La ville de Malmö, en Suède, a passé le flambeau à celle de Bâle pour le 69e Concours Eurovision (ESC) qui se tiendra les 13, 15 et 17 mai. Le président du Conseil d'Etat du canton de Bâle-Ville, Conradin Cramer, et Stéphanie Eymann, cheffe du Département de la justice et de la sécurité, ont de nombreux défis à relever pour assurer la sécurité de toutes et tous.
Conradin Cramer, êtes-vous fan de l'Eurovision?
Jusqu'à présent, je n'avais pas de lien particulier avec l'Eurovision. Je ne m'y suis intéressé que depuis ces derniers mois, mais je suis convaincu que Bâle sera un lieu d'accueil magnifique pour cet évènement! En plus des personnes qui seront sur place, on estime que 160 millions de personnes dans le monde seront devant leur télévision et 80 millions sur le live Youtube.
Et vous, Stephanie Eymann, directrice de la sécurité?
Pour ma part, je suis l'Eurovision depuis des années. Pas en première ligne, mais devant la télé. Je me réjouis de voir le concours poser ses valises à Bâle.
L'Eurovision est même regardée depuis l'Australie. Quels signaux positifs doivent parvenir au monde depuis Bâle?
CR: Bâle et la Suisse sont synonymes de diversité, de joie de vivre et d'une Europe étroitement liée.
Cela ressemble à de la publicité indirecte pour le dossier de l'UE.
CR: La Suisse est au Centre de l'Europe, qui organise l'Eurovision. A l'heure où les tensions entre les pays s'accroissent, où le nationalisme gagne du terrain et où l'on parle davantage de droits de douane et de frontières que de causes humanitaires, le triangle de Bâle est un symbole fort.
L'Eurovision, surtout l'année dernière, est devenue le porte-étendard de la cause queer. Le concours à Bâle sera-t-il une antithèse de Donald Trump, qui dit vouloir combattre la «folie transgenre»?
CR: Notre ambition n'est pas d'envoyer un message en direction de Washington, mais de montrer que Bâle est une ville de respect mutuel et que tout le monde peut s'y sentir bien, quelle que soit son identité.
Les déclarations de Trump peuvent-elles conduire à une haine de ces minorités?
SE: La haine des minorités n'a pas sa place chez nous. Lors de l'évènement, il y aura une équipe, des personnes à laquelle on pourra s'adresser si l'on se sent mal à l'aise, et ce quelle qu'en soit la cause – transphobie, harcèlement sexuel ou toute autre forme de violence. Nous aurons aussi une ligne d'assistance téléphonique 24h/24 pendant l'Eurovision. Il s'agit d'un nouveau projet auquel participe le Bureau fédéral de l'égalité.
A la Saint-Sylvestre, des agressions au GHB ont provoqué la peur et la colère à Bâle. Que pouvez-vous faire pour y remédier?
SE: En été 2022 et 2023, nous avons distribué des bracelets de test sur les rives du Rhin, là où beaucoup de gens font la fête. Quelques gouttes de la boisson consommée sur le bracelet suffisaient à indiquer si du GHB y avait été versé. Mais nous avons constaté que toutes les substances ne sont pas détectées. Nous cherchons encore s'il existe une meilleure solution.
Lors de grandes manifestations, beaucoup de choses peuvent mal tourner. Vous considérez-vous comme la gardienne de l'Eurovision?
SE: Non, mais j'assume la responsabilité de sa sécurité. Les tensions sociales et politiques qui enflamment le monde d'aujourd'hui représentent un grand défi, mais nous devons garantir la sécurité de toutes et tous à Bâle. Nous avons l'expérience des grands événements dans notre région, le dernier en date étant le congrès sioniste de 2022. Le président israélien était alors venu, ce qui avait nécessité un dispositif de sécurité particulièrement élevé.
Le conflit au Proche-Orient a assombri le dernier Eurovision de Malmö.
SE: C'est vrai. La semaine dernière, des collègues policiers de Malmö sont venus à Bâle pour nous faire part de leurs expériences. La situation géopolitique est prise en compte en permanence dans notre évaluation de la situation.
Qu'allez-vous prendre particulièrement à cœur?
SE: Nous ne sommes pas naïfs: l'évènement amènera des personnes qui ne sont pas d'accord avec toutes les délégations et qui ne tairont pas leurs opinions. La liberté d'expression est un bien précieux et nous ne voulons pas que Bâle devienne une forteresse. C'est pourquoi nous devons bien nous préparer.
Mardi déjà, des activistes propalestiniens ont manifesté devant un événement de l'Eurovision. Pourquoi les policiers ont-ils confisqué leur pancarte?
SE: Les personnes impliquées dans la manifestation non autorisée ont été contrôlées par la police cantonale de Bâle-Ville et expulsées du lieu afin d'éviter tout conflit entre les participants à la cérémonie et ceux à la manifestation. La banderole a été temporairement saisie sur la base de notre loi sur la police et a pu être récupérée plus tard.
Comment évitez-vous que l'Eurovision ne devienne une fête pour les détracteurs d'Israël?
SE: A Bâle, nous avons l'expérience des manifestations, y compris celles qui critiquent Israël. Nous misons déjà sur le dialogue en amont et cherchons à discuter avec les groupes qui souhaitent faire entendre leur voix. Si la volonté de dialogue existe, nous trouverons des moyens de garantir la liberté d'expression et la liberté de chacun.
A Malmö, plusieurs chanteurs ont contesté la présence de la chanteuse israélienne Eden Golan. Monsieur Cramer, qu'en pensez-vous en tant qu'organisateur?
CR: L'Eurovision est synonyme de valeurs telles que le respect, l'écoute, la recherche de ce qui nous unit malgré nos origines. Nous espérons que cette volonté soit entendue et respectée.
En Autriche, un concert de Taylor Swift a dû être annulé en raison de la menace terroriste.
SE: Nous sommes en contact avec le service de renseignement de la Confédération. Nous n'avons actuellement pas d'indications concrètes.
Pour terminer, pouvez-vous nous parler de l'actualité? Est-ce que Céline Dion se tiendra bien sur la Roche Tower 1 pour chanter?
CR: Il y aura beaucoup de folie, mais c'est l'équipe créative qui s'en charge (rires). Tout ce que je peux vous dire c'est que les shows télévisés sont organisés de manière stricte, chaque geste doit être parfait. Nous nous réjouissons beaucoup de cette grande fête avec des gens venus de toute l'Europe.