Il n'existe, en réalité, que deux manières d'estourbir un lion dans sa tanière, quand on n'est pas équipé d'un fusil de chasse s'entend. La première est de faire le mort, en espérant que le fauve joue l'indifférence, s'endorme et se laisse piéger. L'autre est d'y aller frontalement, le sabre en avant, l'inconscience en bandoulière. Fribourg, ce samedi à la SwissLife Arena, a opté pour la deuxième option: des grandes baffes dans la gueule du félin d'entrée et advienne que pourra. Le courage, le vrai.
Les fans de Gottéron y croyaient dès le début
Avant-dernier, Fribourg, vraiment? En panne de confiance, les joueurs de Pat Emond? Sans doute, oui, mais ils ont eu la bonne idée de ne pas le montrer au leader zurichois et les 320 supporters venus d'Autigny et région à Altstetten ce samedi soir ont montré à leurs joueurs qu'eux aussi y croyaient et que la médiocrité était une réalité ponctuelle, pas une fatalité. Pour accompagner ces vaillants chasseurs de Lions, les fanatiques de la Sarine ont ainsi entonné dès l'entame du match un vibrant «On la veut, on l'aura, la victoire de Gottéron», un chant qui se voulait de soutien et, pourquoi pas, prophétique.
Chaque supporter de Gottéron y croyait-il vraiment, au plus profond de son âme, à cette victoire sur la glace du champion de Suisse en titre? Toutes et tous répondront oui, bien sûr, mais que ce soit vrai ou non, que leurs joueurs aient entendu l'encouragement à travers leur casque ou pas, toujours est-il que les Fribourgeois, ceux avec des patins aux pieds, ont tout fait pour que ce chant liturgique de leurs compatriotes, ceux avec des bières à la main, devienne un cantique de victoire. La preuve par les chiffres, pas par les mots: après quinze minutes, Fribourg menait 6 tirs à 1, 1 but à 0! Les Lions, eux, ressemblaient surtout à des chatons sans griffes, domptés à grand coups de fouets sur les omoplates. Le but? Un travail énorme de Killian Mottet, coeur de lion dans un corps de dragon, qui a pu servir Raphaël Diaz dont le tir a transpercé Simon Hrubec (16e, 0-1) pour son premier but de la saison! Voilà Gottéron qui était devant au score, de manière amplement méritée qui plus est!
Reto Berra? Pas vu!
Reto Berra de l'autre côté? Pas vu. A se demander même s'il était là et ce ne sont pas les attaquants zurichois qui se sont chargés d'apporter la réponse, eux qui étaient trop occupés à se dépêtrer de l'emprise de ces Fribourgeois qui ont eu le culot de ne pas venir en victimes se faire dévorer dans l'antre de ces miteux Lions. Le gardien fribourgeois voyait donc tout ce joyeux bazar d'assez loin, ma foi, ce qui a tout de même dû le surprendre un peu. A-t-il profité de son temps libre pour se remémorer les statistiques et se dire qu'il s'agissait d'une belle soirée pour les bousculer? Si oui, le portier de Gottéron aura sans doute remarqué que Zurich avait gagné... ses neuf matches de National League à domicile cette saison!
La seule défaite des hommes de Marc Crawford a eu lieu contre Red Bull Salzbourg en Champions Hockey League et les plus taquins en auront sans doute tiré comme conclusion que, pour venir gagner à Altstetten, il suffit d'avoir des ailes, qu'elles proviennent de canettes énergisantes ou de la mythologie dragonienne, pour autant que ce mot existe.
Ce qui existait bel et bien, en tout cas, et n'avait rien d'usurpé, était donc la situation au premier coup de sirène: un but d'avance pour Julien Sprunger et ses coéquipiers sur la glace du leader!
La question la plus brûlante était évidemment celle-là dans les couloirs de cette impressionnante (et un peu sombre) SwissLife Arena à la pause: ces Lions pouvaient-ils se laisser gifler sans rien faire? La réponse était évidemment négative, et le capitaine Patrick Geering a probablement demandé à ses coéquipiers d'en faire un peu plus, au moins le minimum, ce qui était visiblement trop demander durant les vingt minutes initiales. Fribourg était prévenu, le réveil du Lion pouvait être douloureux, et les cadavres fumants des neuf précédentes victimes, alignés sans discontinuer depuis le début de la saison, étaient là pour le prouver.
