La Suisse joue en Romandie
Patrick Fischer: «Les joueurs suisses aiment porter ce maillot»

La Suisse va disputer l'Euro Hockey Trophy à Fribourg de jeudi à dimanche. Patrick Fischer, sélectionneur national, se confie sur sa sélection, l’ambition d’un hockey suisse toujours plus compétitif et la fierté de représenter son pays.
Publié: 10.12.2024 à 09:22 heures
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Dernière mise à jour: 10.12.2024 à 11:04 heures
Patrick Fischer a mené l'équipe de Suisse à deux finales de championnat du monde.
Photo: freshfocus
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Grégory BeaudJournaliste Blick

«Comme le tournoi est en Suisse romande, faisons cette interview en français.» Dans les bureaux de la fédération suisse de hockey sur glace, Patrick Fischer a reçu Blick pour une discussion d'une trentaine de minutes. La raison de cette entrevue? La présence de sa sélection à Fribourg dès jeudi pour y affronter successivement la Suède, la Tchéquie et la Finlande.

Euro Hockey Tour: Programme du tournoi de Fribourg

Jeudi 12 décembre

17h30 Finlande - Tchéquie (à Prague)
19h45 Suède - Suisse

Samedi 14 décembre

14h00 Finlande - Suède
18h00 Suisse - Tchéquie

Dimanche 15 décembre

11h30 Tchéquie - Suède
15h30 Suisse - Finlande

Jeudi 12 décembre

17h30 Finlande - Tchéquie (à Prague)
19h45 Suède - Suisse

Samedi 14 décembre

14h00 Finlande - Suède
18h00 Suisse - Tchéquie

Dimanche 15 décembre

11h30 Tchéquie - Suède
15h30 Suisse - Finlande

Avant de prendre ses quartiers sur les bords de la Sarine, il a sélectionné de nombreux joueurs francophones ou évoluant dans des formations romandes. Une volonté, bien sûr, d'attirer des fans à la BCF Arena. Mais pas que. Il explique ses choix et, plus généralement, ses ambitions pour l'avenir avec le Mondial au Danemark dans un coin de la tête. Interview «dans les conditions du direct».

Patrick Fischer, quand tu fais une équipe, tu réfléchis justement à sélectionner les Romands à Fribourg, par exemple? Il y a Bertschy, Glauser, Schmid, Jäger, Riat ou encore Karrer.
Il y a Hofmann aussi (rires). Mais je ne dirais pas que c'est le critère principal. Mais oui, c'est clair, qu'on pense aussi aux fans. Je trouve super que des gars comme Christoph Bertschy et Sandro Schmid puissent jouer à domicile sous le maillot de l'équipe de Suisse.

En plus des noms cités précédemment, il y a deux gardiens romands: Charlin et Waeber et surtout pas Berra ni Genoni. Il y a deux ans, on était inquiet pour la relève à ce poste. Toi aussi, tu l'étais?
Pour être tout à fait honnête, oui je l'étais. C'était un moment de rupture pour les gardiens. On a eu la chance d'avoir une génération incroyable avec des Hiller, Gerber, Berra et Genoni. Et il y a eu un moment où on a bien dû se demander qui serait le prochain gardien titulaire de l'équipe de Suisse. Et à cet instant, c'était moins simple qu'aujourd'hui. Avec Akira Schmid et Connor Hughes en Amérique du Nord, on en a deux qui se développent bien. Avec Stéphane et Ludo, j'ai sélectionné deux bons portiers en Suisse. Il y en a d'autres avec Wüthrich à Berne, Aeschlimann à Davos, Gilles Senn à Ambri ou van Pottelberghe à Lugano, même s'il est blessé.

«
Si nous voulons être une nation de pointe, nous devons atteindre les quarts à chaque tournoi.
»

Tu t'attendais à l'explosion de Charlin à laquelle nous assistons cette saison?
Explosion, c'est le bon mot. Il a franchi un palier cette année et on ne peut que s'en réjouir. La situation est intéressante aujourd'hui, car les jeunes progressent bien, mais il y a de la place pour d'autres. C'est optimal.

