D'un côté, des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des balles en caoutchouc. De l'autre, des drapeaux flottants, des visages masqués et des bâtons levés. La commune de Gerlafingen (SO), qui compte près de 6000 habitants, a vécu une crise le dimanche de Pâques. La raison? Une fête réunissant quelque 350 partisans qui ont célébré le dirigeant érythréen Isayas Afewerki. À la suite de l'événement, environ 180 Érythréens opposés au régime dictatorial sont venus de toute la Suisse pour contrer la manifestation. La police a dû intervenir avec un important dispositif.
Le lendemain, les rues sont redevenues calmes. Pourtant, on trouve encore des traces du drame d'hier. Un îlot de circulation détruit, un poteau arraché et des stores de fenêtre enfoncés. Selon des témoins, ce sont tous des dégâts de l'intervention de la police. En outre, des dizaines de projectiles en caoutchouc gisent encore sur la chaussée.
«C'était comme dans un film»
La journée d'émeute tourne en boucle dans la tête des riverains. C'est le cas de Matthias. Il a parlé avec des opposants au régime: «Ils ne m'ont pas donné l'impression de vouloir absolument recourir à la violence. Plutôt comme s'ils se préparaient à se défendre.»
Ou encore avec David et Pino. Les deux «chillaient» quand ils ont soudain vu un grand rassemblement de personnes depuis la fenêtre. «Nous sommes alors sortis pour voir ce qui se passait. Il y avait énormément de policiers et des gens qui jetaient des choses. C'était comme dans un film!»
«Je trouve que la police a été très décente»
Memishi, 51 ans, a, lui aussi, commencé par observer la scène depuis son appartement. «J'avais un peu peur», avoue-t-il. Il est néanmoins sorti et a réalisé en quoi consistait l'intervention. «Je comprends pourquoi les manifestants étaient là. Mais ils n'avaient pas besoin de s'armer de bâtons et d'être aussi agressifs.» C'est pourquoi il excuse aussi le dispositif de la police. «Je trouve que la police a été très décente.»
Mais tous les riverains ne sont pas de cet avis. Anna*, par exemple, raconte comment elle s'est soudainement retrouvée dans la ligne de mire. «J'étais sur mon balcon quand l'un des manifestants a couru dans le champ devant chez moi. Un policier l'a visé avec une balle en caoutchouc. Et j'étais juste derrière!» Mais le policier n'a tiré qu'après que le manifestant est passé devant son balcon. «Je suis quand même rentrée rapidement dans l'appartement.»
«Comment notre communauté peut-elle autoriser cela?»
Selon Georg*, la police a agi de manière «trop agressive». «Ils ont refusé pendant des heures de me laisser entrer dans mon appartement derrière les barricades et m'ont même menacé d'arrestation si je continuais à poser des questions.» D'autres habitants auraient été fouillés devant chez eux. Mais ce qui énerve particulièrement Georg, c'est qu'un tel événement puisse être autorisé et avoir lieu. «Comment notre commune peut-elle permettre qu'une fête glorifiant le terrorisme soit célébrée ici? Et en plus le dimanche de Pâques!»
Comme l'écrit Philipp Heri, président de la commune de Gerlafingen, interrogé par Blick, le lieu de la manifestation, le Gerlafingerhof, n'a pas eu besoin de recevoir d'autorisation spécifique pour la fête. Car l'établissement possède une autorisation cantonale de restauration – tant que l'on respecte les directives. «La commune n'était pas au courant de cette réunion.» Georg, habitant du quartier, n'en est pas convaincu: «La police était déjà là plusieurs heures avant les premiers manifestants. Ils devaient être au courant.»
*Noms modifiés