Martin* n'en revient toujours pas. En novembre dernier, ce supporter de Fribourg Gottéron a reçu un courrier recommandé à la maison. Son contenu? Une lettre avec l'en-tête du HC Bienne lui signifiant une interdiction de stade pour toutes les rencontres de football et de hockey nationales et internationales et dans toutes les ligues. La durée de la sanction: deux ans, soit du 29 octobre 2024 au 28 octobre 2026. «J'ai d'abord cru à une blague, remarque-t-il. Je ne comprenais vraiment pas ce qui se passait.»
Pour quelle raison est-il sanctionné? Selon la missive seelandais, il s'agit «d'instigation ou d'appel à la violence». Le club biennois détaille ainsi les faits qui sont reprochés au supporter des Dragons: «Dans le cas présent, Martin est accusé d'avoir commis les actes suivants, le 29.10.2024, entre 22h15 et 22h20 à Bienne, Boulevard des Sports 18, TISSOT Arena: Inciter à la violence en mettant des gants noirs et appeler à la violence contre les supporters biennois par ses gestes.»
La comparaison avec le football
Philippe Renz, l'avocat du Fribourgeois, dénonce l’aberration d’une telle sanction. «De tels gestes de provocation, sans aucun contact physique, sont sanctionnés en football par un simple avertissement. Et même souvent par rien du tout, car des provocations, il y en a à longueur de match entre les clans de supporters. En football, vous écopez de 2 ans d’interdiction seulement si vous êtes impliqué dans une rixe ou une émeute».
«Mais ce n'est que le début de l’histoire», précise Philippe Renz. Car si la sanction est lourde pour Martin, il y a un «détail» qui semble avoir échappé au service de sécurité du HC Bienne. «Mon client n'était pas au match.» Martin rigole à moitié de cette situation ubuesque: «C'est un scandale! Dans un premier temps, j'ai écrit au club et n'ai même pas obtenu d'accusé de réception. Ce n'est qu'après l'intervention de mon avocat que les choses ont enfin bougé.» Et cela a évolué rapidement. «L'après-midi même, je recevais un appel tout désolé de la part de la sécurité de Bienne pour me dire que la sanction était levée.»
Frais d'avocat à sa charge
Martin a eu de la chance d'avoir plusieurs preuves de sa bonne foi puisqu'il avait annoncé par écrit ne pas être présent à ce match. «Preuves que je n'ai pas pu donner avant la sanction puisqu'on ne m'a jamais rien demandé», poursuit-il. Si le cas administratif est réglé, il n'est, pour lui, pas encore terminé. «Pour l'heure, j'ai des frais d'avocat à payer, remarque-t-il. J'aurais compris que Bienne me dise qu'ils ont fait une erreur et que les frais seraient à leur charge. Cela peut arriver à tout le monde. Mais là, c'est comme si c'est moi qui devais payer pour leur négligence. Ce n'est pas normal et nous parlons tout de même de plusieurs centaines de francs. Ce n'est pas rien.»
Son avocat, Philippe Renz, se réfère au catalogue de sanctions de l’Association suisse de football (ASF) qui prévoit un régime de sanctions très clair allant d'un simple avertissement à trois ans de suspension de stade, et tenant compte du principe de la proportionnalité. «Or rien de tout ça en hockey sur glace», s’insurge-t-il, lui qui exige que la Fédération suisse de hockey sur glace, la SIHF, en fasse de même, pour «en finir avec les sanctions absurdes fondées sur un règlement ordre et sécurité du sport d’élite qui est non seulement obsolète, mais également arbitraire, illicite et inapplicable sous plusieurs angles.»
Un cas qui embête forcément Daniel Villard, CEO du HC Bienne: «C'est clairement une erreur et lorsque celle-ci a été constatée, nous avons immédiatement retiré la sanction.» Mais comment expliquer qu'une personne présente à Schmitten soit interdite de stade pour des actions présumées à Bienne? «Nous avons obtenu son signalement par la police fribourgeoise qui nous a dit l'avoir reconnu, précise le dirigeant seelandais. C'est sûr que cela ne devrait pas se produire et nous ne sommes pas satisfaits de ce cas embêtant. Traditionnellement, les fans qui commettent des actes répréhensibles sont repérés sur le moment et leur identité est consignée, ce qui n'a pas été le cas ici. C'est une erreur.»
Ce cas est, selon l'avocat, une preuve de la légèreté biennoise et d’un système d’interdictions de stade incohérent. «La décision a été prononcée sans que les faits aient été instruits au préalable. Si le club avait entendu la personne sur place, il se serait rendu compte de son erreur.» précise-t-il. Or le règlement de la SIHF ne prévoit aucun droit d’être entendu, ni d’ailleurs de voie de recours. «Vous pouvez ainsi être condamné à tort, ou de manière totalement disproportionnée, sans pouvoir vous défendre. C’est la porte ouverte à tous les abus.»