L'équipe de Suisse a atteint sept fois de suite le quart de finale, voire mieux. Est-ce qu'on peut dire maintenant que c'est devenu le minimum?
On a eu une grande réunion à la Fédération il y a quelques années. La vision, c'était d’être qualifié pour les quarts de finale à chaque tournoi. On constate qu'à de rares exceptions qui peuvent toujours arriver, les Suédois, les Finlandais, les Tchèques, les Canadiens, les Américains sont toujours présents. Si nous voulons être une nation de pointe, nous devons aussi travailler à cet objectif. Et je peux dire qu'en sept ans, on a atteint cet objectif même si on est conscient que c'est loin d'être évident et que quelque chose peut toujours arriver, comme on l'a vu avec les Suédois il y a trois ans.

Ce but étant désormais atteint, c'est quoi la suite?
Au même moment, nous avions fixé un autre but: être une nation du Top 6 mondial. Pour y parvenir, cela signifie que nous devons aller en demi-finale au moins une fois tous les trois ans. Et là, on voit que nous pouvons encore progresser car nous n'y sommes pas parvenus avec les finales de 2018 et 2024. Cela prouve que nous devons poursuivre notre progression.

La dernière finale, justement, parlons-en. Avec du recul, que gardes-tu de ce tournoi terminé par une médaille d'argent? De la fierté ou toujours de la frustration?
Juste après la défaite finale, nous étions bien sûr tous abattus et les jours suivants, il a été difficile de surmonter cela. C'était d'ailleurs autrement plus difficile qu'en 2018 où la satisfaction d'avoir joué la finale prédominait. En un sens, cela montre qu’on était très proches de quelque chose de grand. De très grand même. Avec quelques mois de recul, on réalise petit à petit que c’était un tournoi fantastique. Mais dans ma tête, les émotions sont toujours mitigées.

Tu as revu le match?
Oui, je l'ai revu. Ce n'était pas notre match. Dès les premiers changements, tu voyais que la Tchéquie avait plus d'énergie que nous. On a bien défendu, mais on attendait un «Golden Goal» qui n'est jamais arrivé.

En regardant les images, tu te dis que tu aurais pu faire quelque chose d'autre pour obtenir un résultat différent?
Oui, on commet toujours des erreurs et on les analyse a posteriori. C'est logique. Mais physiquement, nous étions dans un état de forme qui nous a trop peu permis de jouer de manière plus offensive et de mettre la pression sur les Tchèques. Nous devions nous montrer patients et nous l'avons été. Le power-play n'était pas suffisamment précis pour nous permettre de la faire la différence. C'est peut-être là que j'ai le plus de regrets.

«
En 2016, je manquais d'expérience. Aujourd'hui, je suis plus calme et réfléchi.
»

C’était ton dixième Mondial comme coach principal...
(il coupe) Dix? 2016, 2017, 2018, 2019, 2021, 2022, 2023 et 2024. Cela n'a pas eu lieu en 2020. J'en compte huit moi (rires).

J'ai dû m'embrouiller... Si tu repenses au coach que tu étais en 2016, comment penses-tu t'être développé?
Quand j'ai commencé, je manquais d'expérience, c'est logique. J'avais une vision offensive qui correspondait beaucoup au type de joueur que j'étais et au jeu que je voulais pratiquer. Mais on a trouvé un équilibre entre attaque et défense. Aujourd'hui, je suis plus calme et réfléchi. J’ai beaucoup appris. Par contre, comme entraîneur d'un point de vue humain, que ce soit avec les médias ou les joueurs, je pense que je n'ai pas beaucoup changé.

Ralph Krueger a «tenu» durant douze championnats du monde. C'est un record pour la Suisse. Tu as cette marque dans un coin de la tête?
Non. J'aimerais surtout que l'on se dise qu'avec moi, le hockey suisse a fait un pas vers l'avant. J'ai joué pour Ralph et j'ai bien vu comment il nous a aidés à nous développer. Dès 2006 ou 2007, il a commencé à parler de médailles. C'était le premier à le faire. Avec moi, ce serait bien si on peut se dire que la Suisse a progressé et peut rivaliser avec les nations de pointe.

