Depuis deux ans, un boom dans le haut de gamme
Les méga-riches n'ont jamais acheté autant de villas à Genève

Villas de luxe, immeubles locatifs ou espaces de bureaux, le marché est en ébullition depuis 2019 à Genève. La hausse atteint 62% en deux ans sur l'ensemble du secteur immobilier, selon des données compilées par l'émission «TTC» de la RTS. Un record.
Publié: 08.02.2022 à 12:27 heures
Les demeures individuelles et le luxe ne sont effectivement pas les seuls secteurs immobiliers qui flambent dans le canton. L'an passé, toutes les ventes cumulées atteignaient la somme inédite de 9 milliards de francs. Entre 2019 et 2021, la hausse s'élève à 62%.
Photo: AFP
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Depuis le début de la pandémie, le commun des mortels a vécu les confinements à répétition au mieux dans le chalet familial, au pire entre les quatre murs miteux d'une chambre citadine. Pendant ce temps, les ultra-riches du monde entier achetaient des villas de luxe à Genève.

Le record 2021 pour une villa a été atteint en août, comme l'indique RTS Info – les données compilées par son émission «TTC» à l'appui. Une fortune locale a effectivement déboursé 60,5 millions de francs pour la prestigieuse Villa Courbe, un bijou architectural jusqu’alors en mains d’un sulfureux homme d’affaires, Jean-Pierre Valentini.

Dans les publications du registre foncier genevois, on trouve la trace d'une trentaine de ventes de biens de luxe pour au moins 15 millions de francs chacune: c'est plus que durant les cinq années précédentes réunies. La croissance éclair du marché serait portée par des fortunes locales et étrangères.

Milliardaires du monde entier

Fin 2020 et début 2021, Damir Akhmetov, fils d'un oligarque ukrainien, a par exemple réalisé coup sur coup deux acquisitions pour un total de 104 millions de francs, révèle également le média du service public.

Le trentenaire a de quoi voir venir, son père, Rinat Akhmetov, étant considéré comme l’homme le plus riche d’Ukraine. Ce dernier a d’ailleurs effectué le plus gros achat au monde pour une demeure, la villa des Cèdres sur la Côte d’Azur, pour laquelle il a déboursé... 204 millions de francs.

D’autres héritiers se sont montrés actifs l’an passé, à l’image de Sardar Sardarov, fils d’un oligarque russe, qui a déboursé 12,7 millions pour une demeure à Vandoeuvres. Un montant moins élevé que les 15 millions payés par Jose Cutrale, dont le père a fondé un empire commercial à base de jus de fruit avant de racheter avec le groupe Safra les bananes Chiquita.

Un phénomène Covid?

Mais si les grandes acquisitions hors de prix sont celles qui attirent le plus l'attention, les achats décollent dans toutes les tranches de valeur – toujours dans le domaine des biens prestigieux. Selon Maxime Dubus, directeur de SPG One, spécialisé dans la vente de biens de luxe, «pour les propriétés entre 10 et 20 millions, il y a eu huit transactions en 2020 et 22 transactions en 2021. On voit que le marché est porteur, avec un boom pour l’immobilier haut de gamme.»

D’après Valentine Barbier-Mueller, administratrice de la même société, «le Covid nous a ramenés aux fondamentaux, à l’essentiel, au bien-être chez soi. La Suisse a été épargnée par certaines mesures drastiques vues dans d’autres pays.»

Les deux professionnels estiment toutefois qu'on n'observe pas d'emballement surfait des prix. «C’est un marché de niche, on parle de biens uniques. Qui peut dire ce que vaut telle demeure, tel château? Ils valent ce que les acheteurs sont prêts à payer», explique Valentine Barbier-Mueller.

Une année hors du commun

Les demeures individuelles et le luxe ne sont effectivement pas les seuls secteurs immobiliers qui flambent dans le canton. L'an passé, toutes les ventes cumulées atteignaient la somme inédite de 9 milliards de francs. Entre 2019 et 2021, la hausse s'élève à 62%.

Les prix s’envolent également du côté des gros complexes immobiliers et des immeubles locatifs. En mars 2021, le fonds allemand Deka s’est emparé du siège de la banque Pictet pour 615 millions de francs. Deka dispose d’énormes ressources adossées aux caisses d’épargnes allemandes.

Rolex, à son tour, continue d’investir dans l’immobilier genevois via ses diverses entités, à hauteur de 363 millions en 2021. La banque Rotschild, quant à elle, a fait l’acquisition de plusieurs immeubles dans le nouveau quartier de l’Étang, pour 138 millions.

Bulle immobilière à craindre?

Pour Christophe Aumeunier, de la Chambre Genevoise Immobilière, il s’agit de la tendance la plus forte du marché. De quoi susciter, peut-être, des craintes. «Les acheteurs institutionnels acquièrent des immeubles de rendement. Ce qui frappe, c’est qu’ils le font à des prix très élevés, mais pour des rendements très bas.» À ses yeux, ces opérations pourraient prendre une mauvaise tournure: «Si le marché baisse, nous verrons des caisses de pension devoir vendre des immeubles. Sinon, elles devraient répercuter dans leur bilan une diminution de fortune, et donc une capacité moindre à payer des rentes.»

À quand le retour de bâton d'une bulle immobilière explosive? Bernard Nicod, qui constate des tendances similaires dans le canton de Vaud, ne croit pas à un dégonflement rapide du marché. «Il n’y a jamais eu de bulle et il n’y aura pas d’effondrement. Les fondamentaux sont sains, même s’il y a une certaine excitation actuellement», tente-t-il de rassurer. Seul le temps dira s'il a raison .


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