Un autre cas le même soir
Si l’interdiction de stade de Martin a finalement été levée comme nous l'a confirmé Daniel Villard, tel n’est pas le cas de celle de Franck*, un autre supporter de Fribourg Gottéron qui a écopé de deux ans d'interdiction de stade le même soir que Martin pour «instigation ou d'appel à la violence». «Mon client n'a pas été entendu non plus dans cette affaire et il réfute les faits, précise Philippe Renz, également en charge de ce dossier. Le HC Bienne a produit uniquement trois photos où on le voit gesticuler sur une barrière, mais il n’a amené aucune preuve d’un comportement répréhensible».
Pour Daniel Villard, ce cas est plus clair. «En raison de la protection des données, je ne peux pas en dire davantage sur les raisons précises, mais le supporter de Fribourg a été notifié sur le moment que son comportement dans le secteur visiteur n'était pas adéquat. Nous avons eu plusieurs échanges de lettres avec son avocat à ce sujet, mais pour moi l'affaire est close et je ne comprends pas l'intérêt de s'éterniser.»
Excédé par le comportement du HCB, Philippe Renz a alors demandé à avoir accès aux dossiers d’interdiction de stade de Martin et de Franck, afin de pouvoir faire toute la lumière sur les pratiques du HC Bienne «qui n’est pas à son coup d’essai en la matière». Or, il nous confie s'être heurté à un refus puis à des silences.
Nombreuses interpellations
Ces faits, il les a alors dénoncés à la Commission ordre et sécurité (COS) de la SIHF et de la National League. Lesquels ont alors, aux dires de l’avocat, «tenté d’enterrer toute cette affaire afin de protéger le HC Bienne, par le biais d’un immense conflit d’intérêts, précise-t-il. Le président de la COS, qui devrait intervenir lorsqu’un club déraille dans ses pratiques, est en même temps salarié des clubs de la National League qu’il est censé remettre à l’ordre, vous voyez le problème?»
Le conseil d’administration de la SIHF et de la National League, qu’il a ensuite interpellé sur le sujet, ont botté en touche, raison pour laquelle Philippe Renz a décidé de prendre les gros moyens. Il indique ainsi avoir déposé une plainte pénale dans toute cette affaire, puis une dénonciation auprès notamment de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), de Fedpol et de Swiss Sport Integrity, pour que les choses bougent.
Coup de pied dans la fourmilière
Son but? «Mettre fin à la zone de non-droit qui mine le système des interdictions de stade dans le domaine du hockey sur glace et s’attaquer à sa cause première, la gouvernance de SIHF et de la National League qui déraille depuis des années.» Il poursuit en indiquant que parmi toutes les mesures à prendre, «la COS doit être réorganisée, car avec ses conflits d’intérêts, elle ne devrait plus pouvoir exercer son activité actuellement et c’est un gros problème. Et un droit d’être entendu et une voie de recours doivent être accordés sans délai aux personnes mises en cause, le temps que le règlement ordre et sécurité soit complètement réformé, sur le modèle de ce qui se fait en football.»
Ce match Bienne - Fribourg va-t-il déboucher sur tous ces changements? Philippe Renz pense qu’il n’y a pas le choix. Les exemples à son actif, qui dépassent largement le cas biennois, ne font que renforcer sa position. Un avis que ne partage pas forcément Daniel Villard: «Nous avons eu quelques cas problématiques cette année, précise-t-il. Il y a d'ailleurs encore une histoire en cours avec Fribourg pour des fumigènes lors de leur dernier match. Mais nous avons également eu des soucis avec Ambri ou Berne. Mais la situation dans le hockey sur glace n'est en rien comparable au football. Oui, il y a des problèmes, mais généralement, cela se passe bien.»
* noms connus de la rédaction
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | Lausanne HC | 50 | 32 | 98 | |
2 | ZSC Lions | 48 | 37 | 89 | |
3 | SC Berne | 50 | 24 | 88 | |
4 | EV Zoug | 49 | 35 | 83 | |
5 | HC Davos | 49 | 16 | 80 | |
6 | HC Fribourg-Gottéron | 49 | 3 | 77 | |
7 | EHC Kloten | 49 | -16 | 73 | |
8 | SCL Tigers | 49 | 6 | 70 | |
9 | EHC Bienne | 49 | 0 | 68 | |
10 | HC Ambri-Piotta | 50 | -15 | 68 | |
11 | Rapperswil-Jona Lakers | 49 | -16 | 65 | |
12 | Genève-Servette HC | 49 | -13 | 63 | |
13 | HC Lugano | 49 | -26 | 60 | |
14 | HC Ajoie | 49 | -67 | 46 |