C'est une image qui a marqué la fin de saison de Fribourg Gottéron. Alors que les Dragons se trouvaient à quelques secondes d'une qualification pour les demi-finales, Reto Berra a réalisé un arrêt miraculeux en toute fin d'acte VII contre Lugano. Derrière son casque, on a clairement vu le large sourire du gardien de la BCF Arena. Une fois le puck dans la mitaine, le Zurichois a célébré son arrêt. Un moment rare pour celui qu'on a l'habitude de voir plus flegmatique depuis son arrivée sous le maillot fribourgeois en 2018.
Grâce à ses bonnes performances cette saison (92,9% d'arrêts en championnat et 93,0% en play-off), Reto Berra a été convoqué par Patrick Fischer pour le championnat du monde de Prague qui commence ce vendredi. Le portier prendra part à son dixième tournoi mondial, plus de 10 ans après sa première apparition en 2012 à Helsinki. Cette convocation n'allait pas de soi en septembre dernier lorsque le gardien commençait la saison un an après une opération au dos qui lui a laissé bien des doutes.
Avant de prendre l'avion, il nous a raconté ce que cette épreuve lui a apporté et comment, à 37 ans, il a décidé d'appréhender sa carrière avec un état d'esprit tout neuf et un dos sans bémol.
Reto, on est presque tenté de dire que tu fais partie des meubles dans cette équipe de Suisse et que ta présence est quasi obligatoire, non?
Pas pour moi. Au début de la saison, je devais déjà me prouver à moi-même que j'étais capable de jouer à un haut niveau. Mais je devais également le faire avec les dirigeants de Gottéron. Je n'avais pas encore de contrat au-delà de cette saison (ndlr Il a prolongé en novembre). J'étais déjà très content lorsque j'ai reçu un coup de fil en novembre pour aller jouer un tournoi de préparation.
Et dans cette situation, tu ne t'es pas dit, à 37 ans, que tu allais renoncer?
Non. Lorsque 'Fischi' (ndlr Patrick Fischer, le sélectionneur national) m'a appelé, c'était une évidence. Je me sentais très bien et en bonne santé. Je n'avais aucune raison de décliner. J'ai dit oui sans hésiter.
Tu doutais vraiment de tes capacités à revenir à ce niveau?
Oui, car lorsque je suis revenu de mon opération, j'avais encore beaucoup de douleurs. J'ai passé l'été à redécouvrir mon corps. À savoir ce qui me fait du bien et ce qui me fait du mal. J'ai dû faire un travail de réapprentissage. Donc oui, c'était inévitable que je passe par une période de doute avant le début du championnat. Puis, lorsque la saison a commencé, j'ai assez rapidement remarqué que cela se passait plutôt bien. Je sentais que j'étais capable de bien bouger et les victoires ont commencé à s'accumuler. Cela m'a également permis de construire une belle confiance. Si je dois prendre la saison dans son ensemble, la fin était évidemment triste et personne n'est satisfait. Mais à titre personnel et si je ne pense qu'à ma santé, c'était très positif.
Mentalement, cela t'a libéré d'être physiquement à 100%?
Par rapport au passé, j'ai vraiment pu apprécier ces matches. Plus qu'avant, car j'avais parfois l'impression d'avoir le couteau sous la gorge. Comme si j'avais le sentiment de jouer chaque soir mon dernier match. En ce sens, l'état d'esprit était différent et le mood bien meilleur.
En fin de série face à Lugano, j'ai l'impression de ne t'avoir jamais vu autant expressif sur la glace...
(Il rigole) Je crois que tout le monde l'a vu. Cette saison, je me suis simplement dit: «Sois toi-même». Je ne voulais pas devoir cacher mes sentiments. Bref, je voulais jouer librement pour la première fois depuis longtemps. Mais je ne voulais pas être uniquement libre dans le jeu. En dehors aussi. C'est sûrement pour cette raison qu'on a peut-être pu le remarquer davantage cette saison. Avant cette saison, je me suis dit que j'avais passé tellement d'années devant ce filet à essayer d'arrêter ce truc noir (rires). Là, si cela se passe mal, ce sera peut-être la dernière fois vu que j'étais sans contrat au terme de la saison et avec un point d'interrogation sur ma santé. C'est pour cela que je voulais juste ressentir de la joie sur la glace et oublier toute pression. C'est un sentiment magnifique.
Tu embarques cette mentalité dans ta valise pour Prague, j'imagine.
Clairement. Mais c'est simplement devenu ma façon de faire au quotidien. Je me sens totalement décontracté. Je suis juste content d'être là. Même durant la préparation, je n'ai jamais tenu pour acquis le fait que je sois sélectionné.
À ton âge, tu peux penser au Mondial en Suisse et aux JO qui auront lieu en 2026 en te disant que tu vas aller jusque-là?
Par le passé, probablement. Mais désormais, plus du tout. J'ai bien remarqué à quel point cela pouvait tourner rapidement. On parle de compétitions qui auront lieu dans deux ans. C'est bien trop éloigné. Si je pouvais écrire aujourd'hui comment se passerait la fin de ma carrière, bien sûr que ce serait la dernière page du bouquin. Mais la réalité, c'est qu'il y a encore beaucoup de matches à jouer d'ici aux Jeux et au Mondial 2026.