Tantôt critiquée, tantôt adulée
Comment Lara est devenue Gut-Behrami, récit d'une carrière hors du commun

Lara Gut-Behrami est une des plus grandes skieuses suisses de l'histoire. Malgré des hauts et des bas réguliers dans sa carrière, la «bombe de Comano» détient un palmarès hors du commun. Retour sur l'ascension au plus haut niveau de la géniale tessinoise.
Publié: 05.02.2023 à 19:46 heures
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Lara Gut-Behrami est en pleine forme avant d'aborder les championnats du monde.
Photo: Christoph Köstlin / SI Sport
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Mathias Germann

De la championne adolescente à la trentenaire qui bat encore des records au plus haut niveau, qui est vraiment Lara Gut-Behrami? Comment est aujourd'hui perçue celle dont les coups de gueule ont aussi fait écho à ses exploits sur les skis? «Nul n'est prophète en son pays. Ce n'est que dans quelques années, lorsque Lara aura pris sa retraite depuis longtemps, que les gens se rendront compte à quel point elle était formidable», estime la légende du ski Marc Girardelli.

La Tessinoise compte depuis longtemps parmi les skieuses les plus performantes du cirque blanc. Aux championnats du monde de Courchevel/Méribel, elle porte une grande partie des espoirs de médailles suisses.

Une enfant un peu perdue

Une pression qu'elle accepte volontiers, elle qui ne limite pas son identité à ses performances sportives: «Je ne me définis pas par cette médaille d'or», avait-elle balayé, dans son style caractéristique, après son titre olympique en février dernier.

Même si Lara Gut-Behrami ne semble plus faire de son sport sa raison de vivre, elle confie tout de même être fière d'avoir franchi les obstacles qui se sont dressés sur sa route au fil des ans. «J'avais 16 ans quand je suis arrivée en Coupe du monde. Une enfant. Pour beaucoup de choses qui m'arrivaient, je ne savais pas comment les gérer. J'étais parfois perdue et je ne savais pas ce qui était le mieux pour moi. Je devais simplement skier, skier, skier.»

Des conflits qui appartiennent au passé

Forcément, sa trajectoire a parfois été chahutée. Lara Gut-Behrami s'est notamment fritée avec la Fédération suisse de ski, avec les entraîneurs, avec les journalistes et probablement aussi avec elle-même. Les choses ont l'air d'avoir désormais bien changé.

À 31 ans, Lara Gut-Behrami a trouvé la paix intérieure. «Le sport est beau. Tu peux vivre tellement de choses. Mais ce n'est pas une vie facile. On peut gagner des courses, mais le reste du temps, on ne fait que de se battre. Je suis heureuse de continuer à courir, de me mesurer aux autres et de partager ces choses avec ma famille. J'essaie de voir les choses sous un autre angle. De ne pas me focaliser uniquement sur le résultat, mais sur le fait que ma famille et moi avons fait quelque chose d'incroyable ensemble.»

La création du Sporting Gottardo

L'incroyable aventure de Lara Gut-Behrami commence le 27 avril 1991 à Sorengo, dans le Tessin, sa terre natale. Rapidement, Gabriella et Pauli, ses parents, commencent à partager leur passion, le ski.

Comme papa Gut est en désaccord avec le travail de formation du club de ski d'Airolo, il fonde en 1999 sa propre structure, le Sporting Gottardo. L'ancien skieur (qui n'a jamais atteint la Coupe du monde) peut entraîner ses enfants comme bon lui semble. Personne ne s'en doutait à l'époque, mais le «Team Gut», avec lequel Gut-Behrami évolue encore aujourd'hui, est né.

Un talent précoce

Le talent de Lara sur les skis se manifeste très tôt et Pauli s'en rend vite compte. Le duo est constamment sur les lattes en hiver et se retrouve même à partir dix jours dans une cabane construite de leurs propres mains, à plus de 3'000 mètres d'altitude sur le glacier de Gries. La passion de Lara pour le ski ne la quittera alors plus jamais.

