Qui est vraiment l'homme de 45 ans qui a tué les quatre autres membres de sa famille, avant de retourner une arme contre lui-même, un jeudi 9 mars à Yverdon-les-Bains? Le qualificatif de «père aimant», d'après des témoignages de proches rapportés par «L'illustré», a choqué plusieurs lectrices et lecteurs de Blick.
«On parle d'un mec qui a abattu sa femme et ses trois filles avant de se donner la mort», s'insurge un utilisateur de Twitter, qui y voit un «crachat à la gueule» (sic) des victimes de ce quadruple homicide suivi d'un suicide. De même, le qualificatif de «drame», pour ce qui est en fait une tuerie, a irrité tant les associations féministes que des lectrices et lecteurs lambda.
Une enquête touffue du «Matin Dimanche» permet de remettre la focale sur l'auteur de ce deuxième «féminicide» recensé cette année dans notre pays. Le terme n'est pas officiel: le Conseil des États a refusé de le reconnaître, en 2020, rappelle «Stop Feminizid». Au sens juridique, «féminicide» n’est donc pas (encore?) le synonyme d’homicide au féminin.
Ancien officier de l'armée et policier
Mais l'association tient les comptes pour «documenter la violence contre les femmes de la manière la plus complète possible». Et les événements du Nord vaudois figurent déjà sur le site, venant s'ajouter à l'autre «féminicide» répertorié en Suisse en 2023. C'était à Rupperswil (AG). Un homme de 57 ans avait poignardé son épouse, qui était de dix ans sa cadette.
«Le quadruple meurtrier avait été gendarme et s’en vantait»: c'est avec ce titre que le journal dominical présente celui qui a ôté la vie à ses trois filles et à sa femme.
L'homme était entré dans la police alors qu'il avait 24 ans, en 2001. Déjà lieutenant dans les troupes de sauvetage de l'armée, il avait été formé au maniement d'armes à feu et «en possédait plusieurs exemplaires chez lui», écrit le «Matin Dimanche».
Après son départ de la police, quatre ans plus tard, il avait tour à tour goûté à la publicité dans l'entreprise familiale, à l'entrepreneuriat avec une plateforme internet à visée écologiste — qui lui vaudra un portrait dans «24 heures», à l'époque — et aussi au commerce d'art. Sur son site internet, toujours en ligne, il proposait «d'accéder aux trésors cachés des collections privées».
Y avait-il des signes avant-coureurs?
Un message aussi énigmatique que le personnage. «Le gars se prenait pour le roi du pétrole», témoigne un proche dans le «Matin Dimanche», dépeignant un homme attiré par «tout ce qui brille».
Il n'hésitait pas à proposer des Chagall, des Dubuffet ou encore des Monet sur son site, provoquant souvent la suspicion de ses interlocuteurs. «Il disait à tout le monde qu’on avait des mines d’or et de diamants. Il falsifiait des licences, des titres de propriété. Ça a vraiment failli me mettre dans la mouise», raconte à l'hebdomadaire un homme qui était lié au meurtrier.
Le quadragénaire parlait de s'installer aux Émirats Arabes unis, à l'Île Maurice ou en Afrique du Sud, ce qui faisait peur à son épouse. Il se disait actif dans le business en Afrique, mais aussi dans les cryptomonnaies. Mais comment est-il passé de mythomane présumé à meurtrier, fauchant la vie de ses proches en même temps que la sienne?
L'enquête devra démêler le vrai du flou, et permettre de savoir s'il y avait d'éventuels signes avant-coureurs. «En Suisse, la prévention et l'éducation font encore défaut, relève «Stop Feminizid»: les auteurs ont parfois un long passé de violence et chaque féminicide est l'échec des mécanismes de contrôle social de la police, des experts et la justice.»