L'interview d'Adolf Ogi
«La Suisse doit obtenir les Jeux olympiques d'hiver 2030»

Il y a de grandes chances pour que les Jeux olympiques d'hiver de 2030 aient lieu en Suisse. «Nous pourrions jouer un rôle de pionnier dans le mouvement olympique», s'enthousiasme l'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi.
Publié: 20.11.2023 à 11:54 heures
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Dernière mise à jour: 20.11.2023 à 15:45 heures
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Le choc: le 19 juin 1999, Turin obtient l'organisation des Jeux d'hiver. Sion et le président du comité d'organisation Adolf Ogi repartent bredouilles.
Photo: Sobli
Felix Bingesser

Pour être guidé par Adolf Ogi dans son Kandersteg natal, il faut du temps. Il traverse le village au pas de course. Chaque bâtiment, chaque coin de sa commune natale est rempli de souvenirs liés à l'histoire et à son histoire. «Ici, le long du ruisseau, passe la Rue du conseiller fédéral Adolf Ogi. C'est ici que je me suis promené avec le président français François Mitterrand. Je lui ai dit : 'Ce sont les Champs-Élysées de Kandersteg'.» Quelques mètres plus loin, l'arrêt suivant: «C'est ici que je logeais chaque fois Kofi Annan, l'ancien secrétaire général des Nations unies, lorsqu'il était en visite à Kandersteg.» Nous arrivons à la Ruedihuus historique. «C'est là que j'ai mangé avec le prince Charles. Et aussi avec le roi des Belges et son épouse.»

Biographie

De l'école primaire de Kandersteg BE à l'un des conseillers fédéraux les plus populaires de tous les temps: La carrière extraordinaire d'Adolf Ogi (81 ans) a presque des allures de conte de fées. Après l'école primaire, Ogi fréquente l'école de commerce, dirige brièvement l'office du tourisme de Meiringen, puis passe à la Fédération suisse de ski.

En 1972, il est célébré comme médaillé aux Jeux olympiques de Sapporo. En 1987, Ogi est élu au Conseil fédéral à l'âge de 45 ans. Son manque de formation académique devient un sujet de discussion dans certains médias. «Mon père m'a pris à part et m'a dit: si tu restes humble et que tu sers le peuple, ça marchera». Après son passage au Palais fédéral, Ogi devient représentant spécial pour le sport à l'ONU.

Il continue à s'engager pour le sport, est engagé avec sa fondation «Freude herrscht» (La joie règne) et est également président d'honneur de Swiss Olympic. Ogi est marié, sa fille Caroline dirige un hôtel en Valais. Son fils Mathias est décédé en 2009 des suites d'une grave maladie.

De l'école primaire de Kandersteg BE à l'un des conseillers fédéraux les plus populaires de tous les temps: La carrière extraordinaire d'Adolf Ogi (81 ans) a presque des allures de conte de fées. Après l'école primaire, Ogi fréquente l'école de commerce, dirige brièvement l'office du tourisme de Meiringen, puis passe à la Fédération suisse de ski.

En 1972, il est célébré comme médaillé aux Jeux olympiques de Sapporo. En 1987, Ogi est élu au Conseil fédéral à l'âge de 45 ans. Son manque de formation académique devient un sujet de discussion dans certains médias. «Mon père m'a pris à part et m'a dit: si tu restes humble et que tu sers le peuple, ça marchera». Après son passage au Palais fédéral, Ogi devient représentant spécial pour le sport à l'ONU.

Il continue à s'engager pour le sport, est engagé avec sa fondation «Freude herrscht» (La joie règne) et est également président d'honneur de Swiss Olympic. Ogi est marié, sa fille Caroline dirige un hôtel en Valais. Son fils Mathias est décédé en 2009 des suites d'une grave maladie.

La suite est plus terre à terre. «La maison de commune, c'est mon père qui l'a faite construire. Et tous les ouvrages de protection contre les avalanches là-haut sont aussi son œuvre». L'arrêt suivant. «Dans ce lotissement, j'ai réservé un appartement de retraite pour ma femme et moi. Et là derrière, il y a le Blüemlisalphorn. 3661 mètres de haut. C'est là que je suis monté pour la première fois à l'âge de onze ans.»

Le voyage se poursuit jusqu'à la Bahnhofstrasse. «Là-haut, au milieu du village, il y avait autrefois le tremplin de saut. Après l'atterrissage, la sortie menait directement à la place de la gare par un tunnel sous la ligne de chemin de fer. C'était unique dans le monde du ski! En neuvième année, j'ai été champion scolaire.»

