Il y a deux façons de réagir lorsqu'on recroise un ou une ex: soit feindre l'indifférence, soit surjouer le bonheur en indiquant à quel point on se trouve mieux sans elle ou lui. Fabian Heldner a lui inventé une troisième voie en ce jeudi soir: lui planter un goal après 49 secondes de jeu à peine, d'un maître-tir en pleine lucarne. Le Haut-Valaisan, servi par Michael Hügli, a décidé que pour ce match qui n'avait rien de lémanique, les Alémaniques allaient s'occuper de tout, et donc d'ouvrir la marque face à un HC Davos, son ancien club, qui n'était d'ailleurs pas encore sorti de sa zone durant cette entame de match à sens unique. Le kop lausannois, qui était lui aussi déjà bien entré dans sa rencontre, a crié sa joie et tout Malley s'est mis à croire à une soirée de gala, le pauvre Luca Hollenstein terminant à genoux sur ce tir victorieux et soudain (1re, 1-0), et les supporters du LHC y ont vu une prophétie: Davos allait sortir de cette patinoire les pieds en avant, l'échine courbée, les valises pleines de regrets, qu'importe la métaphore, pourvu qu'on ait les trois points.
Même la première pénalité, infligée à la 5e à Janne Kuokkanen, n'y a rien changé: Lausanne ne se défendait pas à 4 contre 5, mais à 3600 contre 5, avec l'appui de son formidable mur rouge et blanc dans le dos. Que pouvait-il arriver à Kevin Pasche, ainsi soutenu? Rien, sans doute, mais il a tout de même fallu qu'il fasse sa part de boulot: même si ses fans lui ont donné des ailes, les arrêts, c'est tout de même lui qui les a fait.
Et puis, tout le monde, c'est à dire les 9226 spectatrices et spectateurs qui avaient rempli la patinoire ce jeudi, ont constaté petit à petit, presque insidieusement, sans même s'en rendre compte, ce LHC se rappeler qu'il était fébrile, parfois, et que ce début de match exceptionnel ne pouvait pas durer, ça aurait été trop beau.
Et soudain, Lausanne se montre fébrile
Alors, les Lausannois ont commencé à piétiner sur la glace, comme à la 12e, avec une perte de puck horrible, sans conséquence cette fois, sinon celle de redonner un peu de vigueur à ce pâle HC Davos, lequel commençait à se dire que ce lion, s'il semblait terrifiant en début de match, pouvait avoir les pattes qui tremblaient et qu'il était possible de lui faire poser un genou à terre, voire deux. Alors, Enzo Corvi, le fourbe, est allé se cacher sur le banc des pénalités durant deux minutes pour mieux en sortir dans le dos de tout le monde et s'en aller défier Kevin Pasche, impérial en la circonstance (14e). Ouf!
Lausanne abordait donc le deuxième tiers avec un but d'avance et donc devant son adversaire du soir, tant sur la glace qu'au classement, ce qui était forcément une bonne nouvelle. Et puis, même si la fin du premiers tiers avait laissé planer le doute, les Lausannois étaient tout de même la meilleure équipe sur la glace, et ce simple constat aurait dû leur permettre de passer une soirée festive et positive, à défaut d'être tranquille. Oui, mais voilà, le constat est éternel: tout va très vite en hockey sur glace et ce poncif sert autant aux plumitifs et commentateurs en mal d'inspiration qu'à décrire la réalité d'un deuxième tiers absolument horrible, et le mot est faible.
Deux buts encaissés en treize secondes en supériorité numérique
Au rayon de ce musée des horreurs? La pénalité infligée à Fabian Heldener (23e), l'égalisation de Tino Kessler dans la foulée à 5 contre 4 (24e) et puis... deux réussites davosiennes en infériorité numérique! Sven Jung est en effet allé s'asseoir sur le banc à la 27e et, loin d'en profiter, le LHC s'est retrouvé mené de deux longueurs par la faute de Tino Kessler encore lui (29e, 1-2) et Matej Stransky treize secondes plus tard (29e, 1-3). La liste des infamies est déjà assez longue comme ça? Non! Andres Ambühl, la légende, inscrivait le 1-4 pile à la mi-match, à la seconde près. Les légendes ont visiblement le goût de la précision millimétrique.
