Cela fait tout juste une semaine que Lars Leuenberger a été nommé entraîneur de Fribourg Gottéron. Le ressenti est bien différent. Pour lui aussi. Au milieu de la Coupe Spengler et avant la demi-finale de lundi soir (20h10), le coach s’est assis une trentaine de minutes pour parler de son nouveau rôle mais, plus important encore, de lui.
Comment en est-il arrivé là? Quels sont ses mentors? Quelle est sa vision du hockey sur glace? Et de Fribourg? Quelles sont ses relations avec Roger Rönnberg? Le Saint-Gallois n’a éludé aucun thème.
Lars Leuenberger, j’ai l’impression que cela fait déjà longtemps que tu entraînes Fribourg Gottéron. Tu as aussi ce sentiment?
(Il rigole) Totalement. J’ai l’impression que cela fait une éternité que je suis en poste. Tout est allé si vite entre le match à Zoug, Noël, le voyage à Davos et un seul entraînement avec la Coupe Spengler. Tout cela en cinq jours, c’est fou non?
Je me dis pareil. Mais tu as eu le temps de te poser deux minutes et de réfléchir à tout ce qui est arrivé, justement?
C’est le soir avant de dormir que j’ai le temps de réfléchir à tout ce qui se passe. Et je remarque clairement que je suis fatigué. La concentration toute la journée n’est pas forcément aisée à vivre. Surtout au début. Je n’avais plus de travail depuis un an et donc n’avais plus de routine quotidienne. Là, je suis passé directement de ma vie de famille à la maison à la vie de coach avec tout ce que cela implique. Découvrir ton nouvel environnement de travail, les autres coachs, les joueurs. Mais je ne me plains pas. Ce moment de découverte est une période géniale à vivre.
Avant l’appel du directeur sportif, Gerd Zenhäusern, tu avais déjà des plans sur ce que tu allais faire au cas où?
C’est difficile à dire. Je savais que je rejoindrais Fribourg la saison prochaine. Comme tu l’as écrit, je serai l’assistant de Roger Rönnberg dès l’été 2025. C’est donc logique de regarder Fribourg Gottéron différemment dans ces circonstances. Mais je ne pouvais tout de même pas me dire que cela serait comme en 2016 lorsque j’ai repris l’équipe de Berne en cours de saison. À l’époque, j’étais déjà assistant. Je savais exactement ce que je faisais et je connaissais les joueurs sur le bout des doigts. Ici, tout est nouveau.
Les résultats n’ont pas été bons depuis le début de saison. Es-tu tenté de recommencer à partir d’une page blanche?
Non, non, il ne faut surtout pas vouloir tout changer. On doit garder ce qui a bien fonctionné. Car tout n’est pas à jeter. Mais ce sont toujours de petits ajustements qu’on peut faire. En cours de saison, on ne peut pas changer toute la fondation et la structure du jeu d’une équipe. Il n’y a pas suffisamment de temps. Même si les bases doivent rester, on peut faire de petits ajustements. Serrer une vis ici, desserrer une autre là. Bref de petites choses qui peuvent tout de même faire de grandes différences.
Tu as parlé de 2016. Je me souviens très bien de cette époque et de ta relation très proche avec les joueurs.
C’est juste, c’était le cas.
Maintenant que tu es un peu plus âgé et que tu approches des 50 ans, ta relation avec les joueurs a changé ou tu parviens à garder le même niveau de proximité?
Non, je pense que c’est important de garder ce lien. Beaucoup de choses ont changé en huit ans. Les joueurs veulent être plus impliqués dans le processus décisionnel. Lors de ces derniers jours, je leur ai souvent demandé leur avis: à l’entraînement, avant et après les matches. Pour moi, c’est important d’avoir leur ressenti. Ils doivent faire partie du processus. Ce ne sont pas juste des joueurs. Les idées qu’on a, ils doivent les appliquer sur la glace. S’ils ont une bonne idée, on peut en discuter et la mettre en œuvre. C’est important qu’on forme une équipe, une unité.
Et cette évolution entre 2016 et aujourd’hui, comment l’as-tu vécue en tant que personne, sur ces huit années, surtout dans tes relations avec les joueurs?
Les jeunes joueurs ont changé. On le sait, la nouvelle génération, ou la génération X, ou peu importe comment on l’appelle, a évolué. On ne peut plus dire: «On fait comme ça.» Ils veulent savoir pourquoi on fait ça. C’est pourquoi j’aime interviewer les joueurs, pour qu’ils donnent aussi une réponse sur ce qu’ils aimeraient ou sur ce qu’ils pensent de mes idées. C’est très important. C’est aussi un aspect psychologique.
