Noè Ponti a de quoi se réjouir: il revient d'Asie avec le sourire aux lèvres. Entre Shanghai, Incheon et Singapour, le Tessinois a enchaîné les victoires en Coupe du monde. Il a établi au passage deux records du monde sur 50 m papillon et un record d'Europe sur 100 m papillon. Un jour après être rentré en Suisse, Noè Ponti a rejoint Macolin pour y accomplir l'école de recrues réservée aux sportifs d'élite. Il a accordé un entretien à Keystone-ATS.
Noè Ponti, quelles émotions retenez-vous de ces dernières semaines en Asie?
Cela a été une superbe expérience, l'une des meilleures de ma vie. Beaucoup de choses se sont passées, j'ai beaucoup gagné et battu des records. Des milliers d'émotions, je dirais! En plus, j'ai rencontré de nouveaux amis et connu énormément de gens. C'était juste super.
Vous vous êtes mesuré avec Léon Marchand et avez bien supporté la comparaison avec le quadruple champion olympique. Etre au niveau d'un tel champion, c'est ce pour quoi vous vous entraînez, non?
Cela aurait été mieux si cela avait aussi été le cas à Paris. Mais évidemment, ces dernières semaines ont fait du bien. Léon est en ce moment l'un des meilleurs athlètes du monde, pas seulement en natation. J'ai été très proche de lui, et on a même gagné une course ex-aequo. Pouvoir nager contre les meilleurs du monde, cela m'a procuré énormément de plaisir.
A Shanghai, lors de la première étape de Coupe du monde, vous avez directement battu le record du monde du 50 m papillon. Avez-vous immédiatement remarqué l'ampleur de l'exploit?
Je connaissais le record, parce que je pensais à ce chrono depuis un an, voire un peu plus. Je savais que cela pouvait arriver cette année. Quand j'ai tapé à l'arrivée, j'ai vu le temps de 21''67 s'inscrire sur l'écran. J'ai tout de suite pensé, ok super, record du monde!
Qu'un nageur suisse soit détenteur d'un record du monde, c'est quelque chose de très rare. Le dernier était Dano Halsall sur 50 m libre en 1985...
La pensée d'être en possession d'un record du monde et de pouvoir dire que je suis le plus rapide du monde sur cette distance, cela me semble effectivement un peu fou. C'est difficile d'exprimer par des mots ce qu'on peut ressentir: mon meilleur chrono constitue le record du monde. Wow, cela sonne très bien! Mais cela signifie aussi en même temps que je dois m'entraîner pour continuer à m'améliorer, car sinon les autres nageurs vont me reprendre le record.
Vous avez dit avoir pensé à ce record depuis plus d'un an. Pas tous les Suisses expriment de telles grandes ambitions.
On pourrait penser que la Suisse est un petit pays et n'a pas beaucoup de nageurs. Mais récemment, il y en a eu quelques bons parmi eux. Mais c'est clair: un Suisse qui bat un record du monde, cela n'arrive pas tous les jours, en fait presque jamais! C'est pourquoi je suis juste heureux d'avoir été l'un des premiers à le faire. J'espère que j'en battrai d'autres à l'avenir.
Vous avez ensuite battu votre premier record du monde 14 jours plus tard à Singapour, et nettement.
En conclusion de ces compétitions, j'ai nagé en 21''50. Cela a été une course parfaite. Au total, j'ai abaissé le record de 25 centièmes. C'est énorme sur un 50 mètres. Mais je pense que je peux aller encore plus vite.
Parce que vous ne vous êtes pas énormément entraîné avant ces compétitions automnales?
Je pourrais être en meilleure forme, oui. Avant la première étape de Coupe du monde à Shanghai, je n'avais repris l'entraînement que depuis trois ou quatre semaines. Après les Jeux olympiques, j'ai fait une pause d'un mois et demi.
Vous avez donc retrouvé les bassins aux alentours du 20 septembre?
Oui, et j'ai commencé en douceur avec un entraînement par jour. Les sensations dans l'eau ont été tout de suite là. Je ne m'étais pas fixé de grands objectifs pour la Coupe du monde, parce que je savais ne pas être dans une forme optimale. Mais pour la tête, cette longue pause a été très bénéfique. J'étais détendu avant les courses, sans aucune pression. On peut juste nager vite dans de telles conditions.
Vous évoquez la pression et le fait d'être détendu. Est-ce peut-être une des leçons que vous avez tirée de Paris?
Quand tu perds, tu apprends toujours quelque chose. Tu sais après que tu aurais pu faire mieux. La quatrième et la cinquième place (sur 100 et 200 papillon, ndlr), ce n'était pas ce que je voulais à Paris. Mais je pense que des milliers de sportifs signeraient pour obtenir un quatrième rang aux JO. Cependant, quand tu as déjà une médaille olympique (bronze sur 100 m papillon à Tokyo en 2021, ndlr), ton but n'est pas de finir quatrième. Tu veux gagner. Cela doit être ainsi, car sinon cela n'aurait aucun sens de continuer à nager. Et même si je n'ai pas atteint ce que je voulais à Paris, j'ai quand même très bien nagé.
Après les JO, quel bilan détaillé avez-vous tiré?
La pause a été importante et m'a permis de réfléchir à tout cela, En septembre, j'ai rencontré mes entraîneurs et on a parlé à coeur ouvert. Je leur ai dit ce qui n'avait pas fonctionné, selon moi, et ce qu'on pouvait améliorer. Ils ont eu les mêmes conclusions.
Concrètement, qu'allez-vous changer?
Lors des deux prochaines années, on va essayer quelques nouveautés à l'entraînement. On veut trouver de nouvelles incitations. L'objectif sera de déterminer avec précision ce qu'il faudra faire lors des deux ans avant Los Angeles 2028. Dans cette phase, il n'y aura plus de place pour des erreurs. Mais je pense qu'on aura le temps de faire des essais ces deux prochaines années.