Il y a des gens avec qui la connexion semble se faire plus naturellement. Brendan Perlini en fait partie. Dans une des loges de la Vaudoise aréna, le Canadien aux 262 matches de NHL est très avenant. Tout sourire, il a le contact facile. Drafté en 2014 par les Coyotes de l'Arizona, l'attaquant né en Grande-Bretagne a évolué durant six saisons en NHL avant de prendre un chemin de traverse qui l'a mené en Russie, une expérience qui lui a beaucoup appris sur lui-même et l'a conforté dans sa philosophie de vie: «Je veux avoir du plaisir dans ce que je fais. Ces deux dernières années, ce n'était pas le cas.»
Depuis peu, il a lancé sa chaîne YouTube où il lève un coin du voile sur sa vie de hockeyeur. Mais pas seulement. Voyage au Costa Rica, trucs et astuces pour s'améliorer au golf et autres conseils de bien-être, il touche à tout. Et en parlant près d'une heure avec lui, ce n'est pas un hasard s'il semble avoir bien plus que le hockey dans la vie. Rencontre après une interview avec John Fust. «Je l'ai briefé et je lui ai expliqué comment s'appelle le nom du Lac», pouffe le directeur sportif.
Brendan, tu viens d’arriver à Lausanne, comment se passe ton adaptation?
J’ai atterri dimanche matin après un vol de nuit. J’ai pu regarder un peu le match du Canada dans l’avion, c’était pas mal. Je manque encore un peu de sommeil, mais ça va. J’arrive de Chicago, avec une escale à Washington avant d’atterrir en Suisse. C’est un vol assez simple, en fait.
Tu as eu un parcours mouvementé ces derniers mois, notamment un passage en Russie. Peux-tu nous en parler?
Oui, j’ai signé en Russie à la mi-décembre. Pour moi, en tant que joueur, c’était un défi à relever. J’ai déjà joué en NHL, en AHL, en Suisse… et je me suis demandé: qu’est-ce qu’il me reste à tester? J’ai toujours eu des amis russes – Ilya Lyubushkin, Artem Anisimov, Alexander Burmistrov… – qui me disaient que j’aimerais jouer là-bas. Je me suis dit que si je ne le faisais pas, je me poserais toujours la question plus tard: et si j’avais essayé?
C'était à la hauteur de ce que t'avaient dit tes amis?
Je ne critique rien. Mais sur place, je me suis vite rendu compte que ce n’était pas pour moi. Aucun autre Nord-Américain dans l’équipe, une langue et un mode de vie complètement différents… Ça m’a appris beaucoup sur moi-même. Devoir tout gérer seul, ne pas parler la langue, faire mes courses, me débrouiller dans un environnement totalement inconnu, c’est une sacrée expérience. Les Russes m’ont très bien traité, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas ce que je cherchais. C'est pourquoi j'ai demandé à partir assez rapidement.
Tu es un grand voyageur. Avant la Russie, tu as passé du temps au Costa Rica. Pourquoi ce choix?
J’ai vécu au Costa Rica de mi-septembre à fin octobre. J’avais entendu parler du mode de vie là-bas, et je suis un gars qui s’intéresse beaucoup à la santé et au bien-être. J’ai suivi Paul Saladino (ndlr un médecin américain connu pour être l'un des principaux promoteurs du régime carnivore), qui vit là-bas et parle de ce mode de vie plus simple, axé sur la nature. Après avoir bougé d’une équipe à l’autre ces dernières années, j’avais juste envie de vivre, de ne plus penser au hockey, aux contrats, aux négociations… Le hockey, lorsque tu es entre la NHL et la AHL, c'est énormément de politique. Et je n'avais plus envie de jouer à ces petits jeux.
Comment s'est passé ton voyage?
C’était incroyable. Me lever, aller surfer tous les jours, profiter du moment présent… Et c’est drôle parce que le premier jour sur la plage, j’ai rencontré un couple de jeunes Suisses qui habitaient près de Zurich. Ils vont venir voir quelques matches de Lausanne. Ça montre à quel point le monde est petit! Nous avons sympathisé et c'était cool de parler avec eux de ce pays et simplement de nouer une belle amitié avec eux.
Tu sembles attacher beaucoup d’importance à l’équilibre entre ta carrière et ta vie personnelle. Depuis quand as-tu cette réflexion?
