Celle-ci a accusé début novembre un ancien haut responsable du régime de l'avoir contrainte à un rapport sexuel, et sa disparition suscite l'émoi dans le monde du tennis.
Le patron de la WTA, qui gère le circuit professionnel féminin de tennis, a dit douter des informations officielles provenant de Chine sur la championne. «Le communiqué publié aujourd'hui par les médias officiels chinois concernant Peng Shuai ne fait qu'augmenter mon inquiétude quant à sa sécurité et sa localisation», écrit Steve Simon dans un communiqué publié mercredi soir. «J'ai du mal à croire que Peng Shuai ait effectivement écrit l'email que nous avons reçu et qu'elle puisse penser les mots qui lui sont attribués», ajoute-t-il.
La chaîne chinoise CGTN, destinée au public international, a dévoilé mercredi soir sur Twitter la capture d'écran d'un mail attribué à Peng Shuai, que la joueuse chinoise aurait envoyé à la WTA, sans que l'authenticité du message puisse être confirmée. Les propos tenus en anglais dans ce message à l'origine suspecte vont à l'encontre des déclarations de Peng Shuai, qui avait accusé un ancien vice-Premier ministre de l'avoir contrainte à un rapport sexuel il y a trois ans.«Les informations, notamment concernant l'accusation d'agression sexuelle, sont fausses», affirmerait la joueuse dans ce message. «Je ne suis ni disparue ni en danger. J'étais juste au repos chez moi, tout va bien. Merci encore d'avoir pris de mes nouvelles.»
Mais les messages d'émoi continuent d'affluer dans le monde du tennis. La star Serena Williams s'est dite «bouleversée et choquée». «Ça doit faire l'objet d'une enquête et nous ne devons pas rester silencieux», écrit l'Américaine sur Twitter. «J'espère qu'elle sera bientôt retrouvée, parce que l'on ne parle pas ici d'un match de tennis ou d'une compétition, mais on parle de vie humaine», a de son côté déclaré l'Allemand Alexander Zverev.Le contenu du message de la Chinoise a en effet soulevé des doutes quant à son authenticité: des utilisateurs de Twitter ont relevé qu'un curseur était visible sur le message diffusé par CGTN, un phénomène étrange pour une capture d'écran.
Par le passé, le régime communiste a été accusé de diffuser des aveux forcés de suspects sur les médias publics. La même chaîne CGTN s'est vu retirer sa licence au Royaume-Uni en début d'année pour avoir diffusé des «aveux» attribués à un citoyen britannique arrêté en Chine.
Dans une interview accordée jeudi à la chaîne CNN, Steve Simon a affirmé: «Nous sommes tout à fait prêts à retirer (de Chine) nos activités et à faire face à toutes les complications qui en découlent. Parce que c'est (des accusations de viols) plus important que les affaires».
Doutes sur la situation de la joueuse
«Les dernières déclarations de Peng Shuai, publiées par un média public, ne doivent pas être prises pour argent comptant», a déclaré William Nee, de l'association Défenseurs des droits de l'Homme en Chine. «Le gouvernement chinois a une longue expérience consistant à détenir arbitrairement des gens impliqués dans des affaires controversées, à les empêcher de parler librement et à les contraindre à des déclarations publiques», a-t-il estimé dans un communiqué.
Le chef de l'organisation internationale du tennis féminin a observé que Peng Shuai avait «fait preuve d'un incroyable courage en décrivant des violences sexuelles dont elle dit avoir été victime de la part d'un ancien haut dirigeant chinois». Il réclame par ailleurs une «preuve indépendante et vérifiable» que la joueuse est en sécurité.
«J'ai tenté à plusieurs reprises de la joindre par différents moyens de communication, en vain», souligne-t-il, en réclamant que Peng Shuai «soit autorisée à s'exprimer librement, sans coercition ni intimidation d'aucune sorte.» L'ancienne no 1 mondiale en double, âgée de 35 ans, a accusé sur les réseaux sociaux l'ancien vice-Premier ministre Zhang Gaoli, qui a été de 2013 à 2018 l'un des sept hommes politiques les plus puissants de Chine, de l'avoir contrainte à une relation sexuelle avant d'en faire sa maîtresse.
Cette accusation avait été brièvement postée le 2 novembre sur le compte officiel Weibo (équivalent chinois de Twitter) de la joueuse. La Chine avait très vite bloqué toute référence à ce message. Depuis, la joueuse n'a pas communiqué ou fait d'apparition publique et Zhang Gaoli n'a jamais réagi publiquement à ces accusations.
Interrogés à plusieurs reprises, les porte-paroles du ministère chinois des Affaires étrangères ont dit tout ignorer de cette affaire et se sont refusés à tout commentaire en arguant qu'il ne s'agissait pas d'un dossier diplomatique. De son côté, le CIO n'a pas souhaité commenter plus avant. «L'expérience montre qu'une diplomatie discrète offre la meilleure chance de trouver une solution à des questions de telle nature», a fait valoir un porte-parole.
(ATS)