«Certains ont le souffle coupé par nos prix»
Ces artisans fribourgeois tentent de survivre face aux géants de l'ameublement

L'entreprise fribourgeoise B. Bolliger fabrique de la mousse sur mesure depuis plus de 43 ans. Elle offre ainsi une seconde vie aux canapés usés. Aujourd'hui, alors que l'artisanat se meurt de plus en plus, l'entreprise familiale tente de survivre.
Publié: 16.07.2024 à 21:53 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2024 à 19:59 heures
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L'entreprise familiale B. Bolliger existe depuis 1981. Sur la photo (de gauche à droite): Susy Berger-Bolliger, Bruno Bolliger ainsi qu'Yvonne Zbinden-Bolliger.
Photo: Philippe Rossier
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Milena Kälin et Philippe Rossier

Partout, des blocs de mousse colorés, des découpes ou des rouleaux s'empilent dans l'entrepôt. Dans l'atelier de l'entreprise B. Bolliger, de grosses machines encombrantes font du bruit. «C'est encore à moitié en chantier», déclare la directrice Susy Berger-Bolliger à Blick. L'entreprise familiale n'a emménagé dans son nouveau hall de production à Fribourg qu'en mars dernier. Beaucoup d'efforts pour un avenir incertain: «Avant de déménager, nous nous sommes demandés si nous allions pouvoir poursuivre notre activité.»

Cette entreprise fribourgeoise fabrique de la mousse sur mesure. Que ce soit pour des coussins de canapé, des rembourrages pour des salons de jardin, des matelas de camping ou encore des cales de matelas. Autrefois, le métier de tapissier était connu. Aujourd'hui, il disparaît de plus en plus. Lorsque Bruno Bolliger, aujourd'hui âgé de 71 ans, a fondé l'entreprise familiale il y a plus de 43 ans, il travaillait exclusivement pour des décorateurs d'intérieur.

Susy Berger-Bolliger – ici entre des blocs de mousse – est désormais directrice et s'occupe du bureau.
Photo: Philippe Rossier

Depuis, ses trois filles ont repris l'entreprise. «Lorsque je suis devenue directrice en 2011, j'ai mis en place la première boutique en ligne de Suisse», explique Susy Berger-Bolliger. En effet, l'entreprise n'arrivait plus à joindre les deux bouts avec ses actuels clients commerciaux. Ce n'est que pendant la pandémie de Covid-19 qu'elle a connu un bref essor.

La fast-furniture complique les affaires

Aujourd'hui encore, les affaires ne vont pas très bien. «Ça pourrait aller mieux. Mais ça ne va pas mal», déclare l'actuelle directrice à Blick. En raison du déménagement, la production a été arrêtée pendant plus d'un mois. Et le nouveau site coûte 2000 francs de plus par mois que l'ancien loyer. 

Pourquoi les services de la famille Bolliger ne sont-ils plus aussi demandés qu'avant? Pour Susy Berger-Bolliger, la faute revient à la société actuelle. «On préfère changer tout le salon de jardin plutôt que de retapisser les coussins», déplore-t-elle. «C'est un énorme gaspillage de ressources.» 

Autrefois, on dépensait plusieurs mois de salaire pour son mobilier et on transmettait ses meubles aux prochaines générations. Aujourd'hui, cela n'est plus envisageable. Avec Ikea, Mömax et autres, le secteur du fast-furniture connaît désormais de nombreux fournisseurs de meubles bon marché, qui ne durent souvent pas très longtemps.

Un service sur-mesure et durable

Elle ne comprend d'ailleurs pas pourquoi les magasins de meubles ne proposent pas de variantes pour le rembourrage. «On peut choisir la couleur, le tissu, les pieds du canapé, mais à l'intérieur, c'est toujours la même chose.» Pour les personnes âgées, un rembourrage plus dur est généralement plus adapté, elles peuvent alors se lever plus facilement du canapé.

Sur sa boutique en ligne, l'entreprise propose entre autres des coussins de siège, des matelas de camping et des cales à matelas sur mesure, dans différentes qualités.
Photo: Philippe Rossier

En ce qui concerne la qualité, c'est surtout la densité de la mousse qui compte. Dans le secteur de la fast-furniture, on n'utilise souvent que de la mousse d'une densité de 20 à 30 kilos par mètre cube. «Cela représente 80% d'air», explique la directrice. Son entreprise propose au total 30 qualités de mousse différentes.

Par exemple, si un couple veut acheter de nouveaux coussins pour leur salon, ils peuvent simplement les envoyer avec leur housse à l'entreprise familiale. Cette dernière les mesure et découpe les nouveaux coussins moyennant un supplément de prix. Pour les coussins d'assise, l'entreprise utilise une densité allant jusqu'à 55 kilos par mètre cube. Pour les coussins de dossier, en revanche, 35 kilos suffisent, car ils sont moins lourds. Coût des cinq coussins: 835 francs. Le couple a opté pour la variante confort, la variante en mousse la plus chère proposée par l'entreprise.

L'entreprise propose également de la mousse avec différents noyaux, reconnaissables à leurs différentes couleurs.
Photo: Philippe Rossier

«Certains ont presque le souffle coupé lorsqu'ils entendent nos prix. Mais il est faux de croire que la mousse est bon marché», explique Susy Berger-Bolliger. De plus, la mousse des Bolliger a une durée de vie d'au moins dix à quinze ans.

L'entreprise a de grands projets

Si la mousse dure plus longtemps, cela la rend aussi plus durable. La mousse est fabriquée à partir de pétrole. «Donc à partir de dinosaures morts», plaisante la directrice. Malheureusement, il n'existe pas encore d'alternatives durables. Pour le latex naturel par exemple, c'est la déforestation qui pose problème, ainsi que l'élimination. «C'est un peu comme si on brûlait des vieux pneus de voiture».

Remplacer ses coussins plutôt que tout le canapé permet d'économiser des ressources. Si un nouveau canapé s'impose, Susy Berger-Bolliger recommande d'en choisir un sur Tutti ou Ricardo. «Si la forme et la couleur conviennent, on peut alors dépenser un peu plus d'argent pour un nouveau rembourrage», explique-t-elle. «On peut pratiquement toujours remplacer les coussins.»

L'actuelle directrice espère faire redémarrer le magasin sur son nouveau site. Elle a de grands projets: «Mon rêve serait d'avoir un service drive-in pour des matelas de camping sur mesure.»

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