été d’abord correctement identifié (puce électronique), puis vacciné contre la rage et enfin muni des documents requis. En provenance d’un pays à risque de rage comme la Moldavie, il doit remplir des charges supplémentaires tels qu’une sérologie, des délais d’attente plus longs, l'obtention d'une autorisation d'importation, etc.».
Diana Chloridou et ses cousins assurent qu’ils ne savaient pas. Le 8 juin, le SCAV donne un délai de cinq jours pour trouver un pays qui accepterait de reprendre le chiot. Dans le cas contraire, le chien sera endormi. «On m’a dit que ce chiot représentait un danger public».
Une pétition pour sauver Freddy Junior
Diana Chloridou prend un avocat, qui obtient du juge de suspendre temporairement la mesure. Durant ce délai, elle se tourne tout d’abord vers la Grèce, puisque c’est là que le chiot doit aller, mais les autorités vétérinaires, après une approbation initiale, font subitement marche arrière.
En Allemagne, un refuge bavarois tenu par la Tierschutzverein Bad Reichenhall se déclare prêt à accepter le chiot même sans vaccin, mais les autorités allemandes refusent catégoriquement. L’association allemande lance même une pétition sur Change.org, qui compte ce matin du 20 juillet plus de 2500 signatures.
Selon les avocats de Diana, Romain Jordan et Léna Robin, le chiot est selon toute vraisemblance en bonne santé. «Le chiot est en parfaite santé et n’a finalement passé que très peu de temps en Moldavie. Il ne s’agissait pas d’un chien errant. Bien au contraire, sa provenance est connue, déclare l'avocat Romain Jordan. Nous disposons de la preuve que sa mère a été régulièrement vaccinée contre la rage avant la naissance de sa portée, excluant toute chance qu’il ait pu contracter le virus.»
L’animal serait en bonne santé
La preuve de la vaccination de la mère de Freddy Junior a été présentée au juge. La mère transmet en effet ses anticorps au nouveau-né et il reste donc immunisé pendant les premiers mois de sa naissance. Il suffirait donc de vacciner le chiot qui est enfermé depuis six semaines au SCAV, puis de le rendre à ses propriétaires. «Le refus de procéder à la vaccination est selon nous arbitraire, au vu des spécificités du cas d’espèce, et l’euthanasie - mesure de confort pour l’autorité - absolument disproportionnée. Nous espérons que le juge statuera en ce sens», souligne Romain Jordan.
Le cabinet d’avocat a dû présenter sa réplique ce mardi au juge, qui rendra une décision sur l’effet suspensif de la mesure d’euthanasie. S’il la récuse, le SCAV pourra procéder à l’euthanasie du chiot, et ce alors même que le juge doit encore statuer sur le fond de la demande de Diana. Il se pourrait donc que le chiot soit tué, et que le juge décide ensuite que cette mesure préventive n’est pas justifiée.
«Je refuse que ce chiot meure à cause de nous»
Diana est désespérée face à cet imbroglio administratif. Elle se déclare en revanche tout à fait prête à accepter les conséquences de l'importation du chiot. Sa mère, désignée comme propriétaire et donc légalement responsable du chiot, va certainement recevoir une amende pour importation illégale de chien, et la facture finale sera également à sa charge.
«Mais je refuse que ce chiot meure, soupire-t-elle. Nous nous sommes excusés, nous avons dit que c’était de l’ignorance de notre part. Je vis à Genève depuis huit ans, je ne laisse jamais de rappel impayé, je viens d’obtenir un CFC, je n’aurais jamais pris de risques sciemment.» Elle termine notre entretien téléphonique avec un constat amer: «Ils se disent amis des animaux, mais ils sont tout sauf cela.»
Le SCAV se justifie: «La rage a officiellement été éradiquée en Suisse en 1998, mais elle est encore présente dans de nombreux pays et tue chaque année environ 60'000 personnes. Nonante-neuf pour cent des contaminations aux humains sont dues à des chiens». Tout en refusant de commenter l'affaire en cours.