Faire un portrait de Roman Josi, c'est revisiter le champ lexical de l'humilité. Des nombreux intervenants sondés pour parler du meilleur hockeyeur suisse de l'histoire, tous ont eu le terme «humble» à un moment ou l'autre dans la bouche. Pour la première fois depuis 2019, le défenseur des Nashville Predators sera présent sous les drapeaux. Libéré par son club de NHL, il va débarquer à Prague pour y disputer le championnat du monde qui débute ce vendredi contre la Norvège. Et sa seule présence suffit à rendre le tournoi attractif, même pour les plus frileux des supporters de la sélection nationale.
Sur la glace, tout ou presque a déjà été dit ou écrit sur l'incroyable impact que Roman Josi aura. Et c'est logique puisqu'il compte parmi les trois arrières les plus doués au monde saison après saison. À 33 ans, il sort de l'un de ses meilleurs championnats en carrière avec 85 points dont 23 buts en saison régulière. Cela fait de lui un des trois candidats au Norris Trophy récompensant le meilleur défenseur en NHL. Il a d'ailleurs déjà gagné ce prix en 2020.
Le hockeyeur est un apport inestimable. Et l'homme, dans tout ça? «Roman? C'est le roi des bons types», rigole Julien Vauclair, actuel directeur sportif du HC Ajoie. L'ancien défenseur international a côtoyé le Bernois au championnat du monde 2013 à Stockholm. Ensemble, ils ont remporté la médaille d'argent. Ce que le Jurassien se souvient de lui? Une très grande assurance. «Je ne veux pas que mon propos soit mal interprété, fait-il attention. Mais il était tellement facile sur la glace, qu'il pouvait dégager une certaine forme d'arrogance. Ce qu'il faisait paraissait impossible, à son âge. En fait, ce n'était pas de l'arrogance, il était juste beaucoup trop fort (rires). Mais à le voir jouer, tu es forcé de te poser la question.»
Sa personnalité a toutefois convaincu Julien Vauclair. «Ce qui me reste de ce Mondial 2013, c'est le groupe qui avait été créé dans le vestiaire, poursuit le dirigeant du HCA. Il n'y avait personne qui sortait du lot, mais nous étions très soudés. Cet état d'esprit, nous le devions au duo Roman Josi et Nino Niederreiter. Ils ont vraiment cimenté l'équipe en étant les boute-en-train du vestiaire.» Là aussi, il y voit une certaine forme de double visage. «C'est quelqu'un de très tranquille et posé, mais dans le même temps, il n'est pas le dernier pour faire une blague.»
«Il ne se comporte pas comme une star»
À cette époque, Roman Josi débarquait pourtant comme la vedette de l'équipe de Suisse. «Aujourd'hui, on est habitués à avoir quatre ou cinq joueurs qui débarquent au dernier moment, précise Julien Vauclair. Ce n'était pas le cas en 2013. Il arrivait en dernier et allait évidemment prendre du temps de jeu à d'autres. Mais sa personnalité faisait que son adptation se passait bien, car il ne se comportait pas comme une star. Il arrivait tranquillement et s'intégrait au groupe et non l'inverse.»
Trois ou quatre ans plus tôt, Roman Josi effectuait ses grands débuts en Mondial lors du tournoi organisé en Suisse. C'était en 2009 et Félicien Du Bois en était également à sa première participation. Roman Josi avait 19 ans et lui 26. «C'était le jeune prodige, on savait tous ce qu'il allait devenir. Malgré ce potentiel quasi illimité, il ne se prenait pas la tête.» Le consultant de la RTS a même fait la paire avec le Bernois durant le Mondial 2010 à Mannheim. «J'ai toujours apprécié son côté sympathique.» Ce qui a marqué Félicien Du Bois? La facilité de son ancien coéquipier à presque tout. «C'est un excellent joueur de tennis, remarque-t-il. Lorsque nous nous échauffions avec un ballon de foot, c'était le meilleur. Il est bon dans tout ce qu'il fait.»
Un autre adjectif vient dans sa bouche: joueur. «Certains hockeyeurs sont plus travailleurs que d'autres. Lui, c'est le côté joueur qui m'a impressionné. Il a un monstre plaisir à être sur la glace et à jouer. Tout simplement. Cela se voit dans son jeu et ce n'est pas un hasard s'il est si impliqué offensivement. Il adore ça. Mais cela ne l'a pas empêché de bosser pour en arriver où il est. Mais il l'a fait avec le jeu au centre de tout. C'est comme s'il était toujours dans la cour d'école.» À 19 ans, il n'était évidemment pas le leader qu'il est aujourd'hui. «Les plus anciens l'allumaient beaucoup puisque c'était le petit jeune (rires).»
«Un enfant réservé et presque timide»
Et lorsqu'il était plus jeune encore, c'est Thomas Zwahlen qui était son entraîneur dans l'organisation du CP Berne. Le technicien l'a aidé à se développer entre les M15 et les M20. «La pire des choses que puisse faire un entraîneur qui travaille avec un tel talent, c'est de lui mettre des limites, nous a-t-il raconté. Je me suis dit que je ne devais jamais le freiner, peu importe ce qu'il faisait sur la glace. J'ai fait confiance à son instinct.»
Lorsqu'il a vu Roman Josi pour la première fois, le jeune hockeyeur avait 14 ans et débarquait dans l'organisation du CP Berne. «Il était assez réservé, se souvient-il. Presque timide. Hors de la glace, il ne parlait pas beaucoup, surtout au début.» Son rôle? Lui faire confiance... et lui donner confiance. «Dès qu'il a eu 15 ou 16 ans, on a compris qu'il allait devenir un tout grand, précise-t-il. Nous devions donc l'accompagner et le regarder grandir en tant que joueur, mais aussi en tant que leader.»
Sur la glace, Thomas Zwahlen voit aujourd'hui encore des choses qui l'épataient à l'époque. «Son sens du jeu et sa manière de se projeter vers l'avant n'a pas changé, précise-t-il. C'est comme s'il avait ça dans ses gênes.» Mais c'est pour tout le reste qu'il est resté le même de manière plus significative encore. «En juniors, il aurait pu se comporter comme un petit arrogant, rigole le coach. Il avait tout pour. Et pourtant, c'était toujours le bon camarade. C'est grâce à sa capacité à tirer tout le monde vers le haut que nous avions une si bonne équipe à Berne lors de sa volée.»
Quelques noms suffisent à se rendre compte de la génération exceptionnelle à laquelle il a appartenu: Tristan Scherwey, Pascal Berger, Kevin Fey, Joel Vermin ou encore Etienne Froidevaux. Autant de joueurs à la riche et longue carrière en National League. Lors de la saison 2006/2007, Arnaud Jacquemet a vécu de l'intérieur le premier Mondial M20 de Roman Josi. «Il était deux ans plus jeune que le reste de l'équipe, précise le Valaisan. Et à moins de 20 ans, deux ans, c'est beaucoup. Mais hormis quelques blagues, il était parfaitement intégré dans l'équipe. C'est cette capacité d'adaptation qui m'a le plus marqué.»
Une qualité qui devra, a n'en pas douter, faire la différence ces prochains jours lorsque Roman Josi va réussir à trouver sa place dans le vestiaire de l'équipe de Suisse.