Avez-vous déjà songé aux conditions de travail exécrables que votre livreur de colis peut subir? On y pense rarement, mais c'est notamment grâce à ces travailleurs que l'on a la chance de pouvoir recevoir nos cadeaux à temps pour Noël. Or, pour eux, les conditions sont souvent précaires. Mario K.* en a fait partie. Et il a choisi de témoigner de son expérience à Blick. L'homme a travaillé pendant trois ans pour le prestataire de services postaux et de courrier Mowy-Trans Wyssen, dans la région de Berne. Il gagnait à peine 3500 francs par mois brut (soit 42'000 francs par an). Sans 13e salaire, et ce, avec quatre semaines de vacances.
Mario K. a souhaité rester anonyme pour ne pas compromettre son avenir professionnel. Mais il veut rendre publiques les conditions de travail de la branche. «Avec ce salaire misérable, on ne peut rien mettre de côté», affirme-t-il. Au contraire: il faut compter chaque centime à la fin du mois. Il n'y a pas de vacances. Et en cas de maladie, le salaire descend à 80%. «Celui qui est malade pendant une longue période risque d'avoir des problèmes», explique-t-il.
Un manque de reconnaissance et de confiance
Le travail est physiquement difficile. «Il m'est arrivé de devoir livrer des colis de plus de 50 kilos», raconte l'ex-employé. Or, la Suva fixe comme valeur de référence un poids maximal de 25 kilos pour les hommes et de 15 kilos pour les femmes.
Mario K. estime en outre que son ancien employeur manquait de reconnaissance et de confiance envers ses employés. S'il avait un rendez-vous médical par exemple, il devait envoyer systématiquement à l'entreprise une photo de la lettre du médecin qui confirmait son rendez-vous. «Demander une telle preuve n'est pas acceptable. Après tout, c'est une intrusion dans la vie privée», estime-t-il.
L'entreprise Mowy-Trans Wyssen trace aussi la localisation GPS de ses chauffeurs afin de détecter s'ils font de trop longues pauses. «C'était une surveillance totale. L'observation constante des employés créait une mauvaise ambiance dans l'équipe», raconte Mario K.
Participation des chauffeurs en cas de dommages
Ses journées de travail duraient de 5h du matin à 15h, parfois jusqu'à 16h. Chez Mowy-Trans Wyssen, il n'y a pas de primes de nuit, malgré le fait que les employés doivent parfois partir de chez eux à 4h du matin. Cela les fatigue «et peut conduire à des erreurs ou à des accidents», confie l'ex-employé.
Une chose l'agace particulièrement: «Mowy-Trans Wyssen exige de ses employés une participation aux dommages en cas d'accident avec la voiture de l'entreprise pendant le travail». Selon lui, il est même arrivé que des coursiers doivent répondre pour des marchandises endommagées.
«Nous ne pouvons pas nous permettre d'augmenter les salaires»
Le chef de l'entreprise, Dominik Wyssen, réagit face à ces accusations auprès de Blick. «3500 francs, c'est certainement peu. Mais en tant que petite entreprise, nous ne pouvons pas nous permettre de payer des salaires plus élevés. Il y a aussi des entreprises qui paient moins».
De plus, le fait de ne pas verser un 13e salaire n'est pas inhabituel dans la branche. Le patron blâme pour cela la guerre des prix entre les nombreux concurrents. Le problème est que n'importe quelle entreprise peut louer une camionnette et accepter des commandes.
Selon une étude de la Commission fédérale de la poste de 2021, les livreuses et livreurs reçoivent un salaire médian de 5500 francs. Mais la fourchette est énorme. Et les analystes n'ont pas inclus les sous-traitants comme Mowy-Trans Wyssen dans leur étude. Or, les grandes entreprises de transport et de logistique confient régulièrement leurs missions à des sous-traitants qui versent des salaires nettement inférieurs à elles.
Contraire aux usages de la branche
«Selon nos propres enquêtes, le salaire habituel chez les sous-traitants oscille entre 3900 et 4300 francs, ce que nous considérons comme trop faible. Le salaire de 3500 francs est donc absolument contraire aux usages de la branche et clairement trop bas», a constaté un porte-parole du syndicat Syndicom interpelé.
Depuis 2011, Mowy-Trans Wyssen effectue notamment des livraisons pour Go! Express & Logistics, une entreprise active dans le monde entier. Cette entreprise est-elle au courant des conditions de travail appliquées par ses sous-traitants? «Nous contrôlons une fois par an chez nos sous-traitants si tout est en ordre au niveau des prestations sociales des employés. Nous nous rendons également deux fois par mois dans chaque entreprise. A cette occasion, les employés peuvent se manifester si quelque chose leur déplait», explique un porte-parole à Blick.
Quand les employés doivent-ils payer?
Interrogé sur la pratique de faire supporter les dommages matériels éventuels aux employés malgré leur bas salaire, le chef de l'entreprise Dominik Wyssen ne trouve pas cela anormal. «La loi nous permet de déduire du salaire des chauffeurs 10% de notre franchise. Nous ne le faisons que si nous estimons que le chauffeur n'a pas fait attention, explique-t-il. Il en va de même en cas de dommages aux marchandises transportées. Mais cela ne s'est pratiquement jamais produit jusqu'à présent.»
Dominik Wyssen répond aussi aux critiques concernant le contrôle excessif des collaborateurs. «Si les collaborateurs font des pauses trop longues en cours de route, nous ne pouvons pas payer ce temps. Et concernant les rendez-vous médicaux, nous voulons avoir un justificatif immédiatement.»
«Si quelqu'un veut travailler chez nous, il le peut»
Dominik Wyssen ne veut pas entendre parler d'une mauvaise ambiance au sein de l'équipe. «On essaie de prendre en considération les employés dans la mesure du possible. C'est ce qui a été fait d'ailleurs dans le cas des problèmes physiques de Mario K. Et c'est aussi ce que l'on fait pour les nouvelles recrues. Nous ne nous soucions pas de savoir si quelqu'un a 50 ou 60 ans. Si quelqu'un veut travailler chez nous, il le peut», se vante le chef d'entreprise.
Quoi qu'en dise Dominik Wyssen, Mario K. ne s'est pas laissé faire et a trouvé un autre employeur actif dans les services de courrier. Il bénéficie désormais de 4500 francs de salaire et de cinq semaines de vacances par an...
*Nom connu de la rédaction