Commentaire d'Adrien Schnarrenberger
Imposez-nous à la source!

La commission compétente du Conseil national ne veut pas d’un passage au régime d’impôt à la source, en vigueur partout ailleurs qu’en Suisse. Une formidable occasion ratée de lutter contre l’endettement, regrette notre journaliste.
Publié: 12.01.2023 à 17:14 heures
|
Dernière mise à jour: 13.01.2023 à 08:11 heures
Les arriérés d'impôt sont le facteur numéro 1 d'endettement en Suisse.
Photo: Keystone
8 - Adrien Schnarrenberger - Journaliste Blick.jpeg
Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

La Suisse lutte actuellement pour son sport national, le ski, mis à mal par le réchauffement climatique. Mais il y a une autre discipline tout aussi helvétique que la commission de l’économie et des redevances (CER) du Conseil national défend avec presque autant d’ardeur: la perception indirecte de l’impôt.

Dans notre pays, 10% de la population assujettie à l’impôt a des arriérés de paiement, selon l’Office fédéral de la statistique. Les données datent de 2020, mais avec la pandémie et l’inflation galopante, il y a fort à parier que le problème s’est encore aggravé depuis.

D’où une initiative parlementaire du socialiste Emmanuel Amoos. Le but? Passer à un régime d’imposition à la source, où la taxation serait effectuée avant le versement du revenu par l’employeur. Un régime qui est déjà en vigueur pour les frontaliers ou les étrangers sans permis C.

Même le président de l'USAM...

Les avantages d’un changement de système seraient nombreux. D’abord parce que les dettes fiscales lèsent aujourd’hui les communes, les cantons et la Confédération. Et parce qu’être endetté parfois à hauteur de plusieurs milliers de francs, souvent par négligence, provoque des effets délétères sur les débiteurs: isolement social, problèmes de santé durables, pression psychologique.

La preuve que le régime est archaïque? La Suisse est le seul pays d’Europe, et même l’un des seuls au monde, à pratiquer encore ce système où l’on donne avec une main avant de reprendre de l’autre. Que les amateurs d'une autre discipline nationale, l’optimisation fiscale, se rassurent: quiconque voudrait continuer avec le régime actuel pourrait toujours le faire.

La réforme semblait bien partie, puisque près de la moitié du Conseil national a paraphé l’objet d’Emmanuel Amoos. La gauche, bien sûr, mais aussi des élus du Centre, de l’UDC et du PLR, ainsi que le nouveau président de l’USAM, Fabio Regazzi. Pas vraiment un chantre de la défense des pauvres.

Et voilà que la CER vient s’opposer à ce projet! Argument principal? «Les personnes endettées ont de toute façon de la peine à gérer leur budget.» Il suffit pourtant d'interroger n'importe quel spécialiste du domaine: ce sont avant tout les dettes fiscales qui provoquent l’endettement, et non l'inverse. Une étude menée par Bâle-Ville, un canton pilote en la matière, a démontré qu’en supprimant le décalage temporel entre la perception du revenu et l’impôt, on réduisait considérablement l’endettement de la population.

Une deuxième chance au National

«De Fribourg nous viennent la bise et les impôts», dit un célèbre proverbe gruérien. Qui eût cru que la première soit davantage menacée en raison du réchauffement climatique que les seconds, dont la perception indirecte semble immuable au régime du «on a toujours fait comme ça»?

À l’heure où le spectre de l’endettement et de la pauvreté guette toujours plus de Suisses, les parlementaires ont un outil tout fait pour s’attaquer à un problème à la source. Espérons que le Conseil national, qui doit encore se prononcer, ne ratera pas la balle au bond.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la