Alors, il fallait être encore plus brave, encore plus courageux! L'exemple, Killian Mottet, encore lui, l'a apporté, en se couchant sur un puck, visage en avant, à la 26e, comme pour bien montrer à ces Zurichois que s'ils voulaient l'emporter, ils allaient devoir se battre. Non, Fribourg n'allait rien donner, surtout pas son but d'avance!
Gottéron, énorme à 5 contre 5, miteux à 5 contre 4!
Mais voilà, l'âme humaine a ses limites, la vilaine, et le moindre relâchement mental n'est pas permis dans cette patinoire où flottent tellement de bannières de «Schweizer Meister» que le ciel semble s'assombrir dès que le regard s'élève, ce qui n'a jamais été un problème à Saint-Léonard.
Il a en effet fallu, triste destin, que Fribourg joue à 5 contre 4 pour commettre sa première erreur du match et encaisser l'égalisation dans la foulée! La fonction de chasseur de lions a ses règles: ne jamais baisser la garde, car même si l'animal semble mal en point, il peut toujours frapper tant qu'il n'est pas mort et si la peau de l'ours ne doit pas être brûlée avant d'être tuée, ou quelque chose du style, le proverbe vaut aussi visiblement pour les fauves.
La première pénalité du match est ainsi survenue à la 29e, pour un crosscheck de Dean Kukan, et elle a été fatale à celui qui devait en tirer avantage. Direction le banc pour l'international suisse des ZSC Lions, mais Fribourg, loin d'en profiter pour prendre deux buts d'avance, a en effet commis une perte de puck atroce à mi-glace. Vinzenz Rohrer a tout compris avant tout le monde et s'en allé tromper Reto Berra, juste avant la mi-match (30e, 1-1). Le kop zurichois s'est alors rappelé qu'un match de hockey se déroulait sous ses yeux, lui dont les membres avaient visiblement confondu leur début de soirée à la patinoire avec la visite de la bibliothèque municipale d'Altstetten, en tout cas jusqu'à cette égalisation.
Un arrêt spectaculaire et quelques châtaignes
Fribourg était sonné, mais repartait à l'assaut, lames en avant, coeur vaillant. A la 36e, une nouvelle pénalité était prononcée pour les Zurichois (surnombre sur la glace), ce qui aurait pu sembler comme une bonne nouvelle dans un autre contexte, mais sonnait surtout comme un nouveau danger pour ces Dragons meilleurs à 5 contre 5 qu'avec un homme de plus en ce samedi. Ils ont cependant eu la bonne idée de ne pas encaisser de but, cette fois, à défaut d'en marquer un.
Et alors que tout semblait plutôt bien aller pour Fribourg, Raphaël Diaz s'est à son tour retrouvé sur le banc (première pénalité contre Gottéron, 38e) et il a alors fallu un miracle de Reto Berra, jambière gauche, face à Juho Lammikko, pour laisser le score à 1-1. Ouf!
La pause arrivait donc à temps pour les Dragons, mais Chris Baltisberger et Christoph Bertschy avaient visiblement encore des choses à se dire de près, eux qui se sont donnés rendez-vous pour faire plus ample connaissance autour d'une bière, ce qui donnait également l'occasion aux deux kops de se souhaiter la bonne année et Joyeux Noël, avec un peu d'avance cela dit. Deux minutes de pénalité pour chacun des deux hommes, voilà le cadeau du corps arbitral pour ce divertissement et ces caresses respectives. Le Totomat indiquait lui 1-1 à la pause.
