A 23 ans, Valentina Ryser ne compte pas parmi la relève du tennis helvétique. Le constat est implacable. Rude. Il provient de deux experts, Yannick Fattebert et Simon Graf, interrogés par Blick en juillet dernier. Comment la jeune Thounoise a-t-elle encaissé le coup? Blick est allé lui poser la question en ce début d'année. Et la vérité est que... ce constat n’est pas une surprise pour elle!
«Je n’ai jamais été une joueuse exceptionnelle, au top d'entrée, avec les projecteurs sur elle. Je progresse petit à petit chaque année et je suis contente si je fais de bons résultats. La pression que je ressens parfois, elle vient de moi, pas des médias», répond-elle en toute honnêteté. Aujourd’hui classée 7e Suissesse et 263e mondiale, la Bernoise de l'Oberland se satisfait de ses progrès et avance, avec son équipe. «Je suis heureuse et fière de mon niveau. L’important pour moi, c’est la constance. Où j’en suis aujourd'hui, tout peut se passer.» Mais ce «tout» a également un coût... et quels coûts! Confidences d'une Suissesse au coup de raquette offensif, aussi douce en dehors du court qu'agressive une fois dessus.
Elle a failli participer au tableau principal à Wimbledon
La Bernoise de 23 ans met tout en œuvre pour atteindre une forme physique et mentale optimale. Avec le soutien de son équipe – entraîneurs, coachs en préparation physique, physiothérapeutes et préparateurs mentaux – elle est reconnaissante de leur dévouement à sa carrière. «Participer à Wimbledon en juin dernier, mon tout premier Grand Chelem, a été une expérience incroyable!» Elle est d'ailleurs passée tout près de se qualifier pour le tableau principal, ne s'inclinant qu'au dernier tour des qualifications.
Qu’est-ce qui distingue cette Suissesse prometteuse de Céline Naef et Viktorija Golubic, mentionnées l’été dernier par l’ancien entraîneur de Stan Wawrinka et un journaliste spécialisé en tennis? «Céline est impressionnante physiquement. Elle suit un programme très strict et méticuleux, tant en fitness qu’en tennis, ce que je commence à peine à adopter. Mais je les trouve toutes les deux formidables et très sympathiques. Elles ont une éthique de travail exemplaire.» Valentina a aussi dû surmonter un défi majeur: lorsqu’elle est passée de la Swiss Tennis Academy à la Fédération suisse de tennis, son coach attitré ne l’a pas suivie. « Maintenant, avec la Fédération, c’est différent, et je peux vraiment me concentrer sur mes points forts.»
La nouvelle génération ne sera pas aussi exceptionnelle
Toujours à titre comparatif, qu’en est-il de la prochaine génération de joueuses et de joueurs de tennis? Toutes et tous peinent à se démarquer individuellement. «Stan Wawrinka et Roger Federer sont si exceptionnels! Je pense qu’il faut être reconnaissant de les avoir en Suisse. Chez les joueurs et joueuses de ma génération, il y a beaucoup de très bons joueurs, mais pas aussi exceptionnels. Il faut aussi dire que tout le monde n’est pas prêt à aller si loin en tennis et à donner autant.»
Certes, Valentina s’investit pleinement dans son travail sur elle-même, mais cela ne suffit pas à garantir une carrière durable dans le tennis. Il faut être prêt à faire des sacrifices et à se surpasser constamment. Elle en a pris conscience il y a deux ans. «J’ai failli tout arrêter. Je perdais des matchs, mes sponsors me lâchaient. J’avais l’impression d’avoir atteint mes limites. Je me demandais si je ne devrais pas plutôt me tourner vers les études. Finalement, j’ai décidé de changer d’approche: au lieu de jouer pour gagner à tout prix, j’ai commencé à me concentrer sur l’amélioration de mon jeu. Cela m’a libérée d’une énorme pression. J’ai aussi appris à parler ouvertement de ce que je ressentais. Aujourd’hui, je vois chaque match comme une opportunité d’apprentissage. Je me dis: vas-y, essaie, donne le meilleur de toi-même, et vois ce qui se passe. Si ça fonctionne, tant mieux. Sinon, au moins, j’aurai tout donné.»
