Expulsion au Mormont
Non, la police n'a pas été violente avec les zadistes

Dans un communiqué, trois rapporteurs spéciaux de l'ONU critiquent un «usage excessif de la force» lors de l'évacuation du camp climatique de la ZAD du Mormont. Notre envoyée spéciale sur place dépeint une tout autre image.
Publié: 13.01.2022 à 11:06 heures
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Dernière mise à jour: 13.01.2022 à 17:43 heures
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Des policiers emportent une «zadiste» sur la colline du Mormont.
Photo: Luisa Ita
Fabienne Kinzelmann

Violence excessive, arrestations arbitraires de manifestants et de personnel médical, conditions de détention problématiques: il ne s'agit pas ici d'un rapport onusien sur la situation actuelle au Kazakhstan, mais d'une évacuation du camp des activistes climatique du Mormont près d'Eclépens VD en mars dernier.

Dans une lettre adressée à Jürg Lauber, ambassadeur de Suisse auprès de l'ONU à Genève, trois rapporteurs spéciaux de l'ONU se disent préoccupés par le sort réservé aux activistes climatiques. Ils estiment que leurs actions relèvent de la désobéissance civile pacifique et sont dès lors protégées par le droit international, écrivent Clément Nyaletsossi Voule (rapporteur spécial sur la liberté de réunion), David Boyd (environnement) et Irene Khan (liberté d'expression).

Ils s'inquiètent en outre des peines auxquelles certains manifestants pourraient être condamnés. Celles-ci «semblent» ne pas être «proportionnées aux objectifs légitimes» de ces personnes. La lettre, qui vient d'être publiée, a été envoyée début novembre.

Trente-sept personnes condamnées

Les rapporteurs spéciaux de l'ONU ont apparemment été contactés par Amnesty International. L'organisation de défense des droits de l'homme voit dans l'expulsion et les sanctions une «restriction disproportionnée des libertés fondamentales».

La ZAD (zone à défendre, ndlr) a été établie sur la colline du Mormont, près d'Eclépens dans le canton de Vaud, où la multinationale du ciment Holcim étend son exploitation de calcaire. Pour protester contre cette extension, des activistes climatiques ont occupé la colline en octobre 2020.

Après cinq mois d'occupation, les autorités ont évacué le campement le mardi 30 mars 2021. Lors de l'intervention policière, au moins 37 «zadistes», qui avaient refusé de décliner leur identité, ont été condamnés par ordonnance pénale à 60 ou 90 jours de prison. Au total, 200 personnes ont participé à la manifestation, dont de nombreux militants venus de l'étranger.

Blick était sur place pendant l'évacuation

Selon Luisa Ita, correspondante de Blick, l'évacuation de la colline du Mormont s'est toutefois déroulée de manière très pacifique. «Les policiers ont à chaque fois demandé aux activistes: pouvons-nous vous emmener ou voulez-vous partir de vous-même?» Les journalistes ont reçu des gilets de presse et un accès illimité. La police a agi de manière extrêmement réfléchie et lente et a en outre documenté l'intervention avec des caméras de police.

Les activistes, qui avaient annoncé à Blick qu'ils n'abandonneraient pas sans se battre, se sont défendus contre l'expulsion avec des feux d'artifice, des tuiles volantes et des barricades enflammées. La police a riposté une fois avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Comme l'a indiqué la police vaudoise dans la soirée, un policier s'est légèrement blessé à la main vers la fin de l'intervention à la suite de l'explosion de matériel pyrotechnique.

L'évacuation s'est prolongée le samedi suivant, quatre jours après l'évacuation du campement par la police, parce qu'une militante et un militant pour le climat avaient occupé un arbre. Au total, ils y sont restés une centaine d'heures.

