Retour au monde amateur
Gary Sheehan: «Je ne voulais pas rester chez moi les bras croisés»

L'ancien entraîneur du HC Ajoie a retrouvé un travail en troisième division, à Franches-Montagnes. Un choix de carrière qui en a surpris plus d'un. «Tout le monde n'aurait pas accepté de prendre un tel risque», remarque Gary Sheehan dans une interview pour Blick.
Publié: 09.11.2023 à 07:51 heures
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Dernière mise à jour: 09.11.2023 à 13:41 heures
Gary Sheehan entraîne le HC Franches-Montagnes depuis le début de saison.
Photo: Yann Béguelin
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Grégory BeaudJournaliste Blick

«On a eu match hier, je dois encore me remettre dans le rythme.» Au moment d'arriver au tea-room pour l'interview, Gary Sheehan rigole. La veille, son équipe des Franches-Montagnes a disputé un match de MyHockey League. Après une année blanche à la suite de son licenciement du côté du HC Ajoie, il a donc retrouvé un banc à une trentaine de minutes de Porrentruy, où il vit toujours.

La passion est la même. Le phrasé ne change pas. L'entrain à parler de hockey est toujours autant communicatif. Lorsque l'on passe une heure avec Gary Sheehan, on peine à imaginer que le Canado-Suisse n'est plus entraîneur d'un club professionnel. C'est pourtant la décision prise par l'ancien coach du HC Ajoie en signant avec Franches-Montagnes en MyHockey League, la troisième division suisse. Samedi, le HCFM a battu Seewen (2-4) dans une rencontre du haut de tableau.

Ce choix de l'amateurisme - même temporaire -, Gary Sheehan l'assume pleinement. Actuellement engagé à temps partiel par la formation de Saignelégier, il est au bénéfice d'une option pour partir en cas d'offre au niveau supérieur.

Interview à quelques encablures de la Raiffeisen Arena de Porrentruy où il a officié durant plus de sept saisons et obtenu une promotion, ainsi qu'une Coupe de Suisse.

Gary Sheehan, c'est particulier d'interviewer un coach vivant toujours dans la ville où il a été licencié.
C'est vrai que c'est une situation spéciale. Pour moi aussi, je te rassure. Les premiers jours après avoir été mis à la porte du HCA, je me sentais d'ailleurs assez mal à l'aise. C'est aussi pour cela que j'ai souhaité rapidement trouver quelque chose ailleurs. Rien ne s'est matérialisé et petit à petit, je me suis habitué à cette situation.

Comment es-tu désormais perçu à Porrentruy? Et comment vis-tu cette situation?
J'ai reçu un soutien incroyable de la part des gens que je rencontre en ville. Tout le monde a un petit mot gentil. Pas plus tard que ce matin, en venant te voir, j'ai parlé avec une dame qui a été très sympathique avec moi. Je sens que malgré cette fin abrupte, il y a toujours un lien qui existe. Mais c'est sûr que pour moi, ce n'est pas la même chose.

Dans quel sens?
Quand tu es l'entraîneur d'un club, tu es en un sens un porte-voix du club. Surtout dans une région comme celle-ci. J'ai un peu moins d'entrain à me rendre en ville pour boire un verre ou rencontrer des gens.

Mais tu as l'air à l'aise d'en parler. Je te rassure, on ne va pas parler que du HCA.
Merci.

Raconte-moi comment tu t'es retrouvé à la barre de Franches-Montagnes, en troisième division?
Je trouvais que c'était très important d'être actif, même à un niveau amateur. Je ne voulais pas rester chez moi les bras croisés en attendant que quelqu'un vienne me chercher. Je n'ai jamais fonctionné comme ça. Je suis sûr que tout le monde n'aurait pas osé faire ce choix. Mais je pars du principe qu'il y a un circuit d'entraîneur et que le meilleur moyen d'y rester, c'est de continuer de pratiquer. C'est la raison derrière ma venue dans ce club.

Tu n'as rien trouvé en Swiss League? Avec ton nom, c'est tout de même surprenant.
J'avais une ou l'autre ouverture, mais rien ne s'est matérialisé. Dès lors, il me fallait prendre une décision. Et me retrouver chez moi à espérer que des équipes perdent pour qu'un coach se fasse licencier, cela ne me correspond pas. Ce n'est pas une bonne mentalité d'espérer que d'autres se plantent. Je préfère faire mon truc et contrôler ma situation, cela me paraissait être plus sain.

Tu n'as pas peur de te retrouver coincé désormais?
Non, car tout est très clair depuis le début. Si quelque chose se débloque à un étage supérieur, je peux m'en aller du jour au lendemain. Ce n'est donc pas quelque chose qui me bloquait. Les dirigeants ont été très ouverts. Cela m'a rassuré dans les discussions.

Un ancien coach m'a dit un jour que le plus dur pour lui a été le jour où le téléphone a arrêté de sonner. Le lendemain de son licenciement, il s'est retrouvé seul. Tu l'as également ressenti?
Complètement. Complètement. C'est de la folie comme cela passe du tout au tout. Et ce n'est pas parce que tu es dans la lumière pendant un certain temps que cela va durer. C'est juste que tu as une routine et les gens ont l'habitude de te voir. Que ce soit un téléphone de journaliste, un téléphone de la télé, un téléphone de la radio. Tu parles sans cesse de ton métier à tout le monde. Et puis tout à coup, plus rien.