Qui arrêtera le premier: Andres Ambuehl ou toi?
(il rigole) Moi j'ai le choix d'arrêter. 'Büehli' tant que je le convoque, il vient.

Tu oserais ne pas lui envoyer de convocation?
On se connaît depuis 20 ans. On a joué ensemble. Donc c'est sûr que nous nous parlons de manière très ouverte. S'il est l'un des 14 meilleurs attaquants, il sera dans l'équipe. Sinon il n'y sera pas. Mais son immense avantage sur bien des joueurs, c'est sa polyvalence. Il peut aussi bien jouer centre qu'ailier gauche et droit. Il peut dépanner sur le power-play et jouer en box-play. Il peut tellement tout faire que je n'hésiterais pas à la faire jouer en défense grâce à son immense expérience. C'est pour cela que c'est un joueur si important.

Cette saison, les Suisses ne sont pas autant en vue que par le passé en National League. La baisse depuis quatre ou cinq ans est constante. Est-ce inquiétant ou le fait que les Suisses de NHL viennent chaque année compense?
Il y a quatre ans, nous avions 15 joueurs en NHL. Maintenant, nous en avons neuf. Je fais le même constat que toi. Nous avons neuf joueurs suisses dans le Top 50 des compteurs et deux dans le Top 20. Cela montre qu’il y a des étrangers qui prennent du temps de jeu important en power-play, box play et à 6 contre 5 en fin de match. Même si c’est une situation qu’on doit accepter, la Suisse doit continuer à trouver la motivation pour être meilleure que les étrangers.

Les Suisses ont également de moins en moins de temps de jeu en power-play. Tu peux faire quelque chose contre ce fait?
Oui, et je le dis clairement. Mais ce n'est pas la Fédération qui décide du nombre d'étrangers. Les faits sont là cela ne me réjouit pas. Dans le même temps, je n'ai pas mon mot à dire sur les décisions des clubs. Je peux juste donner mon avis.

En parlant de la NHL, la relation entre les joueurs d'Amérique du Nord et la sélection n'a jamais été aussi simple. Est-ce ta plus grande réussite?
Je pense que nos joueurs aiment beaucoup jouer pour notre pays. Nous avons une bonne ambiance et un bon esprit d’équipe. Si tu regardes les trois, quatre ou cinq dernières années, on a toujours bien joué et on a eu de bonnes chances de remporter une médaille. Bien sûr, nous avons perdu des matches importants, mais les joueurs sentent qu’on peut y arriver. C’est une grande motivation pour eux de venir.

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Je n'ai jamais dû les convaincre. Nous parlons très régulièrement, mais c'est l'équipe qui les convainc de venir.
»

Tu ne dois plus les convaincre de venir chaque année?
Mais je n'ai jamais dû les convaincre. Nous parlons très régulièrement, mais c'est l'équipe qui les convainc de venir. Nous vivons des expériences incroyables ensemble. Que ce soit cette année à Prague ou par le passé à Riga, Helsinki etc. Bientôt, il y aura le Mondial en Suisse. Cela vaut tous les discours du sélectionneur.

Surtout lorsque l'on voit le sacrifice de Kevin Fiala qui est venu quelques jours après la naissance de son enfant.
Mon seul reproche a été, en plaisantant, de lui dire d'être meilleur au niveau du timing (rires). Mais il voulait absolument venir. Sa femme Jessica aussi. C'est un engagement extraordinaire. Je lui avais dit qu'il n'avait pas besoin de venir et qu'il avait une excuse totalement recevable pour ne pas répondre à ma convocation. Mais la fierté qu'il a de venir porter le maillot suisse est magnifique. C'est ce que je leur dis: ce pays leur a tout donné et il faut lui rendre quelque chose en retour. Tout le monde a la même motivation. Quand des joueurs comme Kevin viennent dans ces circonstances, cela motive les autres à faire de même. Mais honnêtement, on n’a pas eu de gros problèmes à ce niveau. Les joueurs sont toujours motivés à venir jouer pour la Suisse.

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