Monsieur Bach, que pensez-vous de la décision du Parlement européen d'interdire les moteurs thermiques en 2035 ?
Christian Bach : Cela peut être une bonne chose. Mais pas forcément. Car il y a quelques risques et effets secondaires: en termes d'émissions de CO2, les voitures électriques n'ont de sens que si elles fonctionnent avec de l'énergie renouvelable. Or, la question de savoir d'où doit provenir l'électricité renouvelable est très ouverte. L'UE compte 3000 centrales électriques fonctionnant à l'énergie fossile — ne serait-ce que pour couvrir la consommation stationnaire d'électricité, d'énormes efforts sont nécessaires.
Mais encore?
Les réseaux électriques de nombreux pays de l'UE ne sont pas conçus pour une électrification aussi rapide — d'autant plus que l'on veut partout électrifier en même temps le secteur du chauffage. Une autre question est de savoir si l'approvisionnement en matières premières pour la fabrication des batteries (celles-ci proviennent principalement de Chine/d'Asie) peut être accéléré à ce rythme. Globalement, ce ne serait pas la première fois que la réalité ne se conforme pas à un plan...
Une interdiction des véhicules à combustion est-elle nécessaire? Le secteur réagit de son propre chef — et plus rapidement que l'on ne croit.
Je voudrais préciser: Il ne s'agit pas d'une interdiction des véhicules à combustion, mais il est prévu de fixer la valeur cible de CO2 à 0 g/km. Les véhicules à combustion d'hydrogène, par exemple, seront alors toujours autorisés. Du point de vue du CO2, il serait toutefois plus important d'interdire l'énergie fossile, mais d'autoriser les propulsions de manière ouverte.
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Pour quelle raison?
Les voitures à combustion alimentées par des énergies renouvelables sont aussi propres que les voitures électriques alimentées par des énergies renouvelables. Avec cette décision, l'industrie automobile est toutefois «tirée d'affaire» en matière d'environnement et de climat, car même les représentants des autorités parlent parfois de «voiture climatiquement neutre» lorsqu'elle est propulsée par une batterie électrique. Mais l'industrie automobile va très certainement réclamer à grands cris, dans un avenir proche, un développement fortement accéléré et subventionné du réseau électrique et des infrastructures de recharge. L'avenir nous dira si cela fonctionnera vraiment.
Cette décision de l'UE ne signifie-t-elle pas aussi la fin des carburants synthétiques?
Non. Dans le domaine des voitures particulières, les carburants synthétiques ne joueront de toute façon qu'un rôle secondaire (par exemple pour les voitures anciennes, les véhicules à remorque, etc.). Les carburants synthétiques restent indispensables pour les applications à longue distance et en charge dans le domaine routier, maritime et aérien, pour les machines de construction, les machines agricoles et les véhicules spéciaux ainsi que pour les processus à haute température dans le domaine industriel. Mais les véhicules électriques ne peuvent pas se passer de sources d'énergie synthétiques — sinon, comment allons-nous fournir de l'électricité verte en hiver ?
Pensez-vous que des exceptions à la décision de l'UE seront encore décidées?
Je pars du principe que la décision ne sera pas entièrement applicable sous cette forme. En Suisse, peut-être, mais pas dans de nombreux pays de l'UE. Mais nous considérons la réduction de CO2 dans un contexte global. La réalisation de l'objectif net de zéro CO2 est au premier plan, et non pas un objectif sectoriel ou national qui pourraient être atteints simplement en compensant les émissions de CO2 ailleurs.
(Adaptation Antoine Hürlimann)