Les caprices météorologiques extrêmes des derniers mois sont effrayants. Le printemps a vu défiler tour à tour le gel, la sécheresse, la grêle et les fortes pluies. Carottes, tomates, blé, pommes de terre, abricots et pommes: les cultures alimentaires ont beaucoup souffert et les bonnes récoltes ont été rares en 2021. Pour de nombreux agriculteurs, c’est une année difficile qu’ils préféreraient oublier.
Selon le nouveau rapport des Nations unies sur le climat, le changement climatique favorise directement la survenue de telles années catastrophiques. «Nous pouvons faire face à la lente augmentation des températures. Mais nous pouvons difficilement réagir aux violentes tempêtes. Elles m’inquiètent beaucoup», explique sombrement Pierluigi Calanca, le directeur adjoint du groupe de recherche Climat et agriculture d’Agroscope, le centre de compétence de la Confédération dans le domaine de la recherche agronomique et agroalimentaire. «C’est surtout l’augmentation des événements extrêmes qui constitue une menace», continue le géographe et climatologue de 58 ans.
Le scientifique mène des recherches à la station de Zurich-Reckenholz depuis 20 ans. Le Tessinois est confronté quotidiennement aux effets du changement climatique sur les différentes cultures agricoles. Agroscope recherche notamment de nouvelles variétés de plantes capables de mieux s’adapter au climat du futur. «D’ici 2050, la température moyenne mondiale augmentera très probablement d’un autre degré. En Suisse, nous nous attendons à une augmentation deux fois plus importante», avertit Pierluigi Calanca. Les nouvelles variétés devront donc être avant tout plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse.
Nouvelles variétés du sud et de l’est
«Nous allons dans des régions qui ont déjà le climat projeté de la Suisse dans 30 ans. Nous nous procurons des céréales dans le sud de la France, dans les Balkans et en Ukraine et les testons pour la Suisse», détaille l’expert. Les anciennes variétés sont au centre d’un regain d’intérêt car elles sont plus résistantes que celles utilisées actuellement dans la plupart des exploitations agricoles.
La culture de riz sur le plateau central est un autre projet prometteur d’Agroscope. Dans de nombreux champs drainés dans les années 1960, le sol s’enfonce et du CO₂ s’en échappe. «On pourrait mettre fin à ce phénomène en ramenant de l’eau sur les terres et en cultivant du riz humide», développe le chercheur. Agroscope mène des recherches à Reckenholz sur la manière de réduire au maximum les émissions de méthane des champs inondés et sur les méthodes de culture particulièrement productives dans le pays.
Sans réduction drastique des émissions de CO₂, l’approvisionnement alimentaire de la Suisse pourrait être compromis
Les effets du changement climatique sont très variables, rien que dans un petit pays comme le nôtre. En Suisse occidentale et dans l’Unterland zurichois jusqu’à Schaffhouse, les agriculteurs sont déjà touchés par une sécheresse croissante et doivent arroser plus souvent. En parallèle, les prairies alpines sont de plus en plus considérées comme des terres prometteuses avec l’augmentation de la température. Il y pleut davantage et la période de végétation (la plus propice pour la pousse des plantes) est plus longue. Malgré ces bons points, l’érosion des sols augmente à cause des fortes pluies et compromet la stabilité des cultures en montagne.
«La durée pendant laquelle la Suisse est assurée d’être approvisionnée en nourriture dépendra fortement de l’évolution des émissions de CO₂», prédit le scientifique. «Si nous parvenons à réduire les émissions nettes à zéro d’ici le milieu du siècle, nous pourrons contrer le changement climatique grâce à la technologie et aux nouvelles variétés. Si nous n’y parvenons pas, les températures augmenteront encore de deux à quatre degrés d’ici la fin du siècle. La situation deviendra alors plus que critique», conclut-il.