La jeune Tessinoise apparaît pour la première fois dans les médias en 2002, à onze ans seulement. «Je pense que dans dix ans, je ferai mon apparition en Coupe du monde», dit-elle avec audace. Son premier entraîneur, Mauro Pini, se souvient: «J'ai rencontré Lara pour la première fois lorsqu'elle avait 13 ans. Il était déjà assez clair à l'époque que cette fille deviendrait une grande skieuse. Pour son âge, elle avait énormément progressé, mais surtout, elle apprenait extrêmement vite. C'était de la folie.»

Gut-Behrami en chiffres

1 - Au cours de la saison 2015/16, elle a réussi l'exploit de remporter le classement général de la Coupe du monde. C'est d'ailleurs la première Suissesse depuis Vreni Schneider en 1994/95.

335 - Lara Gut-Behrami a participé à 335 courses de Coupe du monde. Elle est apparue pour la première fois en Coupe du monde le 28 décembre 2007 lors du slalom géant de Lienz. Elle a manqué la deuxième manche pour 46 centièmes.

71 - Gut-Behrami est montée 71 fois sur un podium de Coupe du monde, dont 36 fois en tant que vainqueur.

8 - Elle a remporté 8 médailles aux championnats du monde. Elle a dû attendre Cortina 2021 pour qu'elles soient en or - mais il y en a eu deux (slalom géant et super-G).

3 - Gut-Behrami a remporté 3 médailles aux Jeux olympiques. La médaille d'or en super-G de l'année dernière à Pékin est le sacre qu'il manquait à son palmarès.

1 - Au cours de la saison 2015/16, elle a réussi l'exploit de remporter le classement général de la Coupe du monde. C'est d'ailleurs la première Suissesse depuis Vreni Schneider en 1994/95.

335 - Lara Gut-Behrami a participé à 335 courses de Coupe du monde. Elle est apparue pour la première fois en Coupe du monde le 28 décembre 2007 lors du slalom géant de Lienz. Elle a manqué la deuxième manche pour 46 centièmes.

71 - Gut-Behrami est montée 71 fois sur un podium de Coupe du monde, dont 36 fois en tant que vainqueur.

8 - Elle a remporté 8 médailles aux championnats du monde. Elle a dû attendre Cortina 2021 pour qu'elles soient en or - mais il y en a eu deux (slalom géant et super-G).

3 - Gut-Behrami a remporté 3 médailles aux Jeux olympiques. La médaille d'or en super-G de l'année dernière à Pékin est le sacre qu'il manquait à son palmarès.

«Tout était un jeu pour elle»

Gut-Behrami fait ses débuts en Coupe du monde le 28 décembre 2007 à Lienz, en Autriche. Elle a alors 16 ans et 245 jours. Certes, elle n'obtient aucun point, mais un mois plus tard, elle explose aux yeux du monde entier. Lors de la descente de la Coupe du monde à Saint-Moritz, Gut chute, franchit la ligne à plat ventre, mais termine tout de même troisième. S'est-elle blessée? Non! La jeune femme se relève, rit de sa mésaventure et salue ses fans avec de la neige sur le visage.

Mais Gut a une pression supplémentaire dont elle n'est peut-être même pas consciente. En effet, son équipe privée coûte environ 300'000 francs par an. «Tout était comme un jeu pour elle, Lara était incroyablement détendue», explique Mauro Pini. Cela se voyait aussi lors des courses, où Gut faisait encore des blagues et riait avant de s'élancer à plus de 100 km/h sur la piste.

Aux Championnats du monde 2009, Gut est encore une adolescente. Elle remporte deux médailles d'argent. Bien des années plus tard, elle dira toutefois : «Après ces championnats du monde, j'ai pensé à prendre ma retraite. J'avais l'impression de n'être plus qu'un objet». En effet, Lara Gut se retrouve prise en otage entre les journalistes et un professionnel du sponsoring et des médias (engagé par le Team Gut) qui exigeait tout à coup de l'argent pour les interviews de l'athlète. Après cela, elle se blesse à la hanche et manque les Jeux olympiques de 2010.

