Il n’y a encore personne à ses pieds, mais la piste du Mont-Lachaux de Crans-Montana est bien là. Elle se dresse, majestueuse, dans cette après-midi de janvier pluvieux. Seuls quelques skieurs s’attaquent à cette étendue blanche épaissie par la pluie.
En bas, dans l’air d’arrivée des Barzettes, un seul bâtiment, vétuste. Ce sera le centre de presse lors des courses masculines de Coupe du monde, prévues les 22 et 23 février prochain. L’endroit tranche avec le luxe de la station valaisanne. «Ce bâtiment date de 1987, année où la piste a été skiée pour la dernière fois depuis tout en haut», rappelle Didier Défago devant les médias, réunis sur place ce mercredi.
En 2025, les coureurs partiront à nouveau depuis le plus haut point, le Bella Lui. Après le retour de la Coupe du monde féminine dans la station en 2012, ce sont donc les hommes qui s’élanceront cette année. Au programme, un Super-G et une descente, alors que des épreuves de Coupe d’Europe auront également lieu du 10 au 13 février.
Ces échéances ne sont toutefois qu’un point de départ. Crans-Montana accueillera encore les mêmes courses masculines en 2026, ainsi que des courses féminines. Mais l’apothéose, ce sera pour 2027 avec les Mondiaux.
Un travail de longue haleine
Le chemin est encore long. Pour le moment, on se félicite déjà du travail conséquent qui a eu lieu sur la piste pendant l’été. Les infrastructures ont été mises au goût du jour: câbles, fibre optique, niveau d’enneigement, mais aussi mise en place du filet de sécurité sur trois kilomètres, Didier Défago est satisfait: les préparatifs avancent bien. 5 à 10 personnes sont quotidiennement à l’œuvre sur la piste, elles seront 35 fin janvier, par ailleurs soutenues par l’armée. Avec la neige tombée pendant les Fêtes, il reste certes beaucoup d’entretien à mener, mais la qualité promet d'être au rendez-vous dans un peu plus d'un mois.
Du point de vue sportif, le tracé se veut très exigeant: «Avec d’abord un départ à plus de 2500 mètres et un panorama à couper le souffle sur tout le Valais, c’est ensuite un parcours très engagé, qui n’offre aucun répit», analyse Didier Défago. L’ancien skieur promet également du spectacle puisque quatre grands sauts jalonneront le parcours, dont certains à plus de 40 mètres.
Mobilité et sécurité
Au pied de la piste, la zone d’arrivée a été réaménagée. Près de 6000 personnes sont attendues dans l’aire principale. L’accès n’y sera ouvert qu’aux personnes en possession d’un billet. Les ventes se portent d’ailleurs bien puisque 95% des sésames ont été vendus pour la journée de samedi jusqu’à présent. Avec en outre 2000 personnes attendues sur les différentes Fan zones, des animations au centre de la station, qui elles seront gratuites, la fête promet d’être belle. Mais elle fait face à deux enjeux: la mobilité et la sécurité.
Ainsi, il faudra logiquement se coordonner avec la plaine: «Pour faciliter les déplacements sur le site, nous voulons faire de Sierre un véritable hub de mobilité», explique Daniel Bollinger, directeur des opérations. «Nous voulons que les gens laissent leur voiture en plaine et qu’ils utilisent les navettes mises en place ou le funiculaire pour monter. Cela participera également à l’expérience que les spectateurs pourront vivre, tout en régulant des enjeux de mobilité pour nous.»
Avec en outre la mise en place d’une nouvelle application mobile, d’un système de paiement sans cash et d’une Fan TV, la course prépare aussi son emballage en vue de 2027. C’est d’ailleurs là tout le sens que souhaitent donner les organisateurs aux événements de 2025 et 2026: deux tests grandeur nature qui pourront permettre d’ajuster les détails pour les Mondiaux. L’objectif y est d’ailleurs d’y faire venir encore davantage de spectateurs.
