Des voix s'élèvent pour protéger le bio
Migros et Coop vendent toujours plus de viande bon marché... et ça agace

Les consommateurs suisses lorgnent de plus en plus la viande bon marché. Cette tendance pèse sur la demande de produits bios, tandis que les discounters se livrent à une véritable guerre des (bas) prix. Les grands détaillants, eux, sont critiqués pour leur inaction.
Publié: 19.02.2025 à 13:09 heures
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La clientèle de Migros fait de plus en plus attention aux prix lorsqu'elle achète de la viande.
Photo: Sven Thomann
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Martin Schmidt et Ulrich Rotzinger

Les clients des supermarchés suisses sont de plus en plus férus de poitrines de poulet, d'escalopes et de côtelettes de porc bon marché. Migros et Coop confirment cette tendance, qui s'accompagne logiquement d'une baisse de la demande pour la viande labellisée.

La pression de la concurrence est forte et les marchés sont de plus en plus confrontés à un climat de consommation hostile, explique-t-on chez Bell, la filiale de Coop spécialisée dans la transformation de produits carnés. «Ça conduit à un nouvel ajustement vers des offres à prix plus bas», déclarait la semaine dernière le CEO de Bell, Marco Tschanz, face aux médias.

Une clientèle plus sensible

Le renchérissement de ces dernières années a laissé des traces et la clientèle est devenue plus sensible aux prix. Le commerce de détail a donc réagi en lançant ces derniers mois une véritable guerre des prix sur la viande bon marché. 

Le discounter Aldi a pris les devants en septembre en baissant fortement le prix des produits à base de viande fraîche, avec des réductions pouvant aller jusqu'à 36%. Denner, Lidl et les grands distributeurs lui ont alors emboîté le pas. Pour ce qui est des produits labellisés bio en revanche, les prix en magasin sont restés majoritairement stables.

Le président de Marchés équitables Suisse s'insurge

Les détaillants assurent que si la viande à bas prix se vend aussi bien, c'est uniquement parce que la clientèle en a besoin. Un argument irrecevable pour Stefan Flückiger, président de l'association Marchés équitables Suisse. «Ce n'est pas la clientèle qui est responsable de l'achat de viande bon marché, mais le commerce», martèle-t-il.

Il reproche aux détaillants de rendre la viande bon marché beaucoup trop attrayante pour les consommateurs. «Les fournisseurs pratiquent une stratégie de prix élevés pour les produits labellisés bio et misent sur des prix bas pour le standard discount», déclare-t-il. «Avec une différence de prix aussi importante, c'est logique que la clientèle sensible au prix se tourne vers des produits nettement moins chers.»

La viande bio parfois deux fois plus chère

Pour Stefan Flückiger, cette stratégie est dangereuse. «Les détaillants exagèrent complètement les différences de prix», déplore-t-il. «Pour les produits labellisés bio avec des normes de bien-être animal plus élevées, on se demande simplement ce que les clients sont prêts à payer.»

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Les deux détaillants qui dominent le marché auraient ici une responsabilité à assumer
Stefan Flückiger, président de l'association Marchés équitables Suisse.
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Il l'assure: «Les prix ne sont pas basés sur les coûts de production effectifs.» Il cite l'exemple de l'escalope de bœuf: selon l'évaluation de Marchés équitables Suisse, le kilo chez un discounter est proposé à 33,95 francs alors qu'il coûte 10,70 francs à la production. Pour le standard bio, le prix à la production n'est que de 2 francs plus élevé. Pourtant, il est proposé à 66,25 francs, soit le double du prix.

«Les deux détaillants qui dominent le marché auraient ici une responsabilité à assumer», s'insurge Stefan Flückiger. Coop et Migros détiennent ensemble une part de marché d'environ 70% sur les denrées alimentaires.

Les détaillants rejettent les critiques

Du côté des détaillants, on rejette avec véhémence les critiques du président de Marchés équitables suisses. La différence de prix entre les produits bio et conventionnels s'explique par de toutes autres raisons, explique-t-on chez Migros: «Nous achetons un animal entier au prix du label, mais nous ne pouvons en commercialiser qu'une partie en tant que produits labellisés, le reste passe par le canal conventionnel.»

Mais ce n'est pas tout: «Les produits labellisés entraînent également des coûts plus élevés au niveau de la transformation et de la vente». Le fait que le produit soit transformé séparément génère des coûts supplémentaires, par exemple au niveau des emballages, ou encore des certifications. Les quantités plus faibles de marchandises labellisées bios réduiraient en outre les économies d'échelle possibles.

La guerre des prix se fait-elle au détriment des paysans?

Stefan Flückiger n'est pas le seul à voir cette guerre des prix d'un si mauvais oeil. En effet, des inquiétudes font également jour au sein du monde agricole. Les détaillants, Aldi en tête, avaient promis l'automne dernier que les baisses de prix ne se feraient pas sur le dos des agriculteurs. De son côté, Migros s'en tient aux prix indicatifs demandés et les fournisseurs, en particulier les paysans suisses, ne seraient pas donc pénalisés par cette mesure.

Bell, la filiale de Coop, assure que les prix restent déterminés par l'offre et la demande, comme cela était le cas jusqu'à présent. Une forte demande de viande de bœuf et de volaille aurait fait monter les prix des matières premières l'année dernière, mais la pression sur les prix n'étant pas nouvelle, la firme assure avoir maintenu le cap.

Migros abaisse les standards pour la viande importée

«Actuellement, en ce qui concerne les prix à la production en Suisse, nous ne voyons pas que le commerce de détail répercute les prix plus bas sur les paysans», concède Stefan Flückiger. Selon lui, la pression se fait surtout sentir sur la viande importée. Preuve en est: au moment de présenter sa stratégie de prix abordables, Migros a annoncé qu'elle ne garantirait plus les mêmes normes minimales pour la viande importée que pour la viande suisse.

Faut-il s'attendre à trouver encore plus de viande bon marché et à des prix encore plus faibles dans nos rayons? Difficile à dire. Migros promet toutefois de continuer à miser sur la viande suisse à chaque fois que c'est possible.

Les ajustements au niveau des prix concernent avant tout les produits suisses. Il n'est en outre pas prévu de miser davantage sur les importations pour faire baisser les prix. Il n'empêche: pour la viande de poulet, la part des importations chez Migros est d'environ 15%, le marché national ne pouvant tout simplement pas répondre seul à une demande en constante augmentation.

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