La Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg a condamné mardi la Suisse pour profilage racial et discrimination. La CEDH a donné raison à un Suisse qui avait été contrôlé en 2015 en gare de Zurich. Ce dernier avait refusé de se soumettre au contrôle, s'estimant victime de profilage dû à sa couleur de peau, et avait été condamné à une amende.
Dans sa décision, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) estime que, compte tenu des circonstances du contrôle d'identité et du lieu où il a été effectué, le requérant pouvait se prévaloir d'un grief de discrimination fondée sur sa couleur de peau. En outre, sa plainte n'a pas fait l'objet d'un examen effectif par les instances administratives et pénales en Suisse.
Dans ces conditions, le plaignant a subi des violations des articles 8 (droit au respect de la vie privée), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de la discrimination) de la convention. La Suisse est condamnée à lui verser 22'821 francs à titre de frais et dépens. L'intéressé n'a pas réclamé de réparation du tort matériel et moral.
Sur le chemin du travail
Alors qu'il se rendait à son travail, le plaignant avait été arrêté par des policiers municipaux à la gare de Zurich pour un contrôle d'identité. Ayant refusé, il avait été conduit plus loin et contraint de lever les mains et d'écarter les jambes. Les agents avaient trouvé ses papiers dans son sac et l'avaient alors laissé partir.
La justice zurichoise l'avait ensuite condamné à une amende de 100 francs pour refus d'obtempérer. Le Suisse avait demandé en vain devant la police et le conseil municipal que l'illicéité du contrôle soit constatée.
Enquête insuffisante
En 2020, le Tribunal administratif du canton de Zurich avait admis l'illicéité de cet acte mais il ne s'était pas prononcé sur la question de la discrimination fondée sur la couleur de la peau. Le Tribunal fédéral avait déclaré irrecevable le recours contre cette décision.
Dans son arrêt de cour, la juridiction européenne estime que le Tribunal administratif ne pouvait pas se contenter de conclure que le contrôle n'était pas justifié par des raisons objectives. Il devait rechercher s'il résultait d'une motivation raciste.
Recommandations du Conseil de l'Europe
De même, l'accusation de profilage racial n'a pas été examinée sérieusement par les juridictions pénales, estiment les juges de Strasbourg. Au lieu de procéder à une enquête, elles ont imposé au recourant de prouver ses allégations.
La cour rappelle aussi les recommandations du Conseil de l'Europe sur la formation des policiers en Suisse à ces situations. Ainsi que sur la création d'un organe indépendant chargé d'enquêter sur les accusations de discrimination.
L'absence de cadre juridique et administratif suffisant en Suisse peut conduire à des contrôles d'identité abusifs, ajoute l'instance européenne. Même si elle consciente des difficultés pour les policiers de décider en un instant s'ils sont confrontés à une menace pour la sécurité, elle conclut que la Suisse n'est pas parvenue à réfuter dans le cas d'espèce une présomption de traitement discriminatoire à l'égard du requérant.
(ATS)