L’obligation de porter un airbag en compétition continue de diviser. Selon nos informations, la FIS a reçu pas moins de 40 demandes d’exemption, dont 16 émanant de la seule Autriche, où plusieurs skieurs de vitesse, hommes comme femmes, refusent de porter ce système. «En autorisant des exceptions, la FIS s’est décrédibilisée. Une obligation avec des dérogations, ce n’est plus une obligation», commente une source proche du dossier.
Face à cet afflux de demandes, la FIS exige désormais des explications détaillées pour justifier chaque cas. Mais elle reste dans une impasse: sans véritable base juridique, elle ne peut forcer les athlètes à porter cet équipement. Le secrétaire général de la FIS, Michel Vion, reste pourtant ferme dans ses déclarations: «La sécurité des athlètes passe avant tout. Elle n’est pas négociable.» Dans les faits, le règlement autorise cependant des dérogations «lorsque l’airbag ne convient pas à un athlète ou limite ses mouvements de manière non sûre».
Une technologie encore imparfaite
Cette marge de manœuvre profite notamment à des figures comme Dominik Paris (35 ans) et Vincent Kriechmayr (32 ans), qui ne devraient pas porter d’airbag lors de l’ouverture des épreuves de vitesse masculine à Beaver Creek début décembre. Leur refus n’a rien à voir avec des craintes de perte de vitesse, certains estimant même que l’airbag améliore l’aérodynamisme. Mais ils pointent un manque de confort et des craintes de déclenchements intempestifs.
Michelle Gisin (30 ans), elle, exprime un avis partagé par de nombreux athlètes: «Je ne suis pas contre l’airbag, mais je m’oppose à son obligation. Nous ne sommes pas encore prêts à garantir une meilleure protection dans toutes les chutes.» La double championne olympique avait d’ailleurs refusé de porter l’ancien modèle, où la cartouche de déclenchement était positionnée directement sur la colonne vertébrale. Mais grâce au nouveau modèle proposé par In&Motion, elle a changé d’avis et portera désormais l’airbag en compétition.
Un problème d’ajustement et de morphologie
Roland Assinger, entraîneur en chef des skieurs autrichiens, met en avant un autre problème : «L’airbag a été conçu pour les pilotes de moto, qui mesurent en moyenne 1,70 m pour 60 kilos. Ce n’est pas comparable à la morphologie d’un Vincent Kriechmayr ou d’une Lara Gut-Behrami». Les tailles disponibles – S, M et L – ne suffisent pas à s’adapter à la diversité des athlètes de ski.
Chez Swiss-Ski, sept demandes de dérogation ont été déposées, aussi bien pour des skieurs de Coupe du monde que de Coupe d’Europe. Si Marco Odermatt (27 ans) utilise l’airbag sans problème, sa compatriote Lara Gut-Behrami (33 ans) continue de s’en passer.
Une obligation mal pensée?
Charly Waibel, expert en sciences et technologies du ski, a travaillé au sein d’un groupe de réflexion de la FIS sur l’airbag entre 2011 et 2023. Pour lui, la réglementation actuelle est incohérente: «À l’époque, nous avions conclu qu’il ne fallait pas rendre l’airbag obligatoire. Cette exception intégrée au règlement prouve que la FIS a voulu forcer son introduction malgré tout.»
Avec l’ouverture des épreuves de vitesse à Beaver Creek, le débat autour de l’airbag est loin d’être clos. Si la sécurité reste une priorité, la mise en œuvre de cette obligation pose des questions qui risquent de hanter la saison.