Kevin Pasche en fracassait sa canne de rage, mais le kop lausannois ne lâchait rien, chantant «C'est la fierté de nos couleurs qui nous a donné la ferveur pour notre ville et son honneur», alors que Geoff Ward demandait un temps mort de fort bon aloi. Lausanne avait laissé filer son avantage en multipliant les cadeaux et les erreurs individuelles, avec un homme de plus sur la glace, à égalité numérique, et avec un homme de moins. En une phrase comme en mille: Lausanne était dépassé sur toutes les lignes.
L'amour, le vrai, inconditionnel
Le LHC est revenu de ce temps mort bienvenu sous les ovations de son public, lequel est soit très amoureux, soit prend du plaisir à voir son équipe souffrir, et la vraie réponse est bien sûr la première. A 1-4, avec trois buts de retard, avec ses joueurs en dessous de tout, voilà le kop du LHC qui redoublait de ferveur, qui rugissait un puissant «Pour Lausanne allez» et tous ces poumons sollicités, tous ces poings levés dans la même direction, représentaient une belle et vibrante démonstration d'amour inconditionnel, certains diront aveugle, mais il s'agissait du soutien le plus pur, le plus sincère et le plus beau. Les joueurs, sous leurs casques, ne pouvaient pas y rester insensibles, et ils sont repartis à l'assaut, le coeur vaillant, l'âme réchauffée. La preuve que même en ayant pris quatre goals dans les cages, l'espoir était encore possible. Et puis, alors que le LHC tentait de se remettre dans le bon sens et de se persuader que rien n'était fini, voilà qu'il était plombé par une pénalité de match contre le capitaine Joël Genazzi (35e) et une nouvelle infériorité numérique, toutefois très bien gérée cette fois. 1-4 après deux tiers, l'addition était lourde.
Zéro point, mais un soutien qui vaut cher
Les Lions allaient-ils trouver la force de surpasser ce deuxième tiers honteux pour renverser Davos et repasser devant les Grisons au classement? La réponse a été un grand non, avec deux nouveaux buts encaissés, pour un seul, celui de l'honneur, inscrit par Antti Sumoela en power-play à la 54e. Au final, les hommes de Geoff Ward se sont inclinés 2-6, ce que personne n'aurait pu parier après vingt minutes, mais qui reflète la réalité d'un match bien mal maîtrisé en son tiers médian. Mais ils ont aussi et surtout eu la confirmation, s'ils en avaient besoin, que leur formidable public ne les lâcherait pas, y compris lors des soirées compliquées comme celle de ce jeudi. Et ça, si ça ne vaut pas trois points, ça vaut bien une victoire, en termes de soutien en tout cas.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | HC Davos | 25 | 28 | 50 | |
2 | ZSC Lions | 23 | 29 | 49 | |
3 | Lausanne HC | 25 | 3 | 45 | |
4 | SC Berne | 25 | 16 | 42 | |
5 | EV Zoug | 25 | 19 | 41 | |
6 | EHC Kloten | 24 | -1 | 38 | |
7 | EHC Bienne | 24 | 3 | 37 | |
8 | Rapperswil-Jona Lakers | 24 | -11 | 31 | |
9 | HC Ambri-Piotta | 23 | -12 | 30 | |
10 | Genève-Servette HC | 21 | 0 | 29 | |
11 | SCL Tigers | 22 | -5 | 29 | |
12 | HC Lugano | 22 | -17 | 28 | |
13 | HC Fribourg-Gottéron | 24 | -14 | 28 | |
14 | HC Ajoie | 23 | -38 | 18 |