Des élues fédérales «choquées»
Les Verts se déchirent sur la réexportation d'armes en Ukraine

Faut-il faire une exception et autoriser la réexportation d'armes en Ukraine? Une motion soutenue notamment par l'ancienne présidente Regula Rytz a donné lieu à des débats enflammés, samedi à l'assemblée des délégués des Verts.
Publié: 28.01.2023 à 18:23 heures
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Dernière mise à jour: 30.01.2023 à 08:34 heures
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«Sommes-nous vraiment en train de discuter, chez les Verts, à autoriser la réexportation d'armes?», s'est interloquée Aline Trede, cheffe de groupe écologiste au Parlement.
Photo: KEYSTONE/PETER SCHNEIDER
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

«Si je fais de la politique depuis 25 ans, si je suis dans cette salle aujourd'hui, c'est parce que j'ai toujours milité pour un monde en paix. Et aujourd'hui, chez les Verts, on parle d'autoriser l'exportation d'armes?» L'oratrice n'est pas n'importe qui: c'est la cheffe du groupe parlementaire en personne, Aline Trede, qui est visiblement affectée d'avoir à débattre dans son propre camp de la réexportation d'armes en Ukraine.

Soutenue cette semaine par une commission à Berne, l'idée a fait son chemin de manière plus surprenante jusqu'à l'assemblée des Verts, ce samedi à Genève. Un amendement déposé par la délégation du parti auprès des Verts européens qui a provoqué un débat très émotionnel.

À lui seul, ce 46e et dernier objet à traiter a suscité davantage de prises de parole que tous les autres de l'après-midi. La délégation demandait que soit modifié dans l'agenda 2023-2027 du parti l'opposition à l'exportation d'armes à l'étranger. En cas d'acceptation, les Verts n'auraient été plus qu'«en principe» opposés.

Deux petits mots qui ont divisé jusqu'aux pontes de la formation écologiste. Il faut dire que le camp à l'origine de la proposition comptait aussi des ambassadeurs de renom, dont l'ancienne présidente du parti, Regula Rytz. «C'est une question de pragmatisme: comment comptez-vous que cette guerre se finisse?, a interrogé l'ancienne conseillère nationale. Il y a beaucoup de conflits dans le monde, mais celui-ci a une dimension globale. Les Verts européens ont très peu de compréhension pour notre position suisse.»

Sibel Arslan les larmes aux yeux

De quoi faire bondir une autre élue actuelle à Berne, Sibel Arslan, qui a réclamé le micro. «Je ne pensais pas prendre la parole sur cet objet, mais vu ce que j'entends, je dois le faire, a justifié la conseillère nationale de Bâle-Ville, aux racines kurdes. Si l'on exporte des armes aux Ukrainiens, comment voulez-vous que je justifie aux Kurdes que la Suisse n'a rien fait dans leur cas?», a-t-elle questionné, les larmes aux yeux, devant une assemblée soudainement silencieuse.

Sibel Arslan était visiblement touchée par la proposition de la délégation auprès des Verts européens.
Photo: Blick

Pour Aline Trede, c'est déjà «une victoire du camp bourgeois» qu'un tel amendement ait fait son chemin jusqu'à l'ordre du jour de l'assemblée des délégués.

Si la Bernoise de 39 ans dit avoir «de la compréhension» pour les Verts allemands, elle estime aussi que le débat sur les armes n'a pas sa place chez les écologistes. «La Suisse abrite la majeure partie du commerce de matières premières. Nous pouvons agir dans ce domaine. Ou alors exporter des génératrices, augmenter notre aide humanitaire... Les solutions existent, mais notre délégation à la SIK a été claire sur le fait qu'il faudra s'opposer à toute exportation d'armes.»

«Ce sont des armes qui existent déjà»

La SIK, c'est la CPS, la commission de politique de sécurité du Conseil national. Mardi, elle a adopté par 14 voix contre 11 une motion et une initiative parlementaire de commission pour la réexportation de matériel de guerre pour l'Ukraine. «Ce sont des armes qui existent déjà», a plaidé Regula Rytz pour justifier son soutien à l'amendement. Les Verts allemands, représentés ce samedi à Genève, trouveraient «légitime» que la Suisse participe à l'effort européen de soutien militaire à l'Ukraine.

«Nous avons une position qui n'est pas la même que les Verts allemands, a tranché Nicolas Walder, membre de la commission de politique extérieure du National. Si j'étais de l'autre côté du Rhin, je soutiendrais l'exportation de tanks en Ukraine. Mais nous n'avons pas ce rôle en Suisse, a estimé le Genevois. Il en va de la crédibilité de notre neutralité: si nous changeons de politique extérieure, alors nous devons adhérer à l'OTAN.»

Le conseiller national de 56 ans a également dénoncé la pression du lobby de l'armement, qui pourrait perdre des marchés. «Or, c'est précisément ce que nous souhaitons: que la Suisse réduise les exportations d'armes. Il ne faut pas oublier qu'il y a des pièces helvétiques dans les drones qui tuent des Ukrainiens.»

Une position qui a mis presque tout le monde d'accord, tant à l'applaudimètre que lors du vote: seuls 9 délégués ont soutenu l'amendement, contre 4 abstentions et des dizaines d'oppositions. Affaire à suivre lors de la session de printemps (27 février - 17 mars) aux Chambres fédérales, où les Vert-e-s et l'UDC devraient rester les deux seules formations opposées à la réexportation d'armes. Au grand dam des Verts européens.


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