Le 22 novembre dernier, Damien Brunner a disputé son dernier match professionnel. Le Zurichois du HC Bienne a patiné durant une douzaine de minutes et, ce soir-là, son corps a dit stop. Deux mois après cette dernière sortie, l'attaquant au No 96 a annoncé qu'il ne serait plus en mesure de porter les couleurs du HC Bienne, lui qui était probablement en train de disputer sa dernière saison professionnelle à 38 ans. Devant un parterre de journalistes et sa femme, la beachvolleyeuse Nina, il a pris le temps d'expliquer le cheminement qui l'a mené à arrêter.
Damien, tu arrives à nous expliquer comment se sont déroulés ces derniers jours?
Les émotions ont été à fleur de peau. Avant-hier (ndlr jeudi), c'était une journée très difficile. je me suis replongé dans toute ma carrière et j'ai regardé des vidéos de mon passé. Beaucoup d’images m’ont traversé l’esprit, et ce flash-back était à la fois triste et émouvant. Vendredi, en revanche, ça a été différent. J’ai reçu un torrent de messages de personnes de tous horizons — des coéquipiers, des amis, des connaissances — et je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Mais c’était des larmes de gratitude. En quelque sorte, c’était libérateur d’annoncer publiquement ma décision. Cela me fait mal d'arrêter, mais je peux dire que je suis en paix avec moi-même et avec cette décision.
Cette décision a-t-elle été difficile à prendre?
Oui, très. En novembre dernier, j’avais déjà eu un échange avec notre coach. Mon corps ne suivait plus. Je ressentais des douleurs constantes, et une blessure à la hanche m’a fait réaliser que ça devenait presque impossible. Malgré tout, j’ai essayé de revenir. J’ai suivi des programmes intensifs, mais à chaque fois, une nouvelle blessure apparaissait. Le jour de mon dernier match contre Zoug, j’ai joué sous antidouleurs juste pour ressentir une dernière fois ce que c’était d’être sur la glace. En rentrant chez moi, j’ai appelé mon frère et je lui ai dit: «Je crois que c’était mon dernier match.» Au fond de moi, je crois que je savais.
Penses-tu que ton corps t’a envoyé un message clair?
Absolument. J’ai une maladie chronique de l’intestin, une colite, qui complique beaucoup la vie d’un athlète professionnel. Avec le temps, les périodes de récupération devenaient de plus en plus longues. Cela a entraîné des problèmes musculaires récurrents. Mon corps était tout simplement à bout.
Tu n’as pas pu faire tes adieux sur la glace, ce qui doit être frustrant pour un joueur comme toi.
Oui, c’est triste, je ne vais pas le nier. Mais j’ai parlé avec Gerry Büsser (ndlr le médecin des Zurich Lions), et il m’a vraiment aidé à accepter la situation. Il m’a dit qu’il valait mieux partir avec les bons souvenirs plutôt que de forcer un dernier moment qui pourrait tout gâcher. C’était le bon conseil.
Quels sont les souvenirs les plus marquants de ta carrière?
C’est difficile d’en choisir quelques-uns, il y en a tellement. Mais je dirais que les moments passés dans les équipes juniors restent parmi les plus précieux. On jouait juste pour le plaisir, sans la moindre pression. Plus tard, il y a eu des matches incroyables, comme ceux en NHL, ou les moments partagés avec mes coéquipiers à Bienne, Lugano et Zoug. Ces souvenirs sont gravés en moi.
Regrettes-tu de ne pas avoir remporté de titre de champion suisse?
Oui, un peu. En grandissant à Kloten, mes idoles avaient gagné quatre titres d’affilée, et je rêvais de faire pareil. Mais quand je regarde en arrière, j’ai vécu tellement de choses extraordinaires que je n’aurais jamais imaginées. Le sport m’a offert plus que ce que je pouvais espérer.
Si Bienne remporte le titre, tu seras champion, non?
