La peur plane sur le service public. Une épée de Damoclès entre les mains d'un certain Thomas Matter. C'est ce conseiller national zurichois de l'UDC (faut-il le préciser?) qui est à l'origine de l'initiative SSR, aussi baptisée «Halbierungsinitiative» en Suisse alémanique («réduction de moitié»). Pas tout à fait exact, puisque la redevance radio/TV doit passer de 335 à 200 francs par ménage.
Rarement un texte n'aura fait parler de lui aussi tôt. Les signatures ne sont pas encore réunies, mais la nervosité est déjà bien présente à Berne. Car cette nouvelle attaque du camp bourgeois contre la SSR s'inscrit dans un mouvement de fond entamé depuis plusieurs années.
En 2015, il s'en est fallu de 3700 voix pour que la population refuse la révision de la loi sur la radio et la télévision (LRTV). Trois ans plus tard, le service public respirait un peu mieux avec l'initiative contre la mal-aimée Billag, première du nom.
Si le «non» a alors été clair (71,6%), il a eu un effet sournois: la nouvelle mouture des milieux proches de l'UDC («200 francs, ça suffit») se présente comme une version acceptable de «No Billag».
Une gestion qui interroge
Il faut dire que les patrons de la SSR ne font rien pour que la population défende le service public comme en 2018: l'utilisation des recettes de la redevance, qui dépassent le milliard de francs annuel, est peu claire. Et, alors que le spectre de l'inflation guette, la télévision alémanique (SRF) inaugure un studio flambant neuf pour son téléjournal.
La droite ne s'attaque pas qu'à la gestion des deniers publics, mais aussi directement au positionnement de la SSR. Comme lorsqu'un «colleur» de Renovate Switzerland peut disserter durant une demi-heure avec un professeur de droit sur l'adéquation de jeter de la purée de pomme de terre sur un tableau de Monet, par exemple.
Ou lorsque notre chroniqueur Philippe Nantermod, vice-président du PLR, tire à boulets violets sur le compte Instagram de RTSinfo, qu'il qualifie de «zone de non droit». De l'autre côté de la Sarine, c'est le compte TikTok de SRF, avec un ton jugé trop enfantin, qui fait des vagues alors que d'autres émissions à la qualité reconnue disparaissent.
Une première depuis quasi 30 ans
Dans ce contexte tendu pour la SSR, un élément est tombé comme un cadeau du ciel. C'était jeudi dernier, à Berne: Albert Rösti dirigera dès le 1er janvier le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).
Cela fait presque 30 ans et le transfert d'Adolf Ogi du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (EVED) que la communication n'avait plus été entre les mains de l'UDC. Le Bernois Ogi avait dirigé l'EVED de 1988 et 1995 avant de filer au Département militaire fédéral, devenu DDPS par la suite.
Pour la SSR, c'est une aubaine: dans la future campagne de votation, le camp du «Non» ne sera pas défendu par Simonetta Sommaruga, qui aurait traîné comme un boulet sa défaite sur le paquet d'aide aux médias, mais par Albert Rösti. Lui, le collègue de parti de Thomas Matter, l'ancien président de l'UDC, devra défendre le service public, au nom de la collégialité.
La popularité du Bernois de l'Oberland (comme Adolf Ogi), louée par tous lors de son élection mercredi dernier, pourrait profiter par ricochet à la SSR. Et si c'était grâce à un UDC que le service public s'en sortait encore une fois?