Les souvenirs de Martin Julen
A 97 ans, le doyen du ski suisse tient la grande forme

Martin Julen a été le premier Suisse à remporter une grande course de ski à Sun Valley, voilà septante ans. Le Haut-Valaisan, désormais âgé de 97 ans, raconte à Blick pourquoi sa vie a été spéciale, faite de drames et de joies.
Publié: 26.03.2025 à 08:30 heures
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Le Zermattois Martin Julen est devenu le meilleur slalomeur du monde en remportant des victoires à Wengen, Adelboden et Sun Valley durant l'hiver 1955.
Photo: ATP/RDB
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Marcel W. Perren

À 97 ans, Martin Julen reste une légende vivante du ski alpin helvétique. Vainqueur du Lauberhorn et d’Adelboden dans les années 50, le Zermattois fêtera son anniversaire le 31 mars. Et pour prouver qu’il est toujours en pleine forme, le père du champion olympique Max et du top manager Franz Julen est… arrivé à vélo à son rendez-vous avec Blick!

«Je me sens bien plus en sécurité à vélo qu’en traversant mon village natal à pied», confie le Haut-Valaisan. «J’ai la chance de pouvoir encore vivre chez moi avec ma femme Trudi, qui a 91 ans. Nous gérons tout seuls notre ménage. Pour les courses, je prends mon vélo et file au supermarché. Il ne se passe quasiment pas un jour sans que je pédale.»

Jusqu’à l’hiver dernier, l’ancien slalomeur skiait encore régulièrement. Mais cette saison, il a renoncé à chausser les planches qui ont si longtemps rythmé sa vie. «Je pourrais toujours skier, mais marcher avec les chaussures de ski est devenu trop pénible», admet-il.

Une victoire malgré l'interdiction du médecin

Se replonger dans son âge d’or sportif est très facile pour Martin Julen. Le 27 mars 1955, il signait une victoire mémorable à Sun Valley (USA), là même où se déroulent actuellement les finales de la Coupe du monde. «La veille, j’ai subi une chute si violente en descente que le médecin m’a interdit de prendre le départ du slalom. Mais j’y suis allé quand même… et j’ai gagné, devant l’Autrichien Anderl Molterer, maître du slalom, et le grand Français Adrien Duvillard.» Le lendemain, un journal américain titrait: «Julen wins against Doctor’s Order» («Julen gagne contre l’avis du médecin»)!

Aujourd’hui, une victoire en finale de Coupe du monde rapporte 45 000 francs suisses. Mais combien Martin Julen avait-il touché pour son exploit il y a septante ans? « À l’époque, il n’y avait pas de prix en argent. Tous les frais étaient pris en charge, et avant de m’envoler pour les États-Unis, on m’a remis 500 francs d’argent de poche à l’aéroport de Zurich. C’était une somme considérable à l’époque!»

Une pilule douteuse lui a coûté une médaille olympique

L'année suivante, Martin Julen aurait pu remporter l'or en slalom aux Jeux olympiques de Cortina s'il n'avait pas eu recours à un mauvais médicament lors de la préparation des JO. «Renée Colliard, championne olympique de slalom à Genève, m'a donné un cachet. Elle m'a assuré que cette pilule me ferait du bien dans ma lutte contre la nervosité. Comme elle était pharmacienne, je lui ai fait confiance. Mais après avoir avalé la pilule, je me suis senti complètement ailleurs pendant un long moment, comme bourré. Au départ, j'ai à peine vu les premières portes. Après trois portes, j'ai été éliminé».

Peu après, à seulement 28 ans, Martin Julen tournait la page du ski de compétition. Mais loin de prendre sa retraite, ce fervent catholique s’est lancé avec succès dans l’entrepreneuriat. À Zermatt, il a ouvert un hôtel, un commerce de vin, plusieurs restaurants, un magasin de sport et a cofondé une nouvelle école de ski avec ses frères.

Parallèlement, il a bâti une famille avec sa femme, donnant naissance à six enfants. «J’ai toujours secrètement espéré que l’un d’eux décroche un jour l’or dans une grande course de ski», confie-t-il. Un rêve devenu réalité en 1984, aux Jeux olympiques de Sarajevo, lorsque son fils Max a remporté l’or en slalom géant… sous le regard de son frère Franz, qui l’accompagnait.

Son petit-fils est décédé en 2022

À l’automne 2022, Martin Julen a traversé la pire épreuve de sa vie avec la tragédie qui a frappé son plus jeune petit-fils. Marc, le fils cadet de Max, est décédé à seulement 23 ans des suites d’une maladie cardiaque. «Ma femme et moi avons suivi de très près son combat contre la maladie. Cela nous a causé une immense douleur… mais notre foi en Dieu nous a aidés à l’endurer», confie-t-il.

Cette perte incommensurable n’a-t-elle pas ébranlé sa foi? Martin répond sans hésitation: «Si Dieu prend une décision, il faut la respecter.» Pas un jour ne passe sans qu’il ne se rende avec sa femme sur la tombe de Marc. Et lorsqu’il prend le train pour la chapelle du Gornergrat, il y récite une prière et allume une bougie, fidèle à ses convictions et à la mémoire de son petit-fils.

Les souvenirs de la descente du Gornergrat

Non loin de cette chapelle, des courses de Coupe du monde devraient avoir lieu dans quelques années. Franz, son fils aîné, est l'initiateur de la nouvelle descente du Gornergrat. «De mon temps, la descente du Gornegrat était toujours la dernière course de la saison. J'ai réussi une fois à monter sur le podium, mais je n'ai malheureusement jamais gagné. Je serais très heureux de voir la tradition de cette course renaître avec un nouveau tracé. De tels projets offrent des perspectives aux jeunes. Franz m'a montré le plan de la nouvelle descente. Je connais le tracé, nous l'avons déjà souvent descendu par le passé. Je peux dire que la piste est très sélective et attractive».

Si tout se déroule comme prévu, la première descente de Coupe du monde devrait être lancée au Gornergrat en mars 2028. Pour Martin Julen, cette course serait un cadeau tout particulier pour son 100e anniversaire.

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