Construction dans la durée
«Crans-Montana 2027 est un événement unique, mais qui se construit dans la durée. Notre vision a vu le jour dès le retour de la Coupe du monde ici avec les femmes et elle se concrétise depuis», résume Didier Défago. L’objectif est aussi de mobiliser tous les partenaires, de bien séparer le travail pour remplir les exigences de la FIS (ndlr: la Fédération internationale de ski). Une collaboration qui demande l’intervention des communes, du canton et des remontées mécaniques. «Ça fait du bien de travailler avec des gens qui collaborent, qui connaissent leur travail. C’est un soulagement d’avoir des gens qui ont tout d’abord envie que les choses se passent bien», confie Nicolas Féraud, président de la commune de Crans-Montana et Vice-président de Crans-Montana 2027. Il faut dire que la décennie tumultueuse passée avec un certain Radovan Vitek à la tête des remontées mécaniques est encore dans tous les esprits.
La durabilité est désormais une vision partagée par tous les acteurs, afin que ces courses valaisannes apportent leurs fruits de longues années encore: «Il y a eu une prise de conscience de la FIS et de tous les acteurs ici: nous voulons réaliser quelque chose à taille humaine», reprend Didier Défago. «Quand on voit tout ce qui est mis en place, ça ne peut pas être une histoire de seulement deux semaines.»
Avec les nouvelles infrastructures construites, c’est toute la station qui pourra bénéficier d’installations de pointes pour les skieurs, tout au long de l’année. L’organisation aspire aussi à toucher la jeunesse: «Pour les jeunes skieurs déjà conquis, il s’agit de les motiver et de leur montrer qu’ils sont les acteurs de demain. Pour les autres, il s’agit de faire vivre des émotions, créer un spectacle, une expérience», confie l’ancien champion. Dans cet ordre d’idée, les écoles de la région seront par exemple invitées à assister aux entraînements prévus le vendredi avant la course. «Il faut que tout le Valais soit représenté», se projette Didier Défago.
Des oppositions inquiétantes
Mais avant d’en arriver là, il reste encore beaucoup d’obstacles à franchir. Vraie ombre sur ce tableau alléchant, les oppositions minent encore les plans des organisateurs. Selon les explications de Nicolas Féraud, 17 revendications écrites ont été formulées contre les constructions prévues dans la future aire d’arrivée de 2027. Celles-ci concernent principalement l’aménagement d’un hangar. Les organisateurs ont répondu favorablement à ces requêtes, mais la balle est en ce moment dans la main des opposants. Après plusieurs recours rejetés, notamment au Tribunal cantonal, ceux-ci envisageraient de recourir au Tribunal fédéral.
«On attend la suite, le timing est serré. Mais on est prêt», assure Nicolas Féraud. «L’objectif serait de commencer les travaux ce printemps. On a les contrats avec les équipes ou les entreprises, donc le plus tôt serait le mieux, évidemment.» Faut-il alors craindre que ces oppositions représentent un coût financier considérable pour la manifestation? Le président de la Commune balaie: «Non, ce sont des retouches cosmétiques qui sont demandées, sur un projet dont le coût est de 10 millions.»
«Un chaos maîtrisé»
Si les organisateurs restent sans nouvelles des opposants ou du Tribunal fédéral vers la mi-mars, il faudra rediscuter avec la FIS en vue des Mondiaux. Là aussi, on essaie de garder confiance: «La FIS n’est pas intéressée par les détails. Elle est claire. Elle demande qu’on l’informe de l’évolution de l’organisation des championnats du monde, ce que nous faisons», reprend Didier Défago. La fédération internationale de ski pourrait faire usage de sanctions en cas de contrariété. Mais quelles formes pourraient-elles prendre? «Seule la FIS le sait», répondent en chœur les organisateurs.
Si la ferveur de la Coupe du monde s’emparera de Crans-Montanana en 2025, rien n’est donc encore sûr pour 2027. «La pression est là, mais comme dans tous les domaines quand on organise quelque chose de la sorte», conclut Didier Défago. Pour Nicolas Féraud: «C’est un peu angoissant, mais 10 millions ont été investis dans le réaménagement de cette nouvelle piste nationale. C’est un nouveau départ, très motivant, mais nous avons aussi beaucoup de défis. C’est un chaos maîtrisé.» Les rires se font entendre dans la salle de presse, pour l'instant.