«Tcheu trop beau, chuis au Qatar. Salut, Malaikum!» C’est avec cette phrase (à prononcer avec un fort accent vaudois) qu’Ignacio Chollet invite les téléspectateurs de la RTS à la découverte de la Péninsule arabique, où la Coupe du monde de football tiendra le monde en haleine, du 20 novembre au 18 décembre.
Vincent Kucholl y interprète son personnage fétiche durant cinq capsules humoristiques baptisées «Chollet au Qatar» et diffusées dans «52 minutes», l'émission que le comédien de 46 ans partage avec son compère de toujours, Vincent Veillon. Dans le quatrième épisode, sorti ce samedi, Ignacio Chollet s'aventure dans le désert.
Alors que le duo phare de l’humour romand a l’habitude de faire l’unanimité depuis des années, cette série au Qatar a fait poindre quelques critiques. Sur les réseaux sociaux, certains se questionnent de la pertinence d'aller jusqu'au Moyen-Orient pour «jouer à l'abruti». «C'est lourd, vulgaire et avec une bonne pointe de racisme», estime un autre internaute.
Plus surprenant, des critiques se font également entendre jusqu'à l'intérieur de la RTS. Davantage que le fond, c'est la forme qui dérange. «Ils se sont fait passer pour des touristes pour aller au Qatar filmer avec un iPhone et produire un programme TV. C’est un procédé étrange qui pourrait nuire à la chaîne», s'inquiète auprès de Blick un employé bien ancré dans le service public.
Une autre source n'y va pas avec le dos de la cuillère et partage ces craintes: «C'est une démarche dénuée de toute déontologie, marquée du sceau de la RTS et qui pourrait nuire à nos équipes qui vont et iront sur place effectuer un travail journalistique. Comment seront-elles reçues, désormais?»
Des «cartes postales»
Y a-t-il confusion des genres entre journalisme et humour? Pire, les deux Vincent ont-ils fait un «enfant dans le dos» à la RTS? Rien de tout cela, (r)assure Nicolae Schiau, responsable de l'unité Jeune public, musique et humour: «Il ne s'agit pas d'un travail journalistique, mais bien d'humour. Ces séquences sont des cartes postales signées Chollet, un personnage très vaudois qui tranche totalement avec le Qatar. Le but est de jeter un regard volontiers naïf sur le pays.»
Fallait-il pour autant aller jusque dans la Péninsule arabique pour brocarder les locaux, notamment en pastichant le fameux «salam aleykoum»? «Le but est de rire sans méchanceté du touriste suisse moyen qui va au Qatar, pas de la population locale», nuance le journaliste et ancien chef d'antenne de Couleur 3. Celui-ci souligne que les deux Vincent n'avaient pas besoin de visa journalistique, puisqu'il s'agit d'humour.
Nicolae Schiau défend également le choix de se rendre sur place, alors que les locaux n’ont pas droit à la parole dans les séquences diffusées par «52 minutes»: «Je peux comprendre qu’il y ait des critiques quant à ce voyage, notamment sur le plan de l’écologie. Mais il est nécessaire de raconter, ou d'épingler, la réalité telle qu'elle est. L'humour ne peut pas se cantonner au stand-up sur scène.»
«Pas le même public que les émissions d'actualité»
Les deux Vincent ne sont d'ailleurs pas les seuls employés de la RTS à s’être rendus au Qatar en préambule de la Coupe du monde: des équipes de «Temps Présent» et de «Mise au Point» y ont également tourné des magazines d'actualité. «Ce sont des reportages très importants, mais qui ne s’adressent pas du tout au même public que '52 minutes', rétorque le responsable de l’humour sur la RTS. Le sujet est d'actualité et concernant, et il est important de le traiter également dans cette émission qui bénéficie d’un public large et transgénérationnel.»
Il n'y a donc pas d'empiètement sur le terrain couvert par les journalistes de la RTS selon Nicolae Schiau, satisfait de ce que les deux Vincent ont ramené du Qatar: «Je trouve que ces capsules sont très réussies, car elles font sourire mais surtout réfléchir sur cet événement majeur et unique en son genre.»