Cet aspect psychologique, tu t’y intéresses autant que l’aspect tactique?
Oui, bien sûr. Quand tu passes autant de temps ensemble, c’est nécessaire. C’est comme à la maison avec la famille.
Le fait que tes deux fils jouent au hockey, ça t’aide à comprendre davantage la génération qui vient?
Oui, mais ce n’est pas seulement à cause du hockey. Dans la vie privée également. Ce n’est plus comme quand nous avons grandi. C’est une autre époque.
Tu as passé presque un an sans travail. Et tout à coup, tout a changé.
Oui. Nous avions des plans avec la famille pour les fêtes de Noël, comme l’un de mes fils qui devait aller au Canada avec Davos pour le tournoi Pee-Wee. Tout était prévu. On a dû tout réorganiser rapidement.
En combien de temps il a fallu s’adapter?
En une nuit ma vie a été chamboulée.
De manière moins brutale, tu vas avoir un autre changement drastique l’an prochain avec l’arrivée de Roger Rönnberg et ton passage au statut d’assistant…
C’est clairement différent, c’est sûr. C’est normal. Quand tu es coach principal, tu as toute la responsabilité et cela modifie aussi tes relations avec les joueurs. Mais pour le futur, j’ai déjà discuté de ce changement avec Roger. L’idée est qu’à l’avenir, on répartisse les tâches, et que je ne sois pas seulement assistant. Les assistants travaillent beaucoup plus aujourd’hui qu’avant. Par exemple, pour le powerplay, Yves (ndlr Sarault) s’en occupe, Pavel (ndlr Rosa) gère l’attaque, etc. Avant, c’était le coach principal qui faisait tout. Je pense que c’est important de déléguer et de ne pas trop réfléchir pour garder une certaine spontanéité.
Tu as dû apprendre à ne pas trop réfléchir?
Clairement (rires). Parce que dans le quotidien, tu fais face à des imprévus et c’est important de ne pas avoir une structure trop rigide. C’est important de ne pas se borner et d’avoir un plan B, bien sûr, mais tu ne peux pas trop réfléchir. Sinon, tu te retrouves bloqué dans une mauvaise posture.
Raconte-moi. Roger Rönnberg, de tout ce que j’entends, est un fou de hockey. Tu as déjà beaucoup d’échanges avec lui?
On a évidemment des contacts. Mais pas énormément pour le moment. C’était une période très chargée pour tout le monde. Mais on discutera davantage, car c’est toujours important d’écouter ce que les autres pensent. Tu peux parfois en tirer quelque chose d’utile.
Comment s’est passée ton arrivée à Fribourg avec Roger Rönnberg?
En septembre, j’ai passé quatre ou cinq jours en Suède avec lui. On a discuté en profondeur de nos visions respectives. À ce moment-là, ce n’était pas encore sûr que je viendrais. Et lui et moi devions nous positionner sur cette éventualité. Je suis rentré en Suisse et j’ai passé une nuit à y réfléchir. Deux jours après mon retour, on s’est appelés à nouveau. Je lui ai dit que de mon côté, j’étais intéressé.
Sa réponse?
«Let’s go» (rires).
Durant ces jours avec Roger Rönnberg, vous avez pu poser les plans du futur de Gottéron?
On a surtout appris à se connaître et partager notre vision respective du hockey et de voir si un processus commun était possible.
Quand as-tu su que tu voulais devenir entraîneur?
Probablement quand j’ai commencé avec les M17 à Berne, la première année après ma retraite sportive. Mais avant ça, non. Je n’y avais jamais vraiment pensé. Mais j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec les jeunes athlètes, et ça m’a donné envie de progresser. Ensuite, j’ai eu des opportunités, comme avec l’équipe nationale des U16, U17, et U18, avant de devenir assistant coach à Berne. C’est un processus qui s’est construit petit à petit.
Tu as été l’assistant de Guy Boucher, coach à la riche expérience de NHL. C’est aussi une bonne école.
Oui, absolument. Mais il faut aussi se rappeler que les entraîneurs suisses sont très bons. Quand quelqu’un vient de la NHL, on pense souvent: «Wow!» Mais nous avons aussi d’excellents entraîneurs ici. Guy m’a beaucoup appris, surtout sur la préparation des matches et l’attention aux détails individuels. C’était incroyable de le voir travailler avec chacun de manière individuelle.