Le père d'Adolf Ogi, qui a participé aux championnats du monde de combiné nordique en 1935, s'est également entraîné sur ce tremplin. Le trajet à travers le village passe devant la maison des parents d'Ogi. De l'autre côté de la rue se trouve son chalet, dans lequel sa fille Caroline a également un appartement. «Il y avait autrefois une écurie, c'est là qu'on soignait les ânes malades de l'armée pendant la Seconde Guerre mondiale et qu'on leur redonnait des forces», rigole Adolf Ogi. Puis le voyage s'achève près des quatre tremplins de saut à ski de Kandersteg. Un projet qui tient à cœur à l'homme, dont le bonheur se lit sur le visage à la vue des tremplins. 

Adolf Ogi, la Suisse est candidate à l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de 2030. Est-ce une bonne idée?
C'est une excellente idée. C'est le moment idéal. Les grandes tâches nous font grandir et nous n'évoluons pas si nous nous contentons d'administrer les affaires courantes. Nous devons nous présenter au monde. Nous sommes un pays de sports d'hiver qui vit aussi du tourisme hivernal. Et nous avons l'infrastructure, nous avons les hôtels, nous avons des transports publics qui fonctionnent. Bien sûr: le calendrier jusqu'en 2030 est intense! Mais c'est possible. Du point de vue des infrastructures, nous pourrions en effet organiser des Jeux olympiques d'hiver dès demain.

Mais le voulons-nous?
La situation de départ est parfaite. La Suisse peut jouer un rôle de pionnier. Loin du gigantisme! Retour à l'humilité et à la modestie! Avec une petite partie du budget des derniers jeux de propagande de Sochi et de Pékin. Le tout avec des infrastructures existantes et un concept qui soit durable et raisonnable. De nombreux sceptiques se sont tus après la présentation de l'étude de faisabilité. Mais il est clair qu'il faut maintenant parler aux gens et leur expliquer la philosophie de ces Jeux et l'idée olympique.

Laquelle?
Un monde meilleur et plus pacifique passe par la jeunesse. Les jeunes d'aujourd'hui sont les leaders de demain. Nous pouvons apporter une grande contribution dès maintenant. On ne peut pas toujours critiquer le gigantisme et baisser les bras. Il faut prouver qu'il est possible de faire autrement. Nous avons maintenant cette chance.

Le CIO est-il prêt à faire ce pas de géant pour revenir à la raison?
Cette voie est sans alternative. C'est pourquoi le CIO s'est aussi approché de la Suisse. Le Mouvement olympique doit également changer d'époque. Les Jeux Olympiques sont sur la sellette. Si le CIO ne reconnaît pas les signes du changement, plus personne ne pourra l'aider. On s'éloignera alors de plus en plus des gens et certaines nations risquent de faire sécession. Ce serait la fin de l'idée olympique.

Le retour à la raison est aussi une question existentielle?
Oui. Pas seulement pour le CIO. La FIFA aussi doit sortir du mode de crise. Maintenant, elle attribue la Coupe du monde à l'Arabie saoudite. C'est incompréhensible et cela va mettre certaines démocraties occidentales dans l'embarras.

«
En organisant de petits jeux raffinés au cœur des Alpes, la Suisse pourrait jouer un rôle historique sur le chemin du retour à la raison.
Adolf Ogi, ancien conseiller fédéral.
»

Il n'y a donc pas d'alternative aux Jeux olympiques d'hiver en Suisse?
Il y a encore de l'intérêt en Suède et en France. Mais la France a déjà les Jeux d'été l'année prochaine. Pour moi, c'est clair: le CIO doit donner ces Jeux à la Suisse. Et ce, sans directives ni exigences et avec les 710 millions de francs de participation aux coûts qui sont en jeu. On pourra alors financer ces Jeux avec un budget de 1,5 milliard, pratiquement sans argent du contribuable.

Vous craignez une votation populaire?
Non. Je pense qu'une majorité de la population voit davantage les opportunités que les risques éventuels. En organisant de petits jeux raffinés au cœur des Alpes, la Suisse pourrait jouer un rôle historique sur le chemin du retour à la raison.

Le CIO ne se laissera tout de même pas forcer la main par la Suisse?
Nous avons organisé les Jeux olympiques à Saint-Moritz en 1928 et 1948 dans des temps très difficiles. Le CIO a son siège en Suisse. Nous avons également exaucé presque tous leurs vœux durant mon mandat de conseiller fédéral. Juan-Antonio Samaranch m'a un jour promis en privé les Jeux de 2006 à Sion. Ce fut finalement à Turin. La déception est toujours palpable en Valais et en Suisse. Le CIO a une sorte de dette envers la Suisse.

Sion 2006 a été une défaite douloureuse pour Adolf Ogi.
C'était une défaite pour la Suisse, mais également pour moi. Elle a été très douloureuse. Mais je suis quand même devenu citoyen d'honneur de Sion. Le fait que je n'ai pas été élu au CIO par la suite n'a été qu'une défaite personnelle.