(rires) Non, je ne pense pas. Ce n'est du moins pas comme cela que je vois le sport.
Tu parles beaucoup de Bienne. Qu’est-ce que ce club représente pour toi?
Ce club a été une bouée de sauvetage pour moi. Quand j’ai signé, j’étais encore blessé. Ils m’ont donné le temps et l’espace de me reconstruire, physiquement et mentalement. Le club est dirigé avec une incroyable sérénité, de haut en bas, et cela se ressent dans l’équipe. J’aurais difficilement pu trouver un meilleur environnement. Au moment où je prends la décision de venir ici, je prends la meilleure décision possible. Au moment de décider, ma maman m'a donné le feu vert parce qu'elle trouvait le directeur sportif sympa (rires).
Une dernière question: que dirais-tu à un jeune Damien Brunner qui commence sa carrière?
Je lui dirais de savourer chaque moment, de ne pas se laisser submerger par la pression. Le hockey est un sport magnifique, mais il passe tellement vite. Si j’avais su à quel point ces moments étaient précieux, je les aurais encore plus savourés. Ce sont ces années à jouer durant la pause de midi avec mes copains qui me manquent. On jouait à 3 contre 3, 5 contre 5 ou peu importe. Nous étions insouciants et c'est ainsi que j'ai voulu jouer le plus possible.
C'est justement l'impression que tu donnais. Cette insouciance, comment l'as-tu vécue?
Quand j’étais enfant, j’étais comme une éponge. Mon père disait souvent que j’étais une «photocopieuse». Si je voyais un joueur sur la glace faire un mouvement, je l’étudiais et j’essayais de le reproduire, encore et encore. J’ai eu la chance d’avoir un papa qui avait beaucoup de connaissances et qui m’a poussé à explorer d’autres sports, ce qui m’a permis de développer tout mon corps. Mais ce qui semble naturel ou facile à regarder, c’est en fait le résultat de milliers d’heures de répétition. Je me souviens que, quand j’ai commencé à jouer en juniors, on me disait que mon tir n'était pas assez puissant. Alors, je me suis acharné. Je passais mes après-midi et mes soirées à tirer, encore et encore, jusqu’à en faire une force. En revoyant récemment des vidéos de mes moments forts, que ce soit à Zoug, Lugano, en NHL ou à Bienne, je me suis rendu compte à quel point ces mouvements, ces buts, étaient ancrés en moi grâce à ce travail. Tout vient de la persévérance et de la répétition. Est-ce que cela m'a rendu insouciant de travailler autant? Possible.
Tu as l'air d'aimer profondément ce sport. Du coup, quelle est la suite pour toi? Envisages-tu de rester dans le hockey?
Pour l’instant, je laisse tout cela de côté. Je vais prendre le temps de réfléchir. Mais j’aime ce sport et il a été toute ma vie. Si je peux contribuer d’une façon ou d’une autre, que ce soit en tant qu’entraîneur ou autre, pourquoi pas? Mais je ne veux rien précipiter.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | Lausanne HC | 42 | 25 | 82 | |
2 | ZSC Lions | 38 | 36 | 75 | |
3 | EV Zoug | 42 | 32 | 74 | |
4 | SC Berne | 43 | 15 | 72 | |
5 | EHC Kloten | 43 | -8 | 68 | |
6 | HC Davos | 40 | 18 | 66 | |
7 | HC Fribourg-Gottéron | 42 | -3 | 63 | |
8 | SCL Tigers | 42 | 2 | 59 | |
9 | EHC Bienne | 41 | -1 | 57 | |
10 | Rapperswil-Jona Lakers | 42 | -11 | 57 | |
11 | HC Ambri-Piotta | 42 | -18 | 55 | |
12 | HC Lugano | 41 | -16 | 54 | |
13 | Genève-Servette HC | 40 | -11 | 51 | |
14 | HC Ajoie | 42 | -60 | 37 |