Mélange des cultures
Peu à peu, Marseille devient fada de hockey sur glace

L'équipe de Suisse dispute deux matches à Marseille, ville où le ballon rond est roi. Mais depuis deux ans, la rondelle commence à se faire une place au soleil. Reportage en marge du match de l'équipe de France dans l'antre des Spartiates.
Publié: 08:13 heures
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Dernière mise à jour: 09:49 heures
Les fans se pressent aux matches des Spartiates de Marseille.
Photo: AFP
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Grégory BeaudJournaliste Blick

«Je te propose un voyage dans le temps, via planète Marseille.» Au moment où l'équipe de France a fait son apparition sur la glace vendredi soir contre la Suisse, c'est «Je danse le Mia», morceau culte d'IAM qui a envahi l'espace. Le mythique tube du groupe de hip-hop marseillais a été convié à cet avant-match. Et ce n'est pas un hasard puisque le leader du groupe, Akhenaton lui-même, a fait la promotion du hockey sur glace sur ses réseaux sociaux durant les derniers play-off. Oui, il se passe quelque chose autour de ce sport dans le sud de la France.

Cela fait désormais deux saisons que les Spartiates de Marseille évoluent en Ligue Magnus, la première division, et la ville phocéenne commence doucement à briser la glace. À un jet de boule de la patinoire, le Vélodrome se dresse majestueusement. Pourtant, la salle omnisports était garnie de plus de 5400 personnes pour ce France - Suisse. Ils devraient être près de 5000 ce samedi soir alors que l'OM affrontera Montpellier à dix minutes d'ici.

Plus d'une heure avant France - Suisse, les fans faisaient la queue devant l'entrée avec, au loin, le Véldrome.

Trois heures avant le coup d'envoi du premier des deux matches, un groupe d'amis sirote une bière — la Fada, ça ne s'invente pas — et parle de hockey sur glace. Tous vivent à Marseille. «J'ai pris l'abonnement cette année, précise Sacha, avec une écharpe... des Gothiques d'Amiens autour du cou. Le hockey est vraiment en train de prendre. Ils sont vraiment bons pour créer l'événement autour des matches. Tantôt les étudiants sont invités et tantôt les familles. Ils ont vraiment réussi à créer quelque chose de bien autour de ce club.» Le supporter est présent au match avec des amis fans des Spartiates, Guillaume et Léo.

Et ce n'est pas un hasard si la Fédération française a décidé de jouer deux matches face à la Suisse dans la cité phocéenne. Gaël Biraud, journaliste à «La Provence» décrypte: «Qu'il y ait du hockey à Marseille, c'est une aberration si l'on réfléchit à la réalité de cette ville. Mais dans les faits, ils ont réussi à fédérer autour d'eux un public très diversifié de gens qui ne se reconnaissent plus forcément dans le football. Ici, c'est plus familial qu'à l'OM et cela coûte moins cher tout en étant plus facile d'avoir des billets.»

Plus facile pour le moment. «Au début, il y avait des prix cassés et des offres familiales très attractives, poursuit le journaliste. Mais dorénavant, la demande commence à augmenter.» Il faut dire que les Spartiates de Marseille ont fait absolument tout juste au niveau du marketing. «C'est un ancien de l'Olympique de Marseille qui gère», précise Gaël Biraud. Les réseaux sociaux sont savamment étudiés et l'aspect visuel est léché. «Ils détonnnent dans le paysage, si l'on compare avec des clubs plus établis comme Briançon, Grenoble ou Gap», précise le reporter.

Et cela fonctionne! La saison dernière, ils étaient en moyenne 4600 à se presser à la patinoire pour les matches de l'équipe locale, soit la meilleure moyenne du pays. Pas mal si l'on pense à l'état du hockey marseillais voici une décennie. Fondé en 2012 sur les cendres du Hockey Club Phocéen, le Massilia Hockey Club a petit à petit pris place dans le paysage jusqu'à monter en première division sur le tapis vert. «Cela nous est toujours reproché, précise Jérémy, un fidèle de la première heure présent au match avec trois amis. C'est vrai que la promotion n'était pas forcément méritée, mais l'engouement était au rendez-vous et le dossier solide.» Difficile de lui donner tort concernant l'engoument, surtout après une soirée durant laquelle plus de 5000 personnes étaient présentes à la patinoire pour un France - Suisse sans enjeu.

Manu, Romain, Jérémy et Steph (de g. à dr).

Il va sans dire que si l'on pense à Marseille, on ne peut que penser au football en premier. Mais la filiation existe. «Plusieurs petits groupes de supporters commencent à se faire voir, précise Jérémy. Mais ils ne sont pas là pour générer des problèmes ou craquer des fumigènes. C'est probablement davantage bon enfant qu'au Vélodrome.»

Et les tarifs sont également en adéquation. Les dirigeants des Spartiates ont eu la bonne idée de ne pas pratiquer une politique de prix déraisonnable. «Une famille peut venir au match et cela ne lui coûtera pas plus qu'un cinéma, précise Gaël Biraud. C'est un bon moyen de fidéliser une clientèle.»

Si la rencontre face à la Suisse n'a pas atteint des sommets techniques, elle a tout de même permis aux fans de faire beaucoup de bruit, notamment lorsque la France est revenue de 2-4 à 3-4. «Un moment fantastique», comme nous l'a confié Aurélie, qui voyait son premier match de hockey sur glace. «Je ne pensais pas que ce serait aussi violent», a-t-elle poursuivi en rigolant. Mais cette supportrice représente tout le challenge des gens qui veulent démocratiser le hockey à Marseille: trouver un nouveau public tout en contentant les gens déjà conquis. «Ce n'est que notre deuxième saison, mais je ne me sens plus obligé d'expliquer les règles à chacun de mes articles, sourit Gaël Biraud. Cette année, nous avons réalisé des portraits de joueurs et j'ai bon espoir que nous puissions commencer à parler vraiment de jeu tout bientôt à mesure que les gens se familiariseront avec ce sport.»

Les individualités évoluant à Marseille ont d'ailleurs été largement plus applaudies que les autres lors de la présentation des équipes. Preuve que le travail de fond est en train de fonctionner, même si cela prendra probablement encore un peu de temps dans une ville où le foot prend une telle place.

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