A quoi rassemble la «Sinnermania», cette douce euphorie qui saisit régulièrement tout un pays depuis maintenant douze mois? C'est la vague orange qui colore les tribunes de l'Inalpi Arena de Turin quand le grand roux qui a offert à son pays, en novembre 2023, la deuxième Coupe Davis de son histoire, joue.
C'est le déferlement rose des Unes dithyrambiques du quotidien sportif La Gazzetta dello Sport qui a relégué le sacro-saint calcio en bas de page après chacun de ses sept tournois gagnés en 2024. Ou alors c'est le matraquage des spots TV des nombreuses entreprises, italiennes ou non, séduites par le gamin descendu des montagnes du Haut-Adige pour devenir le premier N.1 mondial italien de l'histoire.
Il en faudrait plus pour rendre blanc comme un linge l'intéressé, jamais aussi redoutable que lorsqu'il y a de l'enjeu: à Turin, Sinner tente en effet de corriger une anomalie dans son palmarès qui ne compte pour l'instant aucun titre conquis en Italie.
«Un peu plus de pression»
«C'est clair qu'il y a un petit peu plus de pression, mais je suis content de me retrouver dans cette situation pour laquelle j'ai tellement travaillé», a-t-il expliqué dans un timide sourire.
Autant que ses succès – dont ses deux premiers sacres Grand Chelem, à Melbourne et New York –, ce qui plaît chez Sinner, c'est sa personnalité, bien loin de l'exubérance de ses compatriotes du circuit ATP, comme Fabio Fognini, et d'ailleurs.
«Il a cette solidité mentale. Il n'était peut-être pas le plus doué, mais il s'est accroché», apprécie Enzo Palumbo, un quadragénaire qui s'apprête à voir le second match de groupes de Sinner.
Ariana Verdone et Francesco Fiscatori, perruques rousses sur la tête et habillés d'un tee-shirt orange devenu la couleur de ralliement des fans de Sinner, incarnés par les désormais célèbres «Carota Boys», attendent avec impatience le premier coup de raquette de leur héros.
«C'est un exemple pour son investissement lorsqu'il a fallu quitter sa famille, pour sa passion pour le tennis, pour son humilité», énumère la quinquagénaire qui a remarqué que «les enfants autour (d'elle) allait plus vers le tennis maintenant que vers le foot».
Il encourt un à deux ans de suspension
«C'est un garçon gentil et intelligent. C'est un peu le fils ou le gendre que tout le monde aimerait avoir. C'est simple, c'est une personne simple», résume le président de la Fédération italienne Angelo Binaghi.
Et cette simplicité fait des miracles. Pour ces Masters 2024, les organisateurs ont vendu 200.000 billets, du jamais-vu, et auraient pu en vendre le double, voire plus. En un an, leurs recettes sont passées de 20 à 28 millions d'euros. «Un Sinner multiplie tout par dix», assure même le patron du tennis italien qui revendique cinq millions de pratiquants, contre 4,5 en 2023.
Sinner aussi en profite: selon le classement établi en août par le magazine économique Forbes, il est le cinquième joueur de tennis le mieux payé au monde avec 26,6 millions de dollars, dont quinze millions provenant de ses sponsors. Selon le cabinet de recherches en marketing NextAtlas, la «Sinnermania» a quatre composantes, dont la plus importante est son authenticité.
Une qualité qui lui permet de traverser sans dommages majeurs auprès du public et de ses sponsors la tempête de son cas de dopage au clostébol, un stéroïde anabolisant. Blanchi dans un premier temps par l'Agence internationale pour l'intégrité du tennis (Itia), l'Agence mondiale antidopage (AMA) a fait appel et a réclamé une à deux années de suspension pour l'Italien.
Le Tribunal arbitral du sport (TAS) devrait statuer d'ici la fin de l'année. «Ce n'est pas une situation agréable mais nous restons confiants», a assuré Sinner.