«Je ne me sens pas moins bien, je n'ai pas perdu ma motivation de m'entraîner», assure à l'AFP ce multiple champion de Russie après le refus de la Fédération russe d'haltérophilie de se plier aux conditions fixées par le Comité international olympique pour laisser certains Russes concourir aux Jeux parisiens (26 juillet au 11 août).
Le CIO avait indiqué début décembre que des sportifs russes et bélarusses pourraient aller à Paris mais uniquement sous bannière neutre, et s'ils n'ont pas activement soutenu l'offensive contre l'Ukraine.
La Russie, déjà sportivement affaiblie par des années de sanctions anti-dopage, avait dénoncé des mesures «discriminatoires».
Le président de la Fédération russe d'haltérophilie Maxim Agapitov a lui, dans un commentaire écrit à l'AFP, jugé que le rendez-vous parisien n'était désormais «qu'un festival appelé de manière ridicule et malencontreuse Jeux olympiques».
Hymne et drapeau
Pour Oleg Musokhranov, «ce n'est pas grave» de rater cet événement sportif planétaire, martelant qu'il ne veut de toute manière participer à des Jeux que «s'il y a le drapeau russe. Et l'hymne».
«Pour un athlète, cela compte vraiment beaucoup le drapeau et l'hymne de son pays», insiste le sportif originaire de la région sibérienne de Kemerovo et que l'AFP a pu rencontrer lors d'une compétition fin janvier à Toula, à 200 km au sud de Moscou.
Quand le jeune homme monte sur la plateforme pour lever sa barre, c'est avec un regard espiègle et en dansant.
Une astuce, dit-il, pour «exercer une pression» psychologique sur ses rivaux. Quelques minutes plus tard, il remporte la Coupe de Russie d'haltérophilie dans la catégorie des moins de 61 kg.
«Je ne me fixais pas de grands objectifs pour ce tournoi, juste celui de gagner», affirme Musokhranov, en souriant.
Le jeune homme, qui a commencé avec les haltères en 2007, a découvert ce sport par hasard en attendant un ami à la sortie de ses entraînements.
Aujourd'hui détenteur de plusieurs records nationaux, il a remporté les championnats de Russie en 2018, 2020, 2021 et 2023.
Ses idoles, dit-il, sont le Russe Evgeny Chigishev, médaillé d'argent d'haltérophilie aux JO-2008 à Pékin, ou encore le Turc Halil Mutlu, triple champion olympique.
Mais lui ne peut se mesurer aux champions du moment, car à l'instar des JO, «c'est difficile de participer aux compétitions internationales», déplore Oleg Musokhranov, non sans un certain sens de l'euphémisme.
L'essentiel des sportifs russes sont exclus de la majorité des compétitions internationales en représailles de la décision de Vladimir Poutine de lancer une offensive en Ukraine le 24 février 2022.
«Mais nous avons les Coupes de Russie, les Championnats de Russie. Et l'année dernière, on nous a invités au Venezuela», note l'haltérophile, qui a remporté une médaille d'or à Caracas en avril 2023.
Beaucoup d'envie
Ce père de deux filles espère en tout cas encore avoir une chance d'aller à des JO: ceux de 2028 à Los Angeles. Et cela malgré son âge.
«Nous, les Russes, on ne jette jamais l'éponge», dit l'haltérophile, qui avait été suspendu pour trois mois en novembre 2013 pour violation des règles anti-dopage, avant de remporter une médaille d'argent au championnat d'Europe parmi les juniors en 2015 en Lituanie.
Mais «j'ai 28 ans, je vais en avoir 29 cette année. Beaucoup de sportifs mettent fin à leur carrière à cet âge-là», ajoute Oleg Musokhranov.
La carrière sportive d'un haltérophile «est courte», rappelle à l'AFP le président de la Fédération, Maxim Agapitov, jugeant «difficile» de rester au top pendant plusieurs années.
«Mais c'est possible», assure Maxim Agapitov, qui était devenu champion du monde à 27 ans dans la catégorie des moins 91 kg en 1997.
Pour Oleg Musokhranov, «tout dépend de ton organisme et de ton envie» de gagner.
«L'envie, j'en ai beaucoup. Et l'organisme n'a d'autre choix que de satisfaire mes envies», sourit-il.
(AFP)