Et en tant que joueur, est-ce que tes entraîneurs parlaient beaucoup individuellement avec toi et tes coéquipiers?
Oh non, pas du tout. Ce n’était pas comme aujourd’hui, avec toutes ces vidéos disponibles dès le soir même. À l’époque, c’était encore des cassettes VHS. Tout a changé dans la manière de préparer le match suivant et dans la manière de parler aux joueurs. Mais c’est une approche qui me plaît.
Quel est ton message principal à cette équipe de Fribourg?
Que l’on doit corriger nos erreurs. On en fait encore trop. On doit apprendre à jouer de manière plus intelligente, savoir quand prendre des risques et quand simplement geler le puck ou le sortir en sécurité. Je dis toujours que le plus important pour gagner est de jouer comme un champion dès le mois de septembre. C’est ce que je dis sans cesse à mes joueurs. Si tu veux gagner, tu dois jouer et te comporter comme un champion, chaque jour, à chaque instant. Plus à l’entraînement qu’en match, d’ailleurs. Parce que si tu ne fais pas les choses correctement sans pression, tu ne vas pas tout à coup appuyer sur un bouton et cela fonctionnera comme par magie.
Cela nécessite aussi un certain état d’esprit, non?
Oui, absolument. Fribourg a toujours eu une mentalité particulière. Mon rôle est de les pousser à être honnêtes les uns envers les autres. Parfois, il faut être dur, même dans les discussions. Ce n’est pas toujours agréable, mais c’est nécessaire.
On parle souvent de Fribourg comme une équipe de copains. À t’écouter, il faudra un changement assez radical.
Mon rôle, c’est de guider les joueurs, de les pousser à être meilleurs, mais aussi à être honnêtes entre eux. Comme je l’ai dit, parfois, il faut des discussions qui ne font pas plaisir. Ça fait partie de la construction d’une équipe solide. On doit apprendre à se parler franchement, que ce soit sur le banc, dans le vestiaire ou sur la glace.
Penses-tu que cette équipe est prête pour ça?
Oui, je pense qu’ils sont prêts. Mais c’est un processus. Ils doivent comprendre que ce n’est pas toujours facile, mais c’est nécessaire pour grandir. Comme dans une famille, il y a des moments où il faut se dire les choses, même si c’est inconfortable.
Fribourg est un club avec une longue histoire. Crois-tu qu’il est possible de vraiment changer cette mentalité?
Mais justement, on ne doit pas changer la mentalité. Ce qui est important, c’est d’apprendre à se concentrer pendant les 60 minutes du match ou les 45 minutes d’entraînement. Peu importe que tu sois francophone, germanophone ou autre, l’important, c’est d’être une unité, une famille sur la glace. Tout le monde sait que Fribourg a du mal à gagner des trophées. Mais pour moi, c’est un défi excitant. Nous avons trois jours pour commencer à bâtir quelque chose de nouveau.
Tu as joué deux saisons à Fribourg. Tu en gardes quels souvenirs?
Fribourg était un mélange parfait de jeunes et de vétérans, de francophones et de germanophones. J’avais vraiment cette sensation de groupe. Et je ne dis pas cela parce que je suis de retour dans l’organisation. Nous étions une vraie équipe.
Tu vois ce passage de quelques mois comme coach dans le cadre d’un processus qui s’étend jusqu’à 2025, ou est-ce que c’est seulement un commando de quelques mois?
(Longue hésitation) C’est une bonne question. C’est un peu un démarrage en douceur maintenant, mais je pense que ce processus se poursuivra jusqu’en 2028. Je suis convaincu qu’on peut construire quelque chose de solide ici à Fribourg.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | Lausanne HC | 33 | 18 | 64 | |
2 | ZSC Lions | 30 | 32 | 61 | |
3 | SC Berne | 33 | 18 | 58 | |
4 | HC Davos | 34 | 21 | 58 | |
5 | EHC Kloten | 34 | -5 | 57 | |
6 | EV Zoug | 32 | 17 | 49 | |
7 | SCL Tigers | 32 | 4 | 48 | |
8 | HC Fribourg-Gottéron | 33 | -9 | 45 | |
9 | Rapperswil-Jona Lakers | 34 | -12 | 45 | |
10 | Genève-Servette HC | 30 | 1 | 42 | |
11 | EHC Bienne | 32 | -3 | 42 | |
12 | HC Lugano | 32 | -17 | 42 | |
13 | HC Ambri-Piotta | 33 | -22 | 41 | |
14 | HC Ajoie | 32 | -43 | 29 |