Dans le jargon du Covid, que nous avons dû apprendre à maîtriser depuis un an et demi, un mot prend de plus en plus d'ampleur: les aérosols. Ces petites particules qui flottent dans l'air, parfois pendant des heures, sont des vecteurs privilégiés de transmission de la maladie.
Les aérosols sont considérés comme l'une des principales sources de transmission du virus, au moins autant que les gouttelettes émises lorsque quelqu’un tousse ou éternue. Ils peuvent ainsi contaminer quelqu’un même si la personne infectée qui les a exhalés est partie depuis longtemps.
Alors que la rentrée des classes se rapproche, la qualité de l'air dans nos écoles devient primordiale. L'OFSP a proposé vendredi des stratégies d'aération contre le Covid, même s'il est peu probable que beaucoup de classes soient équipées de capteurs de CO₂ comme certaines voix, notamment scientifiques, le réclament. En avril, la task force scientifique de la Confédération voulait en installer dans toutes les écoles.
Blick a voulu savoir dans quels lieux publics nous sommes le plus exposés au Covid. Comprenez: où les aérosols se trouvent en plus grande quantité. Equipés d'un appareil de mesure du CO₂, nous nous sommes rendus dans des écoles, des boîtes de nuit et des transports publics.
Premier enseignement: dans de nombreux endroits, les valeurs mesurées étaient inoffensives. C'est le cas d'une Coop du centre-ville de Zurich, mais aussi dans le car postal, le train régional ou à la pharmacie — du moins celle visitée.
Pas de danger, donc? Des valeurs très élevées ont été mesurées dans un autre train, le Dosto FV (le train duplex à deux étages) des CFF.
Une véritable bombe à virus
Ces fameux trains de l'entreprise canadienne Bombardier, sur lesquels les CFF ont beaucoup misé, connaissent un début d'existence bien compliqué: livrés en retard, ils continuent de faire la une des journaux depuis leur mise en service en raison de pannes et de leur mouvement de balancier en marche qui provoque des nausées chez de nombreux voyageurs.
Voilà à présent que les Dosto FV sont de vraies bombes à virus! Dans une voiture de 2e classe à moitié pleine, les valeurs de CO₂ mesurées dépassaient 3400 particules par million (ppm). Ces valeurs sont plus élevées que sur la piste de danse bondée d’une boîte de nuit ou dans une salle de classe. Les mesures effectuées dans le wagon-restaurant étaient également supérieures à la limite de 2000 particules par million.
Les aérosols sont l’un des sujets de prédilection de Martin Bäumle. Le conseiller national vert'libéral est expert en sciences de l’atmosphère et se bat depuis longtemps pour avertir du rôle joué par les aérosols dans le risque de transmission du Covid. Le Zurichois ne se sépare que rarement de son appareil de mesure du CO₂, même lorsqu’il se rend au Parlement: «Le niveau de CO₂ est plus facile et moins cher à mesurer que la concentration du virus dans l’air».
Dans les pièces fermées, ces valeurs augmentent au fil du temps à des rythmes différents, en fonction du nombre de personnes présentes dans la pièce. Des niveaux élevés de CO₂ et donc une concentration élevée d’aérosols sont dommageables pour la santé, et ce pas uniquement en raison du risque de transmission: à un niveau de 2000 particules par million, par exemple, l’air peut causer de la fatigue et des maux de tête. Seule solution: aérer et ventiler.
Faut-il oublier les discussions dans le wagon-restaurant?
Martin Bäumle sait depuis longtemps que l’air dans le Dosto FV est mauvais. «Je suis déjà descendu d’un train lorsque les valeurs étaient trop élevées», dit-il. Toutefois, il affirme que le problème n’existe pas dans tous les modèles à deux étages; il n’a lui-même mesuré ces mauvaises valeurs que dans des cas isolés. «Je soupçonne que les CFF n’ont pas encore réglé les filtres correctement partout.»
Michael Riediker, expert en aérosols et directeur du Centre suisse d’hygiène du travail et de l’environnement, estime également que les valeurs à bord du Dosto FV sont trop élevées. «Les CFF doivent procéder à des ajustements et augmenter la proportion d’air extérieur», critique-t-il.
Que les pendulaires se rassurent: cela ne signifie pas que le Dosto FV est un foyer de Covid en puissance pour autant. Car tant que les passagers sont assis, portent des masques et parlent peu, le risque de contamination reste faible en dépit de la forte concentration d’aérosols. «C’est parce que la plupart de l’air dans le train est filtré et 'réutilisé': au cours de ce processus, la plupart des virus sont capturés par le filtre, même si l’apport d’air extérieur est faible.» Cependant, quel que soit le risque de contamination, l’air reste mauvais, capable d’entraîner «de la fatigue, des maux de tête et des problèmes de concentration sur les longs trajets».
L’endroit le plus risqué du train est le restaurant. Cela semble logique puisque l'on y enlève le masque et que l'on y discute volontiers. La concentration d’aérosols augmente: «Si une personne infectée y voyage, le risque d’infection est déjà relativement élevé», note Michael Riediker.
Les CFF font contrôler la qualité de l’air
Les CFF ont effectué leurs propres mesures à bord du Dosto FV, selon la porte-parole Jeannine Egi. «À l’exception d’une valeur aberrante de quelques minutes», aucune valeur supérieure à 1300 particules par million n’aurait été mesurée. «L’air à l’intérieur du wagon est entièrement renouvelé par de l’air frais six à dix fois par heure en moyenne», explique Jeannine Egi, et les valeurs mesurées ne sont «en aucun cas dangereuses pour la santé».
Les CFF feront néanmoins contrôler à nouveau leurs mesures: «De nouvelles analyses seront effectuées par un organisme de contrôle indépendant. Si nécessaire, nous mettrons en œuvre des mesures supplémentaires», promet la porte-parole.
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Club à haut risque
En plus du Dosto FV, Blick a également mesuré des niveaux élevés de CO₂ dans une boîte de nuit et une salle de classe, même si ces mesures n’ont jamais égalé celles du train à double étage.
Selon l’expert en aérosols Michael Riediker, le risque d’infection est toujours plus élevé dans un club que dans un train. Et ce, même avec un certificat Covid.
Car la concentration d’aérosols ne fait pas tout: le nombre de personnes dans la pièce, combien de temps elles y demeurent, ce qu’elles y font sont également primordiales. «Dans une boîte, les gens dansent sans masque, parlent fort et le renouvellement de l’air est médiocre», explique l'expert. Une seule personne contaminée dans le club suffit. «En l’espace de neuf minutes, 300 virus sont inhalés, ce qui est suffisant pour infecter même des personnes jeunes et en bonne santé.»