«Dans mon village, on me déteste»
Un octogénaire suisse chasse les chauffards avec... son propre radar!

Pour lutter contre les excès de vitesse sur la route devant sa maison, Hans Matti, habitant de Boltigen (BE) a acheté un radar et l'a installé chez lui. Depuis, il s'est fait de nombreux ennemis dans la région. Le retraité se confie à Blick.
Publié: 22.09.2022 à 10:15 heures
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Dernière mise à jour: 22.09.2022 à 10:28 heures
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Hans Matti de Boltigen (BE) est frustré : depuis des années, d'innombrables véhicules passent devant sa maison à une vitesse bien plus élevée que la limite fixée à 50 km/h.
Photo: Zamir Loshi
Nicolas Lurati

Plus de 7000 voitures passent quotidiennement sur la route cantonale devant la maison de Hans Mattis. Ce Suisse vit dans sa résidence de Boltigen, dans le canton de Berne, depuis 50 ans. Et les conducteurs qui passent devant chez lui ne lésinent souvent pas sur la pédale des gaz.

L'octogénaire se bat depuis des années contre les autorités à cause du trafic. «Je demande qu'il soit allégé devant ma maison et que l’on roule moins vite, explique-t-il à Blick. Mais depuis plus d’une décennie, tous les responsables font la sourde oreille à ma demande.»

Ce n'est tout de même pas demander la lune, s'exclame le vendeur de machines agricoles à la retraite. De plus, il existerait de nombreuses solutions concrètes. «Un îlot ou une bosse forcerait les conducteurs à réduire leur vitesse», affirme-t-il.

Plus de vingt accidents avec blessés en dix ans

Les chauffards mettent en péril sa sécurité et celle des autres, tonne le retraité. Hans Matti considère la situation non seulement comme agaçante, mais aussi comme dangereuse. «Il y a quelque temps, il y a eu un quasi-accident entre un élève à vélo et un camion. Et j'ai vu cet incident de mes propres yeux!»

Si celui-ci en particulier a pu être évité, cela n'a pas été le destin de nombreuses autres collisions. Selon le géoportail de la Confédération, 21 accidents avec blessés ont eu lieu sur le tronçon d’environ trois kilomètres entre Boltigen et Weissenbach (BE) entre 2011 et 2021. Cinq d’entre eux ont fait des blessés graves.

Projet du canton refusé par le conseil communal

Afin de rendre cette route cantonale plus sûre, le canton a présenté un projet d’assainissement à la population en 2018. Mais le conseil communal de Boltigen s’y est opposé. Pour justifier cette opposition, le conseil a mis en avant un argument bizarre: les bosses seraient dangereuses à cause de la formation d'importantes flaques d'eau en cas de pluie. Les politiques se sont également opposés à l'idée de planter des arbres.

Markus Wyss, l’ingénieur en chef responsable du district, explique à Blick que le projet d’assainissement va bien au-delà des bosses et des arbres. «Il s’agit par exemple de pallier l’absence de trottoirs ou de construire un arrêt de bus approprié.» Mais il y a un mais: «Depuis le rejet, le projet d’assainissement n’a pas été retravaillé.»

Un conducteur sur quatre roule trop vite

Le projet du canton est donc au point mort. En revanche, Hans Matti, lui, a décidé de ne pas rester les bras croisés: avec son propre radar, il mesure assidûment la vitesse des flux de circulation qui passent devant sa maison. Et les chiffres obtenus par son radar sont sans équivoque: au cours de la troisième semaine d'août 2022, près de 26% des véhicules ont roulé à une vitesse supérieure aux 50 km/h autorisés sur le tronçon.

L’évaluation détaillée de la deuxième semaine d’août montre qu’il ne s’agit pas seulement d’infractions minimes. Plus d’une douzaine de véhicules se sont déplacés à 100 km/h ou plus. Dans un cas extrême, il est même arrivé qu'un véhicule roule à 120 km/h devant sa maison, raconte le retraité.

Concerts de klaxon devant la maison du retraité

Le fait d'avoir acheté et installé son propre radar et d'avoir pu apporter la preuve que les conducteurs roulaient trop vite n'a toutefois pas servi au retraité. Au contraire: «Je suis en butte à l’hostilité du village à ce sujet.» Et il le dit clairement: «On me déteste à Boltigen en raison de mes efforts pour des mesures de modération du trafic. Une fois, il y a des années, plusieurs conducteurs ont garé leur voiture devant ma maison et ont commencé à faire un concert de klaxons au milieu de la nuit.»

Et c’est ce qui s’est passé: dans la nuit qui a suivi la visite de Blick début septembre, les «misérables coups de klaxon» ont recommencé, affirme l'octogénaire. Selon lui, «des automobilistes et des chauffeurs de camion ont probablement vu les journalistes de Blick lors du tournage et veulent maintenant empêcher la parution d’un article.»

Mais malgré toutes ces hostilités, il est clair pour Hans Matti que lui et sa femme ne quitteront pas leur maison. «J'avoue que je voudrais partir, souffle-t-il. Mais elle veut rester. Alors nous restons. Je préfère me fâcher avec tous les autres, plutôt qu’avec ma femme.»

Parmi ces «autres», il y a aussi les politiciens locaux. Interrogée par Blick, la présidente du conseil communal de Boltigen, Anna Bieri, renonce à prendre position. «Nous sommes au courant des différents points, ainsi que des reproches et du mécontentement de Monsieur Matti, se contente-t-elle de dire. Les services compétents à ce sujet sont impliqués.»

(Adaptation par Quentin Durig)

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