Le Comité olympique aurait-il évolué différemment avec Adolf Ogi?
C'est hypothétique. Je suis passionné de sport depuis mon plus jeune âge, j'aurais aimé faire ça à l'époque. Et je me dis que j'aurais pu faire bouger les choses.

Photo: Sven Thomann

La conseillère fédérale et ministre des sports Viola Amherd est-elle aussi animée par le sport et a-t-elle le dynamisme et le rayonnement nécessaires pour un tel projet olympique?
Ce n'est pas à moi de répondre directement à cette question. Ce que je constate toutefois, c'est que Mme Amherd, cheffe du DDPS, est actuellement très occupée par le D de la défense et le P de la protection de la population, avec tous les conflits armés dans le monde et quelques autres problèmes qui sont devenus des sujets de discussion dans son département. Il ne reste donc plus beaucoup de temps pour le S, c'est-à-dire pour le sport.

Le sport semble faire figure de parent pauvre au sein du DDPS. En raison de son importance économique et sociale, le sport ne devrait-il pas être un département à part entière au sein du Conseil fédéral?
Je suis convaincu qu'avec seulement sept départements, on ne peut plus guère faire face aux défis et aux charges de plus en plus complexes. D'autres pays ont aussi 15, 17 ou 19 ministres. Et ils ne sont pas plus bêtes que nous. On doit se demander si notre système gouvernemental est encore adapté à notre époque. Et peut-il résister à la concurrence internationale?

Si Mme Amherd ne peut pas être la locomotive de ce projet olympique à moyen terme, qui d'autre pourrait le faire? Adolf Ogi?
Si j'avais 20 ans de moins, l'intérêt serait grand. Mais j'ai 81 ans. Roger Federer serait une solution de choix qui aurait un grand impact. Mais il a toujours un emploi du temps très chargé. Bernhard Russi n'est plus tout jeune non plus. Les noms de Doris Leuthard et de l'ancienne conseillère aux États argovienne Pascale Bruderer ont également été évoqués. Mais moi, je vois bien qui ce devrait être.

Qui?
Urs Lehmann. Il est déjà, avec Mme Ruth Wipfli-Steinegger, la force motrice du projet. Lehmann a des compétences économiques, il a d'excellentes relations, y compris dans le monde politique, et il a très bien dirigé Swiss-Ski ces dernières années.

Ces jeux décentralisés doivent tenir compte du plus grand nombre possible de régions. Est-ce la bonne voie?
Oui. Ce sont des Jeux suisses qui doivent être soutenus par toutes les régions du pays.

Le canton de Berne recevrait éventuellement la cérémonie d'ouverture. En outre, Kandersteg pourrait accueillir le saut sur le tremplin normal et le combiné nordique. N'est-ce pas peu pour cette région?
Rien n'est encore gravé dans le marbre. Mais je peux imaginer que l'on doive encore discuter de classiques comme la descente du Lauberhorn ou le slalom géant d'Adelboden comme courses olympiques possibles. Et le fait que Kandersteg puisse entrer en ligne de compte est formidable. Kandersteg fait un énorme effort pour que le saut à ski et le combiné nordique ne meurent pas en Suisse. Ces dernières années, 900'000 sauts ont été effectués sur ces quatre tremplins. Des Jeux olympiques d'hiver en Suisse et à Kandersteg, la boucle serait bouclée pour moi. Ce serait le couronnement de mon engagement dans le sport.

Photo: Sven Thomann

Qu'est-ce qui vous fascine dans le saut à ski?
Il faut du courage, de la discipline. C'est une interaction fascinante entre le corps et les skis. Le sport est une bonne école de vie, le saut à ski est une extraordinaire école de vie.

En 2030, Adolf Ogi, 88 ans, sera au tremplin et Simon Ammann, 49 ans, sautera. Une belle image.
Un peu trop de rêverie. On peut se demander si Simon Ammann sautera encore à ce moment-là, car il est déjà une légende depuis longtemps. Quant à savoir si je serais alors encore là pour le voir, c'est aussi une question ouverte. Je dois être reconnaissant et heureux d'être devenu aussi vieux et d'être encore alerte mentalement et physiquement. Et que j'ai réussi, en tant que petit élève de l'école primaire de Kandersteg, à devenir conseiller fédéral en passant par le directeur de la fédération de ski.

Vous vous inquiétez de la mort?
Je suis prêt à partir. Bien sûr, ce serait bien si j'avais encore quelques années devant moi. En tant que croyant, je me préoccupe aussi de la mort. Et avec l'âge, de manière un peu plus intensive.

N'avez-vous jamais douté de votre foi?
Lorsque le bon Dieu nous a pris notre fils Mathias, j'ai eu des doutes. Je cherchais, je posais des questions et je n'ai jamais eu de réponse. Nous ne sommes pas les seuls parents à perdre un enfant. Mais ma femme, ma fille et moi ne nous en sommes jamais complètement remis.

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