En décembre, Gut est suspendue par Urs Lehmann, le patron de la fédération, parce qu'elle se présente devant les caméras avec des vêtements de son sponsor personnel, malgré plusieurs avertissements. Et elle se montre de plus en plus capricieuse et cassante en public. «Il y a encore quelques années, c'était une fille tout à fait formidable, maintenant, c'est une clocharde arrogante», déclare un journaliste de l'ORF à Blick.

Les autres Suissesses de l'équipe ont également du mal à accepter l'attitude de Gut et sa façon de faire cavalière seule. Rétrospectivement, la Schwytzoise Nadia Hürlimann-Styger (44 ans), adversaire de Gut à l'époque, relativise : «Son père était toujours là aussi, donc c'était un peu spécial». Cela ne l'a pas dérangée: «Je pouvais comprendre que lorsqu'on a toujours eu une équipe privée depuis l'enfance, il n'est pas facile de s'intégrer dans une équipe.»

L'ombre d'elle-même

En 2014, elle provoque des remous non seulement dans le cirque blanc, mais aussi dans toute la Suisse. Lors de ses premiers Jeux olympiques, elle termine troisième en descente à Sotchi (Russie), derrière les championnes ex aequo Dominique Gisin et Tina Maze. Gut est immensément déçue, pleure et se fait traiter de mauvaise perdante. Deux ans plus tard cependant, c'est le tournant: Gut est la première Suissesse à remporter le classement général de la Coupe du monde depuis 21 ans.

Le voilà de nouveau, le trésor de la nation. Gut rayonne devant les caméras, mais peu après, elle est mentalement épuisée. Lors des Championnats du monde de 2017 à domicile à Saint-Moritz, elle subit ce qu'elle interprète comme un signal de son corps: elle se déchire le ligament croisé du genou lors du slalom combiné. «Une blessure n'est pas de la malchance. Il y a toujours une raison derrière», dira-t-elle plus tard.

Par la suite, Gut prend un peu ses distances avec le cirque blanc pour prendre du temps pour elle et ne s'impose que rarement. Certains lui conseillent même de se retirer. C'est précisément ce qui l'a remotivée, comme le dit Marc Girardelli: «C'était la potion magique de Lara, son orgueil. Elle a skié comme l'ombre d'elle-même, mais elle est restée une championne. Et les champions n'abandonnent pas dans les moments difficiles.»

En été 2018, Gut fait à nouveau la une des journaux, en dehors des pistes cette fois. Le guerrier de la Nati Valon Behrami et elle se disent oui. «Valon est la plus belle chose qui pouvait m'arriver», dit Gut-Behrami, qui a un nouveau nom depuis lors. Ceux qui attendent des commentaires sur leur vie privée seront toutefois déçus. Gut-Behrami fait ses adieux aux médias et ne donne plus que les interviews qui sont obligatoires: «De toute façon, ce que je fais en privé ne regarde personne.»

Elle espère devenir maman

En 2021, elle remporte ses premières médailles d'or lors de grands événements et devient double championne du monde (super-G et slalom géant) à Cortina. Aux journalistes, elle dit en souriant : «Et à partir de maintenant, vous allez me demander quand je vais enfin décrocher l'or olympique, non?» C'est exactement ce qui se passe. Et Gut-Behrami réussit l'exploit un an plus tard à Pékin en devenant championne olympique en Super-G. Son palmarès est désormais complet.

Mais combien de temps Gut-Behrami va-t-elle encore skier ? Dernièrement, elle s'est plainte de problèmes liés à son âge. Et il y a trois ans, elle déclarait: «J'espère devenir maman tôt ou tard». Mais cela peut encore attendre, elle compte skier jusqu'à 33 ans.

Une chose est sûre maintenant: Gut-Behrami a une place assurée dans les livres d'histoire du ski alpin suisse. Elle n'est pas encore arrivée au bout de son aventure, ni sur le plan sportif ni sur le plan privé. Et pourtant, elle donne depuis longtemps l'image d'une femme accomplie.

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