Le paquet d'économies du Conseil fédéral, nommé «paquet d'allègement 27», demande que les dépenses publiques soient réduites de 2,7 à 3,6 milliards de francs par an, au cours des trois prochaines années. Le but: éviter la menace d'un déficit structurel d'un montant similaire. L'élément qui augmente le futur budget est le réarmement de l'armée.
Pour économiser environ trois milliards de francs par an, il faudrait réécrire plusieurs lois et réduire des subventions via des décrets du Conseil fédéral. La solution proposée? Couper dans les subventions climatiques, l'aide au développement et les fonds culturels. Un air trumpiste souffle dans les couloirs du Palais fédéral.
Mais savoir si ces mesures seront un jour mises en œuvre est une toute autre question. Car proposer 59 mesures, c'est mobiliser 59 groupes de résistance, dont des lobbies puissants comme ceux des transports publics, de la prévoyance, de la formation ou de l'artisanat.
Imposition supplémentaire des capitaux de prévoyance
L'une de ces 59 mesures est l'idée de Karin Keller-Sutter: taxer plus fortement les retraits de capitaux des deuxième et troisième piliers et de renflouer ainsi les caisses publiques de 160 millions. Cette mesure, intitulée «Réduction des subventions en faveur des retraités», n'est pas exclusivement combattue par la gauche, mais aussi par le Parti libéral-radical (PLR), le propre parti de Karin Keller-Sutter. Les libéraux-radicaux ont en effet fait savoir très tôt qu'ils combattraient une telle réduction des subventions, si nécessaire par référendum.
Karin Keller-Sutter a ainsi réduit l'imposition prévue. Mais fin janvier, lorsque le paquet d'allègement budgétaire a été mis en consultation, l'association faîtière Economiesuisse a fait savoir qu'elle refusait cette augmentation de l'imposition, car elle ne constituait pas une «solution à un problème de dépenses». Elle n'a pas mentionné le fait que Karin Keller-Sutter visait une réduction des subventions, comme avec les 58 autres mesures.
Même les milieux bourgeois résistent
Des critiques tout aussi sévères devraient s'abattre sur le Conseil fédéral de la part d'autres milieux politiques. La «Handelszeitung» a identifié les sept secteurs économiques les plus importants et a demandé aux personnes concernées ce qu'elles pensaient des plans de démantèlement. Résultat? Ils veulent tous combattre le paquet de mesures, d'abord au Parlement et, si nécessaire, lors d'une votation populaire. Mais le plus surprenant, c'est que ce ne sont pas seulement les milieux de gauche qui sont en première ligne, mais aussi les partis bourgeois.
Par exemple, les maîtres d'ouvrage reçoivent à l'heure actuelle des subventions pour les rénovations énergétiques. Idée brillante de Karin Keller-Sutter à l'heure du réchauffement climatique: économiser 372 millions de francs par an dans ce domaine. «Nous allons engager la lutte contre cette mesure, a déclaré André Schreyer, directeur de l'association Enveloppe des édifices Suisse. Nous sommes déjà en train de coordonner nos efforts et nous nous opposerons aux intentions de la Confédération avec d'autres associations.» En effet, trois puissantes associations seront de la partie: Swisscleantech, Construction Suisse et AEE Suisse, représentées par six membres du Parlement.
Les transports publics et la formation aussi touchés
Les transports publics sont le deuxième secteur le plus touché par ces mesures, et la réaction des responsables de ce milieu ne se sont pas fait attendre. «Ces propositions sont totalement déséquilibrées et ne sont réalisables qu'avec une réduction de l'offre, surtout dans les régions rurales déjà mal desservies, déclare Ueli Stückelberger, directeur de l'Union des transports publics (UTP). Un référendum contre ce projet est donc tout à fait envisageable, en partenariat avec d'autres associations.» Cette alliance réunit déjà 130 entreprises de transport et 180 entreprises de l'économie et de l'industrie. De son côté, le député du Centre Martin Candinas déclare: «Nous nous opposerons résolument à une telle réduction de l'offre des transports publics.»
Le quatrième secteur le plus touché par les économies est celui de la formation et de l'innovation. Et dans ce milieu aussi, la révolte gronde. L'association patronale de la branche de la métallurgie et de la technique agricole, AM Suisse, en est un bon exemple: 1850 entreprises membres, qui emploient 25'000 à 30'000 personnes, ont déjà annoncé d'une voix commune leur opposition. «Ce serait signer l'arrêt de mort de la Suisse que d'économiser sur la formation professionnelle et continue», déclare le directeur de l'association Bernhard von Mühlenen.
Selon lui, la formation professionnelle doit légalement demeurer une tâche commune, et la Confédération ne peut pas s'y soustraire. «Si la Confédération devait s'y tenir, notre association soutiendra un référendum contre cette décision, ajoute le chef de l'association. Pour cela, nous nous coordonnerons avec l'Union patronale suisse et l'Union suisse des arts et métiers.»
La grogne des cantons
Comme les cantons sont tous concernés par ces grandes mesures d'économie, c'est de là que la plus grande résistance devrait venir. Rien que dans le domaine de l'asile, Karin Keller-Sutter veut économiser 243 millions de francs dans le domaine de l'intégration des requérants d'asile. Là aussi, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) a annoncé qu'elle se défendra face à de telles décisions.
Elle insiste en outre sur la votation populaire de 2016 sur la loi sur l'asile, où le peuple a décidé que la Confédération devait soutenir cette intégration. «Si le paquet d'économies est adopté sous cette forme, il sera clairement dans l'intérêt des cantons de s'y opposer», déclare le président valaisan de la CDAS Mathias Reynard.
Economiesuisse met la lumière sur les dépenses
Asile, formation, chemins de fer, entretien des routes, défense climatique,... Tout cela à la charge des cantons? Le président de la Conférence des gouvernements cantonaux des finances, Ernst Stocker, dit ne pas pouvoir anticiper la position des cantons, qui sera publiée le 13 mars. Cependant, il maintient que la Confédération doit maîtriser ses propres dépenses. «L'assainissement des finances fédérales ne doit pas se faire sur le dos des cantons.»
Mais de son côté, Economiesuisse dénonce le fait que les dépenses de la Confédération continuent d'augmenter fortement, y compris au niveau du personnel et malgré les efforts d'économie. C'est en tout cas ce que montre un relevé des années 2013 à 2027. «Même des mesures d'allègement budgétaire n'y changent actuellement rien», déclare l'économiste en chef Rudolf Minsch. Selon le plan financier de Karin Keller-Sutter, les dépenses pour le budget du personnel augmenteraient à nouveau de plus de 550 millions de francs jusqu'en 2027. Si l'on tient compte des nouvelles mesures, l'augmentation ne serait que de 100 millions inférieure.
L'Administration fédérale des finances (AFF), elle, défend le projet. «Les probables déficits de plusieurs milliards demeurent, et doivent être résolus pour respecter le frein à l'endettement. Si le paquet d'allègement 27 ne devait pas être entièrement mis en œuvre, il faudrait discuter d'une augmentation des impôts», déclare le porte-parole Philipp Rohr. Sous cet angle, le projet de Karin Keller-Sutter peut apparaître comme une étape intermédiaire pour préparer le public à des augmentations d'impôts.