L’Office fédéral du sport (OFSPO) a versé pendant des années des subventions de Jeunesse + Sport – le plus grand programme d’encouragement du sport de la Confédération pour les enfants et les jeunes – à des clubs de la localité de Büsingen. Problème: la commune est située dans une enclave... allemande. Cela semble avoir longtemps échappé à l’OFSPO basée à Macolin (BE).
Les clubs sportifs locaux n’ont jamais eu droit aux subventions qui leur étaient allouées. Mais personne ne l’a remarqué pendant des années. Le chef de la communication de l’office, Christoph Lauener, s’est défendu auprès du quotidien «Schaffhauser Nachrichten», qui a rendu l’affaire publique: «Il n’était pas évident pour les collaborateurs que Büsingen n’était pas une commune suisse.» Les demandes de subventions auraient à chaque fois été transmises à l’OFSPO par le Service cantonal des sports du canton de Schaffhouse.
Christoph Lauener confirme que son office partait du principe que Büsingen était une commune du canton alémanique. Mais apparemment, ce n’est pas seulement un manque de connaissances géographiques qui a conduit à l’erreur: en 2011, la «SonntagsZeitung» avait déjà rapporté 25 à 30 cas irréguliers entre 2008 et 2010, pour un total de près de 300’000 francs.
Remboursement inutile
Ce n’est qu'en novembre de cette année que l’OFSPO a remarqué que Büsingen appartenait en réalité à l’Allemagne. L’office a adressé un courrier aux clubs sportifs concernés, leur indiquant que comme leur siège se trouve sur territoire allemand, elles n'auraient plus droit à un soutien financier.
Selon l’OFSPO, le club de tennis de Büsingen a reçu des subventions depuis 2009, le club de gymnastique depuis 2011. Entre 9000 et 15’000 francs ont notamment été versés chaque année au FC Büsingen entre 2018 et 2021. C’est de loin l’association qui a reçu le plus d’argent. Au total, ce sont près de 60’000 francs suisses qui ont été versés par Jeunesse + Sport. L’office fédéral ne va pas demander le remboursement de ces sommes.
Demandes possibles grâce au code postal suisse
Mais comment cela a-t-il pu se produire? Pour demander les subventions, il faut indiquer un code postal. Les responsables ont profité du fait que Büsingen possède également un code postal suisse, en plus d’un code postal allemand, précise le journal «Schaffhauser Nachrichten». «On nous a dit de faire ainsi pour que les subventions puissent être versées», reconnaît Daniel Spitz, chef du service Sport, famille et jeunesse du canton de Schaffhouse, dans l’article.
Les autorités de Schaffhouse étaient donc bien conscientes qu’il s’agissait pour le moins d’une zone grise. «Nous ne porterons pas plainte. Il existe une marge d’appréciation selon la loi sur les subventions», fait savoir Christoph Lauener à Blick.
Cette générosité qui, rappelons-le, repose sur l’argent des contribuables suisses est d’autant plus surprenante que Daniel Spitz ne travaille pas seulement pour le canton, mais est également à la tête des juniors du FC Büsingen. Le concerné explique avoir agi en pensant que l’argent revenait aux clubs «car de nombreux enfants et adolescents de Schaffhouse sont inscrits dans les clubs sportifs de Büsingen». Le président du FC Büsingen, Heinz Wipf, ajoute que la plupart des jeunes joueurs de son club sont suisses: «Environ 85% d’entre eux doivent vivre en Suisse.»
Intégré dans le système sportif helvétique
«Nous nous orientons clairement vers la Suisse», ajoute-t-il. C’est aussi le cas du club de tennis de la commune. «Les clubs de Büsingen sont affiliés aux organisations faîtières suisses et non allemandes. Nous sommes membres de Swiss Tennis. Nous sommes totalement intégrés dans le système sportif suisse», détaille le vice-président, Christian Risch. Le club de tennis de Büsingen a même ses origines en Suisse: «Nous avons déménagé de Schaffhouse à Büsingen en 2007, explique-t-il. Je suis moi-même Schaffhousois.» Au sein du club de tennis, il rapporte une certaine «surprise» à propos du changement de cap de l’office fédéral.
Selon lui, les subventions reçues par le club de tennis s’élevaient avant le Covid à un maximum de 3000 à 4000 francs par an. «Nous avons déjà inclus ce montant dans notre budget, explique Heinz Wipf. Nous sommes fortement touchés par la suppression des subventions. Nous étions déjà très affectés par le Covid, car nous étions soumis aux mesures sanitaires allemandes, plus strictes.»
Vers un traité international?
Avec Hannes Germann, le FC Büsingen a même un représentant dans la Berne fédérale. Le conseiller aux Etats UDC schaffhousois, qui joue dans l’équipe senior du club, souligne lui aussi les liens économiques et sociaux de Büsingen avec la Suisse. «Selon la loi, la décision de l’OFSPO est certainement la bonne, avance-t-il. Mais maintenant, il faut trouver une solution pragmatique.»
L’office fédéral comprend la déception des associations sportives. «D’autant plus que les fonds ont été utilisés par les quatre associations de manière appropriée, explique le porte-parole Christoph Lauener à Blick. Mais les bases légales ne permettent pas d’alternative.» Pour cela, il faudrait un traité international, comme celui qui existe avec le Liechtenstein.