«Ces rumeurs sont dégueulasses!»
Des coronasceptiques instrumentalisent le décès de deux jeunes soignantes

À Saint-Gall, le décès de deux jeunes apprenties soignantes de 17 ans échauffe les esprits. Des coronasceptiques ont diffusé des informations confidentielles sur les réseaux et instrumentalisent la situation. Les proches des défuntes sont outrés.
Publié: 09.11.2021 à 09:34 heures
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Dernière mise à jour: 09.11.2021 à 10:16 heures
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L'hôpital cantonal de Saint-Gall pleure le décès de deux apprenties âgées de 17 ans.
Photo: Keystone
Marco Latzer

Fin octobre, deux apprenties de la branche des professions de la santé de l’hôpital cantonal de Saint-Gall (KSSG) sont décédées à très proche intervalle. Une photo d’un message envoyé sur le réseau interne de l’hôpital circule sur Internet. Selon le texte, Romina D.* et Silvia P.* sont décédées en raison de différentes maladies. L’établissement parle d’une «triste coïncidence» qui laisse le personnel «stupéfait».

Les coronasceptiques voient les choses différemment. Depuis plusieurs jours, ils utilisent la mort de ces jeunes femmes pour susciter l’opposition à la vaccination. Comme l’a rapporté la «Sonntagszeitung», ils mettent ces décès en relation directe avec la vaccination contre le Covid.

Des messages, alléguant qu’ils disposent d’une source au sein même de l’hôpital, sont diffusés sur Telegram. Ils ont publié le nom et le lieu de résidence des jeunes femmes décédées.

Les rumeurs poussent l’hôpital à s’exprimer

Les rumeurs ont enflé et ont poussé l’hôpital à s’exprimer sur le sujet. «En début de semaine, l’hôpital cantonal de Saint-Gall a dû recevoir coup sur coup la nouvelle du décès de la part de deux familles, indique le KSSG dans un communiqué. Deux de nos jeunes étudiantes sont décédées de façon inattendue à des moments et dans des lieux différents.»

«Cela nous attriste et nous affecte, continue le communiqué. Les causes exactes du décès font l’objet d’une enquête et ne sont pas encore connues.» L’hôpital n’aborde pas les «diverses maladies» mentionnées dans son message interne initial.

Mais il aborde les messages des chats Telegram et critique les coronasceptiques. «Toute personne qui diffuse des allégations telles que celles contenues dans divers articles publiés sur la base d’informations non vérifiées agit de manière hautement irresponsable.»

Les opposants à la vaccination tirent leurs propres conclusions

Bien que la cause officielle du décès dans les deux cas n’ait pas encore été déterminée, dans les groupes Telegram concernés, les coronasceptiques et opposants à la vaccination sont convaincus que les décès de Romina D. et Silvia P. sont dus à la vaccination.

Ils espèrent attirer l’attention du public sur les deux défuntes avec leurs noms complets. Ils avancent que Romina D. aurait succombé à une crise d’épilepsie et Silvia P. serait morte d’une thrombose, soit des effets secondaires qu’ils associent à des vaccins. Selon eux, il s’agit là d’une «triste preuve irréfutable».

Les familles endeuillées sont consternées

Pour les deux familles endeuillées, cette agitation sur les réseaux sociaux représente un choc supplémentaire dans une période déjà incroyablement difficile. Elles témoignent à Blick être stupéfaites par la tournure des évènements.

«On instrumentalise le décès de ma fille», déclare la mère de Silvia P., outrée, qui assure que sa mort n’est pas due à la vaccination. Elle ne souhaite cependant pas donner plus de détails pour ne rajouter de l’huile sur le feu. «Notre sphère privée n’est pas l’affaire d’autrui», rappelle-t-elle.

La famille de Romina D. est du même avis. «C'est quand même incroyable que de telles rumeurs circulent, fulmine sa mère. C’est dégueulasse et c'est blessant. Notre deuil n’est pas respecté!»

Ce n’est pas tout. Les familles endeuillées ont été contactées et harcelées par plusieurs individus.

L'hôpital demande de respecter la vie privée des proches

Contacté, Philipp Lutz, porte-parole de l’hôpital cantonal de Saint-Gall, qualifie les allégations d'«irresponsable» et comme un «manque de respect». Mais il ne peut pas en dire plus. «En tant qu’employeur, nous ne sommes pas autorisés à fournir de plus amples informations.» Il demande que la vie privée des proches soit respectée.

Il appartient à Swissmedic de déterminer en dernière instance s’il y a eu des effets secondaires dus aux vaccins dans le cas de Romina D. et Silvia P. L’autorité de surveillance des médicaments précise qu’elle n’a pas encore pu établir de lien entre un décès en Suisse et la vaccination.

*Prénom d’emprunt

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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