Lucas Wallmark manque le puck de match
Le troisième tiers voyait les ZSC Lions monter encore en intensité, eux qui ne voulaient surtout pas d'un scénario autre que celui qui les verrait prendre les trois points. L'affaire devenait dès lors sérieuse et Gottéron ne pouvait pas se permettre de reculer face à ce Lion qui devenait chaque minute un peu plus grand et terrifiant. Les Fribourgeois ont fait face et la pénalité contre Chris Baltisberger à la 49e leur a offert, horreur, une nouvelle supériorité numérique de laquelle ils ont de nouveau fait n'importe quoi ou presque, vu que Vinzenz Rohrer, encore lui, toujours lui, s'est procuré une immense occasion dix secondes plus tard! Reto Berra disait non, heureusement, car la vergogne d'encaisser un deuxième but en infériorité numérique dans la même soirée se serait faite ressentir jusqu'à l'autre bout de la Suisse.
Dans la foulée, Julien Sprunger, qui voyait bien que son équipe était meilleure à égalité numérique, se sacrifiait et allait s'asseoir sur le banc des pénalités, ce qui permettait aux deux équipes d'être à quatre et donc à Fribourg d'être bien meilleur, constat fou et incroyable mais vrai. Lucas Wallmark est ainsi passé tout près d'inscrire le but de la victoire à la 51e après un décalage merveilleux de l'artiste Marcus Sörensen. Quel dommage! Le score en restait ainsi à 1-1 après 60 minutes, malgré une nette domination fribourgeoise en fin de match. Prolongations!
Une prolongation haletante
Alors, un point ou deux pour les téméraires Sarinois à trois contre trois, eux qui étaient les meilleurs à cinq contre cinq? La prolongation a été passionnante à suivre, Fribourg se retrouvant même à quatre contre trois après une pénalité infligée à Yannick Weber. La première occasion a cependant été pour... Zurich, évidemment, mais Reto Berra était attentif. La suite, quand même, a été un long siège du but de Simon Hrubec, qui a tenu bon (quels arrêts!} et a envoyé les deux équipes au tir au but juste après une ultime frayeur et un sauvetage énorme de Reto Berra après 64 minutes et 59 secondes juste devant le kop zurichois! Quel suspense et quelle belle soirée de hockey sur glace! L'égalité était d'ailleurs parfaite pour ce qui est des envois respectifs sur les cages des deux portiers (24-24), mais l'impression visuelle était nettement en faveur de Fribourg, qui pouvait s'estimer mal payé sur l'ensemble de la rencontre.
Vinzenz Rohrer offre un point de plus à Zurich
Ils ne sont d'ailleurs remontés dans leur bus qu'avec un point, pour lequel ils auraient cependant signé en début de soirée, très probablement, mais pas au vu du déroulement de la rencontre. Christoph Bertschy, Lucas Wallmark (poteau droit), Marcus Sörensen, Julien Sprunger (poteau gauche) et Killian Mottet n'ont en effet pas réussi à tromper Simon Hrubec, tandis que Vinzenz Rohrer, décidément le méchant de la soirée, a été le seul à inscrire son tir au but de l'autre côté. Le hockey est beau, mais il peut être cruel. Il l'a été ce samedi soir pour ces vaillants chasseurs de lions, qui rentrent sans la peau de l'animal, mais avec une bonne dose de confiance en plus. C'est sûr, les Dragons repartent de Zurich avec plus de certitudes et plus forts qu'ils n'y sont arrivés.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | ZSC Lions | 19 | 19 | 40 | |
2 | HC Davos | 21 | 21 | 40 | |
3 | Lausanne HC | 21 | 8 | 40 | |
4 | SC Berne | 22 | 15 | 36 | |
5 | EHC Kloten | 21 | 2 | 33 | |
6 | EV Zoug | 21 | 14 | 33 | |
7 | EHC Bienne | 21 | 0 | 32 | |
8 | Rapperswil-Jona Lakers | 21 | -4 | 31 | |
9 | HC Fribourg-Gottéron | 21 | -9 | 27 | |
10 | SCL Tigers | 19 | -3 | 25 | |
11 | HC Lugano | 19 | -13 | 25 | |
12 | HC Ambri-Piotta | 19 | -12 | 24 | |
13 | Genève-Servette HC | 17 | -3 | 22 | |
14 | HC Ajoie | 20 | -35 | 15 |