C'est aussi dans le but de couper cela que tu as accepté le défi des Franches-Montagnes, je présume.
C'est un tout oui. Mais j'ai eu une année pour prendre pas mal de recul et m'ouvrir à d'autres horizons. Est-ce que j'aurai été prêt à tout de suite faire ce pas? Je ne suis pas sûr. Mais je suis surpris du niveau. Honnêtement, les meilleures équipes de MyHockey League n'ont rien à envier à certaines de Swiss League.

Et toi, tu as dû apprendre à adapter tes attentes au rythme de vie de tes joueurs amateurs ou tu gardes le même niveau d'exigence?
Écoute, je crois arriver dans le vestiaire avec la même mentalité. La seule chose, c'est que j'ai moins de temps d'entraînement pour faire passer un message ou pour mettre mon jeu en pratique. Je dois apprendre à aller davantage à l'essentiel et ne pas noyer les gars sous 10'000 trucs. Leur rythme d'entraînement est moins soutenu. Avec des amateurs, tu ne peux pas faire des longues séances vidéo en plus des entraînements à 20h le soir. Au bout d'un moment, ils ne suivent plus. Et c'est normal. C'est moi qui dois m'adapter à eux et non l'inverse.

Et cela fonctionne?
Oui! Ce que j'apprécie, c'est que je me rends compte que je suis petit à petit capable d'ajouter des choses dans la routine et voir tout le monde progresser. Et moi aussi, je progresse dans la manière de communiquer. De rendre mon message le plus précis et le plus clair possible pour ne pas perdre d'information dans le processus.

Tu as l'impression que cette expérience peut t'aider pour la suite puisque, justement, tu veux regrimper les échelons?
Oui, je le crois vraiment justement dans la manière de transmettre mon message. Cela me permet aussi de relativiser. Quand un gars vient te parler d'un problème professionnel, tu dois aussi l'écouter et comprendre qu'il joue à ce niveau tout en ayant un travail, c'est admirable. L'équilibre entre pression et plaisir doit être le bon pour tout le monde. Moi et eux. Ça me permet de remettre un peu les choses en perspective aussi. Au niveau professionnel, on est constamment la tête dans le guidon. Et puis, des fois, ce serait bien de sortir un peu de cela. J'ai un peu l'impression de me retrouver avec un état d'esprit similaire à celui que nous avions à Ajoie lorsque nous avons remporté la Coupe de Suisse.

Dans quel sens?
Dans le sens où tout est simple. J'ai remarqué une différence immense entre cette aventure en Coupe et notre promotion puis la première année en National League. Tout à coup, tu te retrouves un dimanche après-midi à Davos ou un mardi soir à Berne. Et tu commences à voir qu'il est impossible d'avoir le même enthousiasme trois fois par semaine. Et petit à petit, on a perdu notre fraîcheur. Celle qui nous a permis d'avoir de bons résultats.

Justement, si l'on revient brièvement sur la fin à Ajoie, tu penses que c'est cette lassitude qui a coûté cher?
C'est comme dans un divorce. Ce n'est jamais lui ou elle. C'est un tout. Je te disais avant qu'avoir la tête dans le guidon peut être néfaste. Tu veux que ton équipe progresse, tu veux essayer de la faire avancer. Mais à un moment, il fallait se rendre à l'évidence: les moyens entre nous et les autres n'étaient pas les mêmes. Et puis nous avons commencé à stagner. Et au lieu de garder cette fraîcheur d'amateurs contents de continuer de progresser, on a commencé à se focaliser sur les résultats.

Et toi, tu vivais ça comment?
Je n'ai pas non plus su comment me positionner. Si je relâchais la pression, je craignais de donner l'impression d'avoir abandonné. Si je poussais davantage, je perdais les gars en passant pour quelqu'un qui ne se rend pas compte de notre réalité. Je n'ai pas trouvé ce bon équilibre.

Un équilibre que tu sembles avoir trouvé en ce moment non?
J'ai cette impression, en tout cas. J'aime l'approche du club et j'aime également comprendre ce dont ont besoin mes joueurs. Je te donne un exemple tout simple. Hier matin, j'avais un échange de SMS avec un joueur. C'était 6h30 et il était déjà au travail. Le soir, nous nous entrainions à 20h00. Quand tu sais cela, tu ne peux pas lui en vouloir s'il n'est pas à 100% attentif ou réceptif à toutes mes consignes. Et, en ce sens, je crois moi aussi avoir retrouvé un certain plaisir dans cet apprentissage d'un autre niveau. Et c'est aussi pour cela que je suis très content de ce choix de carrière.

National League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
HC Davos
HC Davos
29
31
57
2
ZSC Lions
ZSC Lions
26
31
55
3
Lausanne HC
Lausanne HC
28
2
50
4
SC Berne
SC Berne
28
18
49
5
EHC Kloten
EHC Kloten
29
-5
47
6
EV Zoug
EV Zoug
28
19
46
7
EHC Bienne
EHC Bienne
28
4
40
8
HC Ambri-Piotta
HC Ambri-Piotta
28
-11
39
9
HC Fribourg-Gottéron
HC Fribourg-Gottéron
29
-6
39
10
SCL Tigers
SCL Tigers
27
1
38
11
Genève-Servette HC
Genève-Servette HC
26
1
36
12
HC Lugano
HC Lugano
27
-22
33
13
Rapperswil-Jona Lakers
Rapperswil-Jona Lakers
29
-20
33
14
HC Ajoie
HC Ajoie
28
-43
23
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