Un travail personnel encore en cours. Parce que parfois, Valentina se rend compte qu’avoir cette mentalité est plus facile à dire qu’à faire.
Financièrement, c'est compliqué
Mais avoir la bonne mentalité ne suffit pas. Il faut aussi pouvoir subvenir à ses besoins et rémunérer son équipe. Son cas personnel passe souvent au second plan. «Je n’ai pas de salaire fixe. Parfois, je passe plusieurs semaines par mois chez ma mère, sans aucun revenu.» Valentina vit avec le strict minimum: elle couvre ses besoins essentiels, comme la nourriture et l’essence pour sa voiture. Côté soutien financier, la marque HEAD et la Fédération lui fournissent son matériel. Elle peut aussi compter sur l’aide de sa famille et de quelques donateurs. Mais la situation reste précaire. «La Fondation de l’Aide Sportive Suisse me verse une aide financière deux fois par an, et la Fédération suisse de tennis me soutient chaque mois. Sans le soutien de ma famille et de mes donateurs, je ne tiendrais pas.»
Un constat peu étonnant compte tenu de toutes les dépenses qu’implique sa carrière. En effet, il ne faut pas omettre les frais de déplacement. En 2023, Valentina a participé à 28 tournois à l’international. «Je dois payer pour la personne qui vient avec moi. Quand je suis accompagnée, je me sens privilégiée.» Des privilèges, oui, mais aussi des sources de stress, même si «maintenant, ça va un peu mieux. Je me suis habituée à tout ça au fil des ans.»
Quelques points positifs quand même: d’abord, ses débuts en tant que sportive militaire à Macolin. De quoi profiter d’un soutien financier supplémentaire bienvenu en bénéficiant d’une présaison plus longue dès fin octobre 2024. Enfin, l’augmentation des montants des prize-money des meilleurs tournois. Certes, il faut entrer dans le tableau principal, ce qui n'est pas toujours simple, mais les prix en valent la peine. «Même si on est éliminé au premier tour, on peut parfois gagner 20’000 francs dans les grands tournois.»
Il faut trouver 70'000 francs par année, uniquement pour les dépenses
Une somme qui paraît élevée, mais il convient de remettre les choses en perspective: «En termes de dépenses, ma carrière de joueuse de tennis me coûte 50’000 à 60’000 francs annuellement. Cette année, ça va même plutôt être entre 60’000 et 70’000 francs. En fait, je pense que les personnes qui veulent vraiment bien vivre de ce sport doivent être dans le top 100.»
À noter que si elle perdait plus de matches et donc baissait de niveau, sa carrière lui coûterait... moins cher. Mais elle ne gagnerait plus autant non plus, car elle ne serait plus sélectionnée pour participer à autant de tournois. «À un niveau plus bas, je gagnais très peu. Mais beaucoup de gens croient en moi et, il y a deux ans, la Fédération m’a soutenue. Je crois que ça n’aurait pas été le cas si je n’avais aucun avenir dans le tennis.»
Un avenir dont la fin semble déjà dessinée. «Pour les joueurs et joueuses de simple, la retraite sportive arrive généralement vers 30 ou 35 ans. Pour les doubles, cela peut s’étendre jusqu’à 38 ans.» Et pour Valentina, qui a privilégié le tennis aux études, quel sera l’après? «Je n’ai rien de défini pour l’instant. J’envisage quelque chose en lien avec le sport. Peut-être aider les personnes en rééducation.» En attendant, elle est prête à affronter tous les défis: dépenses élevées, revenus fluctuants, obstacles mentaux, stress et voyages incessants. «Les moments difficiles sont essentiels pour tout remettre à plat et apprendre. Chaque épreuve permet de devenir plus fort.»