«Les policiers nous ont nourris d'abricots et d'amandes»

Selon notre journaliste Luisa Ita, il s'agit de la seule situation où les forces de l'ordre se sont montrées plus dures avec les activistes. «La police a confisqué les affaires des activistes sur l'arbre au bout de quelques jours». Craignant que l'un ou l'une d'entre eux ne se blesse, la police a renoncé à faire descendre de force les activistes qui se sont désignés sous les surnoms de «Grelinette» et «Écureuil».

Les policiers sont gentils, a même déclaré la militante Écureuil au Blick le lendemain de l'évacuation. «Ils nous ont nourris avec des abricots et des amandes». Avec un peu de riz et des olives, c'était assez de nourriture pour ne pas mourir de faim.

Ce n'est que jeudi soir - deux jours après l'expulsion - que les forces de sécurité ont voulu accélérer les choses. Selon Grelinette et Écureuil, les agents leur ont retiré un sac à dos contenant des vêtements chauds, un sac de couchage et de la nourriture pour environ une semaine ainsi que de l'eau. «Nous avons sauvé le hamac, mais sans sac de couchage, il faisait très froid. Il y avait du vent», a déclaré Écureuil à Blick après être descendue volontairement de l'arbre. C'est pourquoi les couvertures isolantes que la police leur avait données étaient «inutiles». «Nous nous sommes alors allongées à deux dans le hamac et nous nous sommes réchauffés mutuellement.»

La grève climatique suisse a diffusé des fake news

Déjà pendant l'évacuation, des activistes du mouvement de la grève du climat avaient tenté de donner une autre image de cette action en grande partie pacifique. La grève du climat suisse avait par exemple partagé sur Twitter une vidéo montrant des personnes jetant des pierres sur un groupe caché dans la forêt. «La police fait à présent un usage massif de la force. C'est absolument inacceptable. Nous allons continuer à nous battre pour notre avenir», avait tweeté le mouvement à ce sujet. C'était une accusation sans fondement: sur la vidéo, ce sont les activistes qui lançaient les pierres. Après vérification par Blick, le tweet a été supprimé.

Dans sa réponse fin décembre à l'ONU, le Département vaudois de l'environnement et de la sécurité (DES) conteste la présentation de certains faits. Le DES explique également que, contrairement aux informations transmises aux enquêteurs spéciaux de l'ONU, les activistes n'étaient pas seulement des défenseurs des droits humains et de l'environnement. Ils faisaient partie de «groupes hétérogènes de convictions différentes, animés par des causes, des objectifs et des modes opératoires différents».

De même, le DES indique que si la majorité des zadistes étaient pacifiques, d'autres ont réagi violemment à l'intervention de la police, rendue possible par une décision de justice. «Les accusations d'usage excessif de la force par la police ne sont pas fondées et sont contestées par le canton de Vaud», écrit l'ambassadeur suisse auprès de l'ONU Jürg Lauber aux trois rapporteurs spéciaux. Aucun blessé grave n'a été signalé, des journalistes et des observateurs étaient présents.

Les procès des squatters commencent la semaine prochaine

Une série de procès individuels contre les occupants de la colline du Mormont aura lieu du 17 au 19 janvier. Après dix mois de bras de fer juridique, les militants profiteront de cette échéance pour poursuivre leur combat contre le cimentier Holcim et la justice vaudoise.

Mercredi, des militants ont érigé une cabane dans les arbres au Studersteinpark (Neufeld) à Berne, en solidarité avec les accusés. «Les militants de la ZAD sont menacés par une décision de justice disproportionnée», écrivent les organisateurs dans un communiqué. Il est question de «peines de prison ferme», «bien que Holcim ait retiré ses plaintes».

Les organisateurs reprochent au juge compétent de prendre parti, car «des avis d'experts reconnus» ont été rejetés. Ils font peut-être notamment référence à la lettre des rapporteurs spéciaux de l'ONU – le rapport n'est pas clair. Ceux-ci avaient toutefois écrit dans leur lettre à l'ambassadeur suisse à l'ONU que leur évaluation ne constituait pas un jugement définitif.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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