Le peuple français va-t-il décider de changer son hymne? Mercredi soir, après la deuxième Marseillaise qui retentissait à l'intérieur de La Défense Arena, on aurait pu jurer que les «Marchons, marchons» s'étaient transformés en «Marchand, Marchand». La performance du jeune nageur français – Léon de son prénom – est en tout cas rentré dans l'histoire de la France, de la natation et des Jeux olympiques.
Trois. C'était le nombre de nageurs ou nageuses à avoir décroché deux titres olympiques dans la même journée en natation. Il a fallu dépoussiérer les archives pour retrouver les deux premiers: le Hongrois Alfred Hajos en 1896 et le Britannico-Australien Fred Lane en 1900. Pour la dernière, il s'agit de l'Est-Allemande Kornelia Ender (1976), dont les succès ont été entachés de tricherie. Autant dire que lors de la night session de ce mercredi, Léon Marchand s'attaquait à une montagne: l'Olympe.
Senti pousser des ailes au papillon
Sa première course – le 200 m papillon – a été agencée à 20h37. Pour la précision, oui, toutes les minutes comptent pour la récupération. Face au nageur de 22 ans, le monstre hongrois, Kristof Milak. Pour vous faire une idée, les cinq meilleurs chronos de l'histoire de la natation sur la discipline lui appartiennent. Ou plutôt, lui appartenait. Car avec son temps de 1'51"21, la pépite français est venue se glisser dans le classement, avec le quatrième meilleur 200 m papillon de l'histoire – un record olympique.
C'est dans la dernière longueur qu'il a fait la différence, lui qui s'est senti pousser des ailes, sans doute bien aidé par un public en folie extrême derrière son chouchou. Le soutien s'est fait ressentir bien au-delà de La Défense Arena. Au Grand Palais, la finale du sabre par équipes a dû même être interrompue car les gens dans le public se sont enflammés, sur leur téléphone, pour la natation. C'est dire le phénomène.
À tentative d'exploit historique, mesures historiques. Alors que les nageurs prennent l'habitude de faire le tour du bassin après avoir reçu leurs médailles, Léon Marchand s'est rapidement éclipsé dans les travées de l'enceinte. D'ailleurs, il n'a pas non plus pris part à l'habituelle (et normalement obligatoire) conférence de presse des médaillés. C'est bien normal.
«C'était une dinguerie»
Désormais, Léon Marchand allait devoir faire face à son plus grand ennemi: la fatigue. Moins de deux heures après avoir décroché l'or sur le papillon, le Toulousain était de retour sur le plot pour la brasse. À nouveau, il a été porté par le public. Des «ouais» extrêmement forts ont résonné dans l'enceinte à chaque fois qu'il sortait la tête de l'eau. Zac Stubblety-Cook et les autres adversaires ne pouvaient rien faire face à tout un peuple, guidé par son Poséidon. Un nouveau record olympique pouvait tomber et Léon Marchand exulter. Il l'a fait. En moins de deux heures, il a remporté deux titres olympiques.
Le Français exulte, frappe l'eau, sort du bassin et lève en l'air ses bras triomphants. La foule l'acclame. Le gladiateur a battu tous ses adversaires, même la fatigue. «J'ai essayé de prendre l'énergie que le public me donnait», avoue-t-il après sa deuxième finale. Car après sa deuxième médaille d'or, c'était un retour à la normale à La Défense. Léon Marchand a pu prendre un bain de foule bien mérité, puis se rendre devant les journalistes. «C'était une dinguerie», lâche-t-il pour ses premiers mots. Léon Marchand a beau désormais être un dieu de l'Olympe, il reste une personne normale de 22 ans, avec un langage comme les gars de son âge.