Ça remonte à longtemps. À 19 ans, la NHLPA (ndlr l’Association des joueurs de NHL) nous a fait suivre des formations sur la gestion de carrière, les finances, les médias… Un des intervenants nous a dit: 'Vous n’êtes pas qu’un joueur de hockey. Vous êtes aussi un humain, un fils, un frère, un ami et, enfin, un hockeyeur. Cela ne doit pas vous représenter en tant que personne'. Ça m’a marqué.
Qu'est-ce que cela a changé?
Au fil des années, cette réflexion a grandi en moi. Au début, je cherchais à optimiser ma carrière. Puis, j’ai commencé à me demander comment puis-je vivre mieux, être plus heureux? C’est comme ça que j’ai réalisé que l’argent ou la célébrité ne suffisent pas. Ce n’est pas l’objectif en soi, c’est ce que tu en fais qui compte.
Ton rapport à l'argent a du même coup changé?
Oui, j’ai vu de près ce que c’est que d’avoir beaucoup d’argent – en NHL, en Russie… Et j’ai compris que ça ne garantit pas le bonheur. Quand tu gagnes 100'000 dollars, tu en veux 200'000. Puis 500'000, puis un million… Mais au final, ça ne comble pas un vide si tu n’aimes pas ce que tu fais. C’est pour ça que je fais attention à vivre chaque jour de manière épanouissante. J’ai découvert qu’avoir des projets en dehors du hockey m’aidait aussi à mieux jouer. Quand je ne pense qu’au hockey 24/7, je deviens obsessionnel. Avoir des distractions saines – le surf, les voyages, le montage vidéo – me permet de mieux gérer la pression et de m'évader.
Justement, tu es aussi très actif sur YouTube. C’est un simple passe-temps ou un vrai projet de reconversion?
Un peu des deux. J’adore raconter des histoires, partager des expériences. Et puis, c’est une façon de construire quelque chose en dehors du hockey. La carrière d’un joueur peut s’arrêter du jour au lendemain. J’ai vu des gars en NHL qui, après une blessure ou une saison compliquée, ne savaient plus quoi faire. Moi, je veux être prêt. Si dans dix ans, ma chaîne YouTube a grandi et me permet de faire autre chose, tant mieux. Et puis, ça pourrait m’ouvrir des portes dans les médias, la télé… Je ne veux pas être dépendant du hockey. Je veux construire quelque chose de durable.
Tu as toujours été un touche-à-tout?
Absolument. D’ailleurs, cette envie d’explorer d’autres horizons m’est venue en partie grâce à mon premier passage en Suisse. À une période où je jouais à Ambri, c'était la période du Covid. On ne pouvait rien faire hors de la patinoire, c'était une période potentiellement difficile. À cette époque, mon frère s’est lancé dans un business en ligne, vendant des produits sur Amazon. Je trouvais ça fascinant et j’ai commencé à m’y intéresser aussi. Quand j’étais en déplacement, je faisais des recherches sur mon ordinateur dans le bus avant un match. Ça me changeait les idées, et paradoxalement, ça m’aidait à mieux jouer. J’ai compris que diversifier mes centres d’intérêt, ce n’était pas une distraction comme certains pourraient le penser, mais un moyen de rester équilibré et performant.
Tu sembles avoir une approche très zen de la vie. Est-ce que c’est quelque chose que tu as toujours eu ou un état d’esprit que tu as développé avec le temps?
Avec le temps. Il y a quelques années, j’étais obsédé par la performance, la carrière, la prochaine étape… Aujourd’hui, je comprends que la vraie richesse, c’est de profiter du moment présent. J’ai entendu une phrase au Costa Rica qui m’a marqué: Les choses n’arrivent pas contre toi, mais pour toi. C’est une façon de voir la vie qui change tout. Même quand quelque chose de négatif se produit, je me dis: OK, qu’est-ce que ça m’apprend? Comment je peux en tirer du positif?
Tu as déjà beaucoup vécu pour un joueur de 28 ans. Penses-tu encore à un retour en NHL ou ton état d’esprit a changé?
Honnêtement, je laisse la porte ouverte, mais je ne me bats plus pour ça. Si je devais retourner en NHL, il faudrait probablement que je repasse par la AHL, et je n’ai plus envie de me battre contre le système. Ces dernières années ont été difficiles mentalement. Je veux retrouver du plaisir à jouer. Pas me battre contre des décisions politiques ou des promesses non tenues. Lausanne me donne cette opportunité: un bon coach, un bon GM, un bon cadre de vie et des dirigeants canadiens. En vrai, c’est tout ce que je recherche en ce moment.
En arrivant ici, tu ressens donc une forme de sérénité?
Exactement. Quand je suis arrivé, j’ai marché au bord du lac et je me suis dit: Oui, c’est ici que je dois être. Je connais la Suisse, je sais comment ça fonctionne, et c’est un endroit où je peux me poser. Pendant des années, j’ai signé des contrats d’un an, toujours incertain de l’avenir. Aujourd’hui, je veux peut-être un peu plus de stabilité. Signer pour plusieurs saisons, m’installer… C’est une idée qui me plairait.
Tu sens ce contrat de quelques mois comme une audition?
Pas du tout! Je le sens comme une opportunité incroyable. Je rejoins le leader d'une ligue. Ce n'est pas rien. J'ai eu d'autres contacts en Suisse, mais Lausanne c'est quand même assez stimulant. Et je ne le savais pas encore au moment de signer, mais la venue de Kahun est une super nouvelle. Nous nous connaissons, car nous avions joué ensemble à Chicago à l'époque.
Si on devait résumer, qui es-tu aujourd’hui en dehors du hockey?
Un explorateur de la vie. J’aime apprendre, découvrir, partager. Que ce soit à travers le hockey, les voyages, la création de contenu… J’essaie de profiter de chaque jour et de bâtir quelque chose qui me ressemble. Le hockey est une partie de moi, mais ce n’est pas toute ma vie. Et c’est ce que j’ai compris ces dernières années.
Et ton niveau de français alors? Tu l'as déjà 'bâti'?
(il pouffe) Zéro! Non, vraiment, je ne parle pas du tout français. Pourtant, ma ville natale, Sault Ste. Marie, a un nom très français, mais en réalité, il y a peu de francophones là-bas. C’est surtout une ville avec beaucoup d’Italiens, un peu comme Ambri en Suisse où j'ai pu me reconnecter un peu avec mes racines italiennes.
Vous n'appreniez pas le français dans ton école?
Oui oui! Mais quand j’étais gamin, au Canada, il fallait suivre des cours, mais comme j’étais arrivé un peu plus tard après avoir grandi en Angleterre, j’étais complètement largué. Le prof me laissait même utiliser mon manuel pendant les tests… et je les ratais quand même! (rires) À la fin, on m’a juste dit: «OK, quand le prof de français arrive, va sur un ordinateur dans une autre salle.» Donc autant dire que mon niveau est resté bloqué là.
On parle quand même un peu de hockey?
Bien sûr, j'ai tout mon temps.
Après tout ce que tu as vécu ces derniers mois, quel type de joueur penses-tu être aujourd’hui?
Je pense être un joueur plus mature, qui comprend mieux le jeu qu’à 22 ans. Je pense que j'intellectualise beaucoup plus le hockey et je joue ainsi de manière moins directe. Avant, j'allais le plus vite possible en attaque et je tirais le plus fort possible (rires). Plus maintenant. Je me suis adapté à différentes ligues, différents styles de jeu, et ça m’a rendu plus complet.
Que peuvent attendre les fans lausannois de toi sur la glace?
Un joueur qui apporte du danger offensif, une bonne vision du jeu et un excellent tir. Je ne suis pas du genre à balancer le puck sans réfléchir, j’aime créer des occasions et être un élément clé sur la glace. Et surtout, je veux aider l’équipe à gagner. C’est une super opportunité d’être ici avec un groupe qui vise haut, et j’ai hâte de contribuer. Pour tout dire, je pense être un meilleur joueur aujourd'hui que je ne l'étais à 23 ans lorsque j'évoluais en NHL et j'adorerais pouvoir transposer le joueur que je suis aujourd'hui à l'époque où j'évoluais là-bas, juste pour voir comment cela se passerait.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | Lausanne HC | 49 | 32 | 97 | |
2 | ZSC Lions | 47 | 37 | 88 | |
3 | SC Berne | 49 | 21 | 85 | |
4 | EV Zoug | 48 | 35 | 82 | |
5 | HC Davos | 48 | 19 | 80 | |
6 | HC Fribourg-Gottéron | 48 | 3 | 76 | |
7 | EHC Kloten | 48 | -17 | 70 | |
8 | SCL Tigers | 48 | 7 | 70 | |
9 | EHC Bienne | 48 | 0 | 67 | |
10 | HC Ambri-Piotta | 49 | -15 | 67 | |
11 | Rapperswil-Jona Lakers | 48 | -16 | 64 | |
12 | Genève-Servette HC | 48 | -13 | 62 | |
13 | HC Lugano | 49 | -26 | 60 | |
14 | HC Ajoie | 49 | -67 | 46 |