A son apogée sportive, Jacques Lüthy (65 ans) était le pendant en ski alpin de Keith Richards. Comme le guitariste des Rolling Stones, le spécialiste de géant et de slalom de Charmey, dans le canton de Fribourg, naviguait constamment entre génie et folie.
«Jacques nous tournait régulièrement autour à l'entraînement, même s'il n'avait pas fermé les boucles de ses chaussures de ski», raconte Peter Aellig (68 ans, dixième du slalom des championnats du monde 1978), collègue de longue date de Jacques Lüthy en équipe nationale, qui dirige une exploitation agricole au pied du Chuenisbärgli, à 100 mètres à peine de la zone d'arrivée à Adelboden.
Il y a 42 ans, son ami Jacques Lüthy a écrit un chapitre particulier de l'histoire du ski au Chuenisbärgli, lorsqu'il s'est classé troisième du slalom géant derrière les deux Haut-Valaisans Pirmin Zurbriggen et Max Julen. C'est à ce jour le seul triplé que les hommes suisses ont pu célébrer lors d'un géant de la Coupe du monde. De plus, Jacques Lüthy, connu pour être le roi de la fête, est jusqu'à présent le seul Fribourgeois à avoir remporté une médaille en ski alpin aux Jeux olympiques - à Lake Placid en 1980, il a décroché le bronze derrière le Suédois Ingemar Stenmark et la star américaine Phil Mahre.
Diagnostic de choc à 61 ans
A l'occasion du 40e anniversaire de son exploit olympique en Amérique, la femme de Jacques Lüthy, Anne, a remarqué pour la première fois que quelque chose n'allait pas chez son mari bien-aimé: «Lors de l'interview avec Radio Fribourg, il a répondu de manière très étrange aux questions du journaliste».
La maladie ne vient pas de nulle part, puisqu'un cas d'Alzheimer avait déjà été diagnostiqué dans l'arbre généalogique de Jacques Lüthy. La famille était donc sensibilisée aux maladies du cerveau. «Même quand il devait écrire des choses, il en sortait parfois des choses bizarres», raconte Anne. Elle s'est alarmée, bien que Jacques ait toujours affirmé que tout allait bien. Mais en 2021, après un examen neurologique, il était clair que rien n'allait plus chez l'ancien héros du ski - Jacques Lüthy a reçu un diagnostic de démence frontotemporale. La même maladie dont souffre l'acteur américain Bruce Willis. Il s'agit d'une maladie neurodégénérative dans laquelle les cellules nerveuses de la partie antérieure du cerveau meurent. Cette maladie est incurable. De nombreux patients souffrent de troubles du langage.
«Il skie toujours aussi vite!»
«La maladie a d'abord été insidieuse. Lorsque le diagnostic a été posé, cela a été un choc», explique Anne Lüthy. «Mais Jacques a toujours été une personne positive, et il l'est encore aujourd'hui. Il se promène beaucoup seul, joue avec ses petits-enfants. Il n'a pas perdu sa joie de vivre. Même si, bien sûr, il a besoin de beaucoup d'aide au quotidien».
Mais il se souvient encore très bien de ses réussites, raconte Anne. «Il aime regarder les vieilles photos et les articles de journaux». Il n'a pas non plus perdu l'habitude de skier. «Nous allons souvent sur les pistes ensemble». La plupart du temps à Charmey, juste devant la porte d'entrée. «Tout autre domaine serait trop risqué. Il skie toujours si vite que je ne peux pas le suivre. Dans un grand domaine skiable, je le perdrais sans doute assez vite de vue», raconte-t-elle en riant.
Elle aussi n'a pas perdu sa joie de vivre malgré l'ampleur de la tâche qui l'attend avec Jacques Lüthy. «Nous essayons de ne pas trop nous faire de soucis. Nous prenons jour après jour et profitons des bons moments ensemble».
Un collègue coureur automobile se souvient du «fumoir»
La légende de la descente Dani Mahrer (63 ans, vainqueur de Kitzbühel en 1989) peut également confirmer que Jacques Lüthy, aujourd'hui âgé de 65 ans, a toujours profité pleinement de sa vie. «Lors d'un séjour de Coupe du monde à Whistler Mountain, au Canada, j'ai partagé une chambre double avec Gusti Oehrli. De la fumée de cigarette s'échappait constamment de la chambre voisine. Gusti et moi nous demandions toujours qui pouvait être ce fumeur compulsif dans la chambre d'à côté. A la fin de la semaine, j'ai vu par hasard Jacques Lüthy et son copain valaisan Joël Gaspoz